A Washington, la Suisse fera office de bon élève
Quatre ans après le début de la crise économique mondiale, la reprise reste inégale, mais la Suisse est en relativement bonne posture, souligne le Fonds monétaire international (FMI) avant son Assemblée de printemps organisée avec la Banque mondiale, les 15 et 16 avril à Washington.
Dans «la reprise à deux vitesses» que décrit le FMI dans ses nouvelles prévisions semestrielles, ce sont les pays émergents qui continuent à connaître une croissance plus rapide que celle des pays industrialisés, même si la Chine va enregistrer un certain tassement et l’Inde, un tassement certain.
Au-delà, le FMI est préoccupé par la persistance et l’ampleur du chômage, un phénomène dont le fardeau est de plus en plus supporté par les jeunes et dont les conséquences pourraient être graves pour la cohésion sociale, ou ce qui en tient lieu dans de nombreux pays, et pas seulement en Afrique du Nord et au Proche-Orient.
Un îlot de quasi plein-emploi
Selon le FMI, la crise a créé plus de 30 millions de chômeurs supplémentaires à travers le monde. Or, l’organisation internationale prévient que les taux de croissance ne sont pas assez élevés pour réduire la pénurie d’emplois de façon significative.
Aux Etats-Unis, notamment, le FMI situe la croissance à 3% ou moins sur 2011-2012 et déplore que l’administration Obama n’ait toujours pas de «plan adéquat» pour lutter contre la crise immobilière qui, élément déclencheur de la crise mondiale en 2007, est pourtant liée à la hausse du chômage de longue durée.
Dans un tel contexte, la Suisse apparaît comme un îlot de quasi plein-emploi. Dans son rapport annuel sur la Suisse publié fin mars, le FMI indique que la Suisse a non seulement «retrouvé ses niveaux de production et d’emploi d’avant la crise», mais qu’elle manifeste aussi «une solide expansion, et ce, malgré l’appréciation du franc».
UBS et Credit Suisse montrés du doigt
Cependant, tout n’est pas rose en Suisse. Le FMI laisse ainsi entendre que le marché immobilier pourrait y prendre l’allure d’une «bulle» si les «pratiques laxistes de crédit» se poursuivent. Le FMI appelle donc Berne à adopter des «mesures préventives» pour décourager ces méthodes «risquées».
Par ailleurs, le FMI avertit que celles qu’il appelle pudiquement «les deux grandes banques» sans jamais les nommer, c’est-à-dire UBS et Credit Suisse, demeurent «des risques» pour l’économie nationale.
Le FMI demande au parlement d’ «adopter rapidement la proposition de loi sur les too big to fail». Il juge que l’augmentation du capital prévu par le texte est «cruciale pour réduire le risque posé par ces banques». En outre, il conseille à la Suisse de «renforcer l’efficacité et l’indépendance de ses instances de règlementation vis-à-vis des banques».
La taxe voulue par Strauss-Kahn
Du reste, le patron du FMI propose, au niveau international, un renforcement du cadre régissant les banques et autres institutions financières privées. Dominique Strauss-Kahn veut, en particulier, créer «une taxe sur les activités financières pour forcer le secteur à supporter certains coûts sociaux découlant de son comportement risqué». Il qualifie même de «fléau» la menace représentée par les banques à importance systémique et réclame de «meilleurs mécanismes pour y mettre fin».
Les mesures évoquées par le directeur général du FMI iraient plus loin que celles dont le G 20 a convenues, mesures que Dominique Strauss-Kahn considère comme «trop laxistes pour pouvoir éviter de nouvelles crises à l’avenir».
A cet égard, le Bureau indépendant d’évaluation (BIE) du FMI, organe formé à la suite de la crise asiatique de 1997, publie un rapport accablant pour le Fonds monétaire international qui, tout comme il n’avait pas vu venir la crise en Asie, n’a pas vu venir la crise mondiale actuelle. Exemple flagrant: pendant l’éclatement de la crise, en 2007, le FMI maintenait que «les perspectives de l’Islande à moyen terme étaient enviables».
