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Accord fiscal: la presse suisse surtout didactique

«L’évasion fiscale n’a jamais été aussi avantageuse», clame une banderole de la gauche allemande, qui a déjà commencé à faire campagne à Berlin contre l’accord avec la Suisse. Reuters

Plutôt des faits que des commentaires. A quelques piques près, la presse suisse de ce jeudi se livre à un vaste exercice d’explication de l’accord fiscal paraphé avec l’Allemagne. Un accord qui de l’avis général semble profitable aux deux parties.

«La nouvelle victoire d’étape dans le long et tortueux combat que mène la Suisse pour préserver ce qui reste de son secret bancaire fera date», écrivent presque triomphalement 24 Heures et La Tribune de Genève.

Et de rappeler qu’«un accord similaire est aussi à bout touchant avec la Grande-Bretagne» et qu’il faudra ensuite poursuivre les négociations avec les Etats-Unis, la France, l’Italie et finalement l’Union européenne. «Une course de vitesse semée d’embûches, plus proche du cross-country que de la balade dominicale», jugent les deux quotidiens, mais la Suisse «n’a pas d’autre choix que de s’y lancer».

Aux banques de jouer

«Ce n’est qu’une victoire d’étape, estiment également la Neue Luzerner Zeitung et le St-Galler Tagblatt. La crise de la dette et les caisses vides vont aiguiser l’appétit d’autres autorités fiscales étrangères. Il appartient donc maintenant aux banques de vraiment mettre en œuvre une stratégie de l’argent propre».

Le quotidien de boulevard Blick, estime que la place financière suisse «est désormais un peu plus propre, mais aussi plus petite. Et si la soustraction fiscale ne marche plus, alors les banques suisses devront prouver qu’elles sont vraiment meilleures que les autres».

«Les banques suisses devront désormais vivre sur les nouveaux modèles d’affaires qu’elles ont promis. A l’avenir, elles devront offrir des services de pointe au lieu de proposer des trucs pour échapper au fisc», renchérissent le Tages Anzeiger et le Bund.

Les cow-boys et les Indiens

Le Temps salue la fin d’un «mauvais western, joué par un fisc si gourmand qu’il a poussé certains de ses concitoyens au crime, des banquiers peu scrupuleux qui ont complaisamment accueilli des évadés fiscaux, d’autres qui ont illégalement vendu des données confidentielles et un ministre allemand qui a joué au chef de cavalerie lancé à la poursuite des Indiens».

Commentaire ironique dans La Liberté, qui reprend l’image du western, dont l’épilogue voit «la réserve d’Indiens et les cow-boys allemands fumer le calumet et saluer cette paix des braves».

Mais le quotidien fribourgeois met aussi le doigt sur des questions qui fâcheront à l’avenir. Le risque tout d’abord de voir les clients touchés par l’accord émigrer vers des paradis plus hermétiques. Ici «le doute est de mise, mais il ne faut pas trop se faire d’illusions non plus».

Et surtout, souligne La Liberté le fait que ce genre d’accords «ne favoriseront pas l’emploi». Et que «la place bancaire helvétique est plus que jamais surdimensionnée».

Miraculeux

Ironique lui aussi, le Blick trouve à ce deal avec l’Allemagne «quelque chose de miraculeux. Des milliards d’argent noir passent au blanc quasiment en une nuit. Les fraudeurs allemands reviennent à la légalité et ils peuvent même rester anonymes».

«En Allemagne, la gauche parle déjà de ‘gifle pour tous les contribuables honnêtes’» et de nombreux clients peuvent maintenant «retirer leur argent et fuir vers le prochain oasis fiscal».

Gagnant-gagnant

Pour Le Temps, les deux parties ont gagné quelque chose à cet accord. La Suisse «dispose désormais au sein de l’UE d’un premier allié de poids qui reconnaît la légitimité de l’impôt libératoire prélevé à la source» et elle pourra «faire valoir cet argument dans ses futures négociations». Et l’Allemagne de son côté «espère récupérer quelques milliards d’euros de recettes qui lui échappaient».

Le Corriere del Ticino met lui aussi en avant les avantages qu’offre cet accord à la place financière suisse, laquelle préserve son secret bancaire, échappe à l’échange automatique d’informations, et pourra également «jouer à armes égales», en disposant désormais de «meilleurs possibilité pour accéder au marché allemand des services financiers».

Die Südostschweiz tempère quelque peu cet optimisme en rappelant que le texte doit encore passer devant les parlements. Et que si l’acceptation semble acquise en Suisse au vu des réaction des partis, il n’en va pas de même en Allemagne, où la gauche donne déjà de la voix contre l’accord. «En cas de non à Berlin, tout serait à recommencer» avertit le journal.

Côté allemand

La Süddeutsche Zeitung prend elle aussi la peine d’expliquer dans le détail un accord dont la conclusion selon elle doit plus aux pressions exercées de toutes parts et notamment à la menace de Washington de retirer leur licence américaine aux banques suisses non coopératives qu’aux vociférations de l’ancien ministre allemand des finances Peer Steinbrück.

Le quotidien n’oublie pas les protestation de l’opposition en Allemagne et se demande s’il était bien malin de fixer à dans 16 mois l’entrée en vigueur de cet accord. Car «qui le voudra aura plus qu’assez de temps pour trouver une nouvelle cachette pour son argent».

Mais finalement, la Süddeutsche Zeitung salue le fait que «l’Allemagne va ainsi pouvoir récupérer un nombre de milliards à deux chiffres, une somme qu’aucun gendarme du fisc n’aurait jamais pu faire rentrer».

Depuis 2008, les autorités de Berlin font pression sur la Suisse, dont les banques abriteraient plus de 130 milliards d’euros d’avoirs allemands soustraits au fisc de leur pays.

Mercredi 10 août, les deux pays ont paraphé un accord par lequel la Suisse compte éviter l’échange automatique d’informations prônée par l’Union européenne. Le texte devrait entrer en vigueur en 2013.

Les gains de capitaux réalisés par des résidents allemands sur leurs comptes suisses seront frappés d’un impôt libératoire au taux de 26,375%. L’impôt sera retenu à la source par les banques suisses et transmis au fisc allemand.

Pour solder les contentieux passés, les établissements helvétiques verseront une somme forfaitaire de 2 milliards de francs suisses au fisc allemand, soit bien moins que les 10 milliards d’euros avancés par la presse allemande.

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