André Dosé jette l’éponge
Swiss se retrouve sans capitaine. Son patron André Dosé a quitté la compagnie.
Officiellement, c’est à cause d’une éventuelle plainte du Ministère public de la Confédération (MPC) liée à l’accident d’avion de Bassersdorf (ZH) qu’il a pris sa décision.
«Pour le moment, je n’ai été ni convoqué ni entendu par le Ministère public. Je ne suis pas accusé. Mais je ne pouvais pas mettre mon travail entre parenthèses le temps d’une enquête dont on ne sait pas combien de temps elle peut durer», a expliqué André Dosé lors d’une conférence de presse organisée en urgence mercredi.
Malgré une proposition de suspension le temps d’une enquête émanant du conseil d’administration, André Dosé préfère abandonner le navire de suite.
Raison officielle invoquée: Swiss se trouve actuellement au milieu d’un revirement de situation. Il ne lui sied donc pas d’abandonner ses fonctions pour une période indéterminée.
Mais selon des sources proches du démissionnaire, un vote du conseil d’administration aurait tourné en sa défaveur.
Manifestement, au terme de ce vote, André Dosé a claqué la porte puisqu’il a convoqué sa conférence de presse à 18 h 15 sans avoir eu le temps d’avertir personnellement ses collaborateurs.
«Je ne peux pas dire quand les choses ont été décidées, juste que c’est allé très vite, cette semaine», a encore déclaré le futur ex-président de la direction générale de Swiss.
Le crash de Bassersdorf
A l’époque de la catastrophe de Bassersdorf, qui avait coûté en novembre 2001 la vie à 24 des 35 occupants du Jumbolino, André Dosé était alors patron de Crossair.
En février, suite au rapport de Bureau d’enquête sur les accidents d’aviation civile, le Ministère public de la Confédération a envisagé d’étendre son enquête aux personnes.
Les enquêteurs soupçonnent des lacunes dans les contrôles de sécurité et l’entraînement des pilotes de l’ancienne compagnie régionale.
Dans un communiqué, le conseil d’administration de Swiss condamne «les allégations, attaques personnelles et accusations dont André Dosé a fait l’objet ces derniers temps».
Cette annonce arrive par ailleurs dans une période où la compagnie tente de regagner la confiance du public, érodée par les problèmes financiers et les pertes constantes de la compagnie.
En 2003, Swiss a réussi a réduire ses pertes à 687 millions de francs contre 980 millions un an aupravant. Mais on attend les résultats définitifs dans deux semaines.
Pieter Bouw ad interim
André Dosé affirme qu’il se tiendra à la disposition de Swiss en qualité de conseiller.
Il précise encore qu’il fera tout «pour réfuter les reproches formulés à son encontre dans le contexte de l’accident du 24 novembre 2001».
Ex-chef de Crossair, André Dosé a été nommé à la tête de Swiss en automne 2001, à la suite de la fusion de la défunte Swissair avec Crossair.
C’est l’actuel président du conseil d’administration Pieter Bouw qui assurera l’intérim.
Afin d’épauler Pieter Bouw dans sa double fonction, le conseil d’administration a nommé un second vice-président en la personne de Walter Bosch.
Mission impossible
Ce n’est certainement pas le meilleur moment pour quitter le navire, mais André Dosé va peut-être devoir assumer certaines responsabilités