Etroitesse intellectuelle
Selon le BIE, l’aveuglement du FMI a de nombreuses causes: étroitesse intellectuelle, excès de confiance dans la résilience des grandes banques, soutien aux instruments créatifs du secteur financier comme la monétarisation des prêts immobiliers à haut risque, pesanteurs bureaucratiques au sein du FMI, pressions politiques émanant des Etats-Unis, de la Grande-Bretagne et des «autorités de la zone euro». Mais toutes ressortent d’une adhésion à l’idéologie ultralibérale en vogue depuis les années 1980.
La seule «exception» à l’aveuglement du FMI fut sa surveillance «plus efficace» de la Suisse. Dans les années qui précédèrent la crise, note le BIE, «le FMI fut plus désireux d’exprimer des préoccupations et de fournir des conseils relatifs au système financier suisse, ce qui fut apprécié par les autorités helvétiques». Mais même par rapport à la Suisse, l’analyse du FMI demeura «relativement optimiste» jusqu’à la crise.
Face au nouvel échec de la fonction d’alerte du FMI, le BIE appelle l’organisation à continuer à réformer «sa culture, sa gouvernance et ses pratiques de manière à être mieux préparée à affronter les défis futurs». Il estime que le FMI doit «être proactif dans la prévention des crises» et «dire leurs quatre vérités aux pouvoirs» en place, tant en son sein que dans les Etats-membres.
Composition de la délégation suisse. La ministre des Finances Eveline Widmer-Schlumpf, cheffe de la délégation suisse, le ministre de l’Economie Johann Schneider-Ammann, et Philipp Hildebrand, président de la direction générale de la Banque nationale suisse (BNS).
Thèmes. Les discussions du Comité monétaire et financier international (CMFI) porteront principalement sur la situation économique mondiale et sur le rôle futur du FMI au sein du système financier et monétaire international.
Volatilité. Quant au Comité du développement, il se penchera essentiellement sur la volatilité des prix des denrées alimentaires, la réforme de la Banque mondiale et les progrès réalisés pour atteindre les objectifs du Millénaire pour le développement.
Rôle du FMI. Les discussions relatives au rôle futur du FMI porteront sur différentes mesures visant à renforcer le système financier et monétaire international, qui auront été discutées auparavant dans le cadre de la rencontre des ministres du G 20. Il s’agit principalement des mesures envisageables pour stabiliser les flux de capitaux, des filets de sécurité financière au niveau mondial, du rôle des droits de tirage spéciaux et du renforcement de la surveillance du secteur financier exercée par le FMI.
Croissance: 2,4% en 2011 et 1,8% en 2012, après 2,6 en 2010
Chômage: 3,4% en 2011 et 3,3% en 2012 au lieu de 3,6% en 2010
Inflation: 0,9% en 2011 et 1% en 2012, contre 0,7% en 2010
Stopper les «pratiques laxistes» en matière de crédit immobilier.
Adopter «rapidement» la législation pour mieux contrôler les banques à importance systémique.
«Renforcer» les instances de règlementation et de surveillance, notamment en permettant à la FINMA de recruter plus d’agents et d’effectuer plus d’inspections.
La Suisse occupe un siège au conseil d’administration du FMI au nom d’un groupe de pays surnommé «Helvétistan».
Ce groupe réunit la Pologne, la Serbie, le Monténégro, le Tadjikistan, l’Ouzbékistan, le Kirghizistan, le Turkménistan et le Kazakhstan.
Il dispose d’une quote-part de 2,8% du capital du FMI.
Par comparaison, les Etats-Unis ont une quote-part de 17,5%, ce qui leur confère un veto de facto au FMI.
En conformité avec les normes du JTI
Plus: SWI swissinfo.ch certifiée par la Journalism Trust Initiative
Vous pouvez trouver un aperçu des conversations en cours avec nos journalistes ici. Rejoignez-nous !
Si vous souhaitez entamer une conversation sur un sujet abordé dans cet article ou si vous voulez signaler des erreurs factuelles, envoyez-nous un courriel à french@swissinfo.ch.