Des perspectives suisses en 10 langues

ABB vaut-il mieux que sa cote en Bourse?

A quelques jours de la présentation des résultats du 3ème trimestre, ABB avertissait lundi que les chiffres seraient mauvais.

Aussitôt, l’action du groupe s’effondrait. Cette chute historique – près de 60% – annonce-t-elle la débâcle?

Lundi à l’ouverture, l’action ABB valait encore plus de 5,30 francs. Mercredi, sa cote la plus basse s’est affichée à 1,41 franc. Comment expliquer cette chute, sans précédent dans les annales de la Bourse suisse?

Le cours d’une action baisse lorsque tout le monde cherche à vendre. Or, le comportement des investisseurs n’est pas régi par la seule logique des faits et des chiffres. Il suffit que la confiance s’effondre pour amorcer le mouvement à la baisse.

«Depuis le début de l’année, ABB table sur une rentabilité de 4 à 5%, rappelle Olivier Balsiger, analyste à la Banque cantonale vaudoise (BCV). Ce résultat a été atteint au premier semestre et le 11 septembre, le groupe disait encore pouvoir l’atteindre sur l’ensemble de l’exercice».

Or lundi soir, moins de trois jours avant la présentation des résultats au 3ème trimestre, ABB lance un «avertissement sur bénéfice». Sans donner de détails, le groupe prévient que les chiffres seront mauvais et qu’il s’abstiendra à l’avenir de toute prévision sur ses revenus.

L’effet est catastrophique. Pour les analystes de la Banque Sarasin, Jürgen Dormann, président de la direction depuis le 5 septembre seulement, «a déjà perdu la confiance placée en lui». La BCV, le Credit Suisse First Boston et d’autres avec elles dégradent l’action ABB.

Mercredi, le Financial Times publie un article très négatif sur ABB. Ceux qui croyaient encore aux promesses de Jürgen Dormann sont déçus. La réalité des chiffres leur inflige un cinglant démenti.

La perte de confiance s’explique également par l’affaire de l’amiante aux Etats-Unis

ABB a de gros soucis avec Combustion Engineering, son ancienne filiale américaine, assaillie de plaintes de victimes de l’amiante. Le groupe a constitué des réserves à hauteur de 1,4 milliard de francs suisses pour régler ces cas.

Mais à fin juin, 102 000 plaintes étaient encore en suspens. ABB envisage maintenant de placer Combustion Engineering sous la protection de la loi américaine sur les faillites. Dans ce cas, il y a de fortes chances que les plaintes soient détournées sur la maison-mère.

«Selon les estimations les plus pessimistes, cette affaire pourrait coûter plus de 4 milliards de dollars à ABB», note Olivier Balsiger.

Bien sûr, le groupe a des couvertures d’assurance. Mais personne ne sait à quelle hauteur elles se situent. Divulguer ce chiffre ne ferait qu’affûter l’appétit des avocats des plaignants.

Le groupe ABB est-il menacé de faillite?

François Savary, stratégiste financier indépendant, juge cette menace «peu crédible». Le groupe helvético-suédois travaille dans le concret, dans des secteurs comme l’électricité, le gaz, le pétrole et l’automation industrielle, qui n’ont pas de raisons de disparaître.

Très actif en Afrique, en Asie et au Moyen-Orient, ABB «sait faire des choses que peu de compagnies au monde savent faire», rappelle François Savary. Pour lui, le salut du groupe passe par un recentrage sur ces activités historiques.

ABB peut-elle invoquer la conjoncture pour expliquer ses mauvais résultats?

Certainement. La reprise sur laquelle tout le monde tablait pour la seconde partie de l’année se fait toujours attendre. Les activités dans lesquelles ABB excelle sont cycliques et dépendent aussi des investissements d’autres compagnies. Or la crise n’épargne personne.

Quel est le poids des erreurs de management commises dans le passé?

Très lourd. Olivier Balsiger compare la croissance d’ABB à celle de Vivendi Universal. «Lorsque tout allait bien, on fait des acquisitions à gauche et à droite, sans réellement se soucier de la rentabilité de ce qu’on achetait», rappelle l’analyste de la BCV.

Aujourd’hui, ces sociétés, achetées à crédit, pèsent sur les résultats du groupe. La vague de désinvestissements déjà amorcée va donc fatalement se poursuivre.

De plus, les changements incessants à la tête du groupe n’ont rien fait pour inspirer la confiance. Sans oublier la communication, qu’Olivier Balsiger juge «franchement mauvaise».

Dans ce domaine, l’arrivée de Jürgen Dormann avait fait espérer une amélioration. Hélas, «l’avertissement sur bénéfice lancé lundi soir, un mois après que l’on nous ait dit que tout allait bien a fait retomber la crédibilité de la direction à zéro», conclut l’analyste de la BCV.

swissinfo/Marc-André Miserez

Les plus appréciés

Les plus discutés

En conformité avec les normes du JTI

Plus: SWI swissinfo.ch certifiée par la Journalism Trust Initiative

Vous pouvez trouver un aperçu des conversations en cours avec nos journalistes ici. Rejoignez-nous !

Si vous souhaitez entamer une conversation sur un sujet abordé dans cet article ou si vous voulez signaler des erreurs factuelles, envoyez-nous un courriel à french@swissinfo.ch.

SWI swissinfo.ch - succursale de la Société suisse de radiodiffusion et télévision

SWI swissinfo.ch - succursale de la Société suisse de radiodiffusion et télévision