2e pilier: Suisses de l’étranger discriminés
Bien que la prévoyance professionnelle soit une épargne obligatoire pour tous les salariés, des groupes d'assurés sont discriminés. Tout le monde ne bénéficie pas du même taux d'intérêt.
Cette inégalité de traitement touche surtout les Suisses de l’étranger qui ont dû cotiser sur des comptes de libre passage, tant qu’ils demeuraient à l’étranger.
Depuis l’entrée en vigueur de la loi fédérale sur la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité en 1985, la prévoyance professionnelle (PP), est une obligation pour les salariés.
C’est le 2e des trois piliers de la prévoyance vieillesse en Suisse. Le 1er pilier est l’assurance vieillesse obligatoire visant à assurer la retraite et le 3e une prévoyance personnelle facultative (assurance privée).
Pour ce qui est du 2e pilier, dès que son gain annuel dépasse 19’350 francs, chaque salarié cotise un pourcentage de son salaire calculé sur une base individuelle. Lequel est versé sur son avoir vieillesse auprès de la Caisse de pension (CP) de son entreprise.
Ce mécanisme fonctionne très bien, jusqu’au moment où le salarié domicilié en Suisse se métamorphose en Suisse de l’étranger. Jusqu’à mi 2007, tous ces derniers étaient tenus, s’ils voulaient conserver leur capital en Suisse, de verser la part obligatoire du 2e pilier sur un compte de libre passage.
Là, l’argent restait bloqué tant que la personne résidait à l’étranger, mais avec un taux de rémunération nettement moins favorable que s’il était resté auprès de la CP. Jusqu’à fin juin, tout assuré qui ne souhaitait pas laisser son capital en Suisse pouvait retirer jusqu’à 100% de la PP.
Différentes réglementations
Depuis peu, les choses sont différentes, selon que le Suisse émigre en Europe ou Outre-mer.
Dans ce dernier cas, «depuis juin 2007, la personne continue à pouvoir disposer de la totalité de son capital PP», explique Felix Bossert, directeur du Fonds de solidarité des Suisses de l’étranger (Soliswiss).
«Mais si elle émigre dans un pays de l’UE ou de l’OCDE, son avoir vieillesse doit obligatoirement rester en Suisse».
La nouvelle réglementation est une conséquence des accords bilatéraux signés entre la Suisse et l’Union européenne. Ce qui fait que les Suisses de l’étranger qui vivent dans un pays européen sont discriminés par rapport à leurs concitoyens vivant en Suisse. «On gèle en quelque sorte leurs avoirs et ce, à un taux d’intérêt médiocre», dit encore M. Bossert à swissinfo.
20 milliards sur les comptes de libre passage
Selon le magazine alémanique des consommateurs «K-Tipp», quelque 20 milliards de francs dorment sur les comptes de libre passage, contre 11 milliards seulement en 2000.
Parmi ces sommes se trouvent aussi les avoir PP gelés des Suisses de l’étranger. A un taux de 1,5%, leur rémunération est «misérable», selon Soliswiss. Alors que si cet argent était resté auprès des caisses de pension, il bénéficierait de l’actuel taux d’intérêt minimal de… 2,5%.
Dès 2008, ce taux sera même relevé à 2,75%. Ainsi en a décidé en septembre le Conseil fédéral (gouvernement), compétent pour fixer ce taux d’intérêt minimal.
Régime plus favorable Outre-mer
Les expatriés des Etats-Unis peuvent par exemple retirer la totalité de leur avoir PP et, avec un peu de chance, mais aussi plus de risques, espérer en tirer un meilleur rendement que si leur capital était resté auprès de la caisse de pension.
«Soliswiss offre des conseils sur la meilleure façon de sortir son avoir de la caisse de pension sans payer trop d’impôts, indique Felix Bossert. Ensuite, Soliswiss aide à transformer ces fonds de prévoyance vieillesse sous forme d’assurances ou de gestion de fortune.
Mise sous tutelle en Europe
Par contre pour les Suisses vivant en Europe, ce n’est plus possible. Felix Bossert parle, dans ce cas, de «mise sous tutelle». Non seulement le capital ne peut plus être retiré de la PP, mais il est placé à un taux très défavorable.
C’est pourquoi la fixation du taux d’intérêt minimal doit être étendue aux comptes de libre passage, afin que tous les ayants droits bénéficient du même traitement.
Une personne sur dix
Pour cela, «K-Tipp» a commencé à récolter des signatures avec une pétition qui demande au gouvernement des «Taux justes pour tous». Il évalue les pertes infligées par ce vide juridique aux épargnants à un demi-milliard de francs par année.
C’est le montant des gains supplémentaires encaissés par les administrateurs de ces comptes de libre passage, selon «K-Tipp».
La population ne se montre pas très préoccupée par ce vice du système. Selon Felix Bossert, cela tient au fait que les salariés suisses ne se sentent pas concernés. «La plupart n’envisagent pas de partir pour l’étranger.» Et s’ils le font, c’est déjà trop tard!
«Tout le monde croit, à tort, qu’il n’est pas concerné.» Ce qui est une erreur, quand on considère les chiffres de la population suisse. Sur 7 millions d’habitants, il y a 2 millions d’étrangers, il ne reste donc que 5 millions de citoyens et citoyennes.
Et 10% d’entre eux sont actuellement des Suisses de l’étranger. C’est-à-dire que la discrimination de la prévoyance professionnelle pourrait concerner une personne sur dix.
swissinfo, Alexander Künzle
(Traduction de l’allemand: Isabelle Eichenberger)
Depuis l’entrée en vigueur de la loi fédérale sur la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité en 1985, le Conseil fédéral fixe le taux d’intérêt minimal tous les deux ans en se fondant sur le rendement moyen à long terme des obligations de la Confédération à sept ans.
Ce taux prescrit aux caisses de pension le seuil minimum de rendement des avoirs vieillesse.
Ce taux est fixé par le gouvernement parce que les cotisation au 2e pilier sont fixées par la loi.
Un problème demeure: les caisses de pension voient leurs activités assujetties à l’évolution du marché des capitaux, mais ne sont pas libres de fixer le taux d’intérêt pour des raisons politiques.
C’est pourquoi nombre d’institutions de prévoyance peuvent, selon l’évolution de l’économie, rencontrer des problèmes de couverture: elles sont en situation de découvert si la fortune ne suffit plus à couvrir les obligations à l’égard des assurés, ou alors le capital de couverture dépasse le minimum légal.
Le magazine alémanique des consommateurs «K-Tipp» demande dans une pétition que le gouvernement, compétent en matière des avoirs LPP sur les comptes de libre passage, fixe le même taux d’intérêt minimal partout (Art. 12 LPP2).
De même pour les comptes bancaires du 3e pilier (Art. 5 LPP3)
Les fonds de prévoyance restent sur les comptes des caisses de pension où ils sont assujettis au taux d’intérêt minimal.
Comptes de libre passage: si un assuré quitte son employeur, s’il est au chômage ou émigre, sa caisse de pension transfère son avoir vieillesse sur un compte de libre passage auprès de sa banque.
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