Airolo se souvient
Onze noms gravés en lettres dorées sur marbre noir. Airolo a rendu hommage le week-end passé aux victimes de l'accident du 24 octobre 2001.
Une journée du souvenir marquée par le désespoir de Rosy, venue d’Italie avec son petit Leo, sept mois et demi.
Rosy est assise aux premiers rangs, sous la voûte de l’autoroute où a été installée une chapelle improvisée.
Le curé d’Airolo, don Gianni Sala – qui s’était dépensé sans compter juste après la catastrophe – dit la messe. Il vient de bénir la plaque en mémoire de dix hommes et d’une femme morts dans le tunnel, le 24 octobre 2001.
A la cinquième liste de la liste, on lit: «Rosario Caggiano I» (I pour Italie). Ce nom est celui du mari de Rosa, dite Rosy. La jeune femme a répondu à l’invitation que le maire d’Airolo, Mauro Chinotti, a envoyée aux familles des victimes.
«Nous avons contacté toutes les familles. Celles de l’étranger l’ont été par le biais de leurs ambassades respectives. Mais seule celle de Rosario Caggiano a pu faire le voyage», indique Mauro Chinotti.
Soutenue par sa sœur, son beau-frère et le cousin de son mari, Rosy Caggiano a fait le déplacement de Verbania (Piémont), à une vingtaine de kilomètres de Locarno, au bord du lac Majeur.
Plusieurs rescapés de l’accident, des Tessinois pour la plupart, sont aussi montés à Airolo.
«J’ai cru mourir»
A l’énoncé du nom de Rosario, les pleurs de la jeune veuve redoublent. Vêtue de noire, prostrée, les yeux rougis, elle ne parvient pas à cacher son désespoir. Même son petit Leo, sept mois et demi, né quatre mois après la mort de Rosario, ne parvient pas à la consoler.
«Je ne peux pas raconter ce que j’ai vécu depuis la mort de mon mari. J’étais enceinte de quatre mois et demi. J’ai cru mourir. Je ne vis plus que pour Leo mais c’est trop dur. Aucun mot ne peut faire comprendre ma douleur.» Rosy n’en dira pas plus. Avant de s’éloigner, elle s’approche de la plaque de marbre noir et la caresse.
Rosario Caggiano travaillait pour une entreprise de transports de Grono (GR), près de Bellinzone. Il était frontalier. Il avait été engagé une semaine avant l’accident et était heureux de pouvoir gagner davantage en Suisse.
Le soir, s’il ne se déplaçait pas outre-Gothard, il pouvait rentrer à Verbania. Jusqu’au 24 octobre dernier…
L’enfer sous le tunnel
Ce jour-là, un mercredi ensoleillé et encore chaud pour la saison, le routier turc Seyfi Aslan, pris de boisson, perdait le contrôle de son mastodonte. La collision inévitable avec le camion de l’Italien Bruno Saba, chargé de pneumatiques, déclenchait l’enfer à un kilomètre de l’entrée sud du tunnel.
Samedi dernier, à un peu mois d’un an de la catastrophe, la plaque de marbre noir offerte par la municipalité d’Airolo a été posée entre la statue de Sainte Barbe, la patronne des mineurs, et le monument en mémoire des ouvriers qui ont perdu la vie pendant la construction du tunnel (1970-1980).
Elle rappellera aux passants le Bernois Hans Ulrich Schwarz, l’Allemand d’origine italienne Antonio Anglilotti et sa femme Elke, les Allemands Jens Sander et Olaf Schuster, les Turcs Seyfi Aslan et Hakki Oezkaya, les Français Marcel Burg et Albert Minck et le Paraguayen domicilié en Italie Cesar Prieto Milciades.
«Pendant un certain temps, nous avons assisté psychologiquement les familles des victimes», dit Roberto Sandrinelli, chef de l’Office cantonal pour le service social. Après l’accident, il avait mis sur pied un groupe de soutien formé de psychologues, psychiatres, médecins, infirmiers et religieux.
L’aide psychologique s’était aussi étendue aux équipes de sauveteurs, aux pompiers et secouristes confrontés à un spectacle insoutenable. Samedi, les pompiers du 24 octobre 2001 assistaient à la cérémonie du souvenir.
Difficultés financières
«Certaines familles ont aussi été confrontées à des difficultés financières», explique Antonio Perugini, le procureur luganais chargé de l’enquête pénale. Dans quelques cas urgents, des indemnités ont déjà été versées, mais l’ensemble des dédommagements aux proches des victimes doit encore être débloqué par l’assurance.»
Pour le magistrat, la famille la plus mal lotie est celle du Turc responsable de la catastrophe et mort asphyxié à quelques mètres de son camion. Il travaillait depuis peu en Belgique, mais avait laissé une femme et quatre enfants au pays. En tant que parents du fautif, ils n’auront droit à aucune indemnisation.
swissinfo/Gemma d’Urso, Airolo
Les conséquences de l’accident:
Onze tués (dix hommes et une femme)
Huit personnes sont hospitalisées pour intoxication
Dix voitures et treize camions sont impliqués
350 personnes participent aux secours avec 70 véhicules et et cinq hélicoptères
Il faut 24 heures pour maîtriser l’incendie
L’ardoise finale est de 16 millions de francs
La Winterthour, l’assureur du routier fautif, devra verser 2,9 millions
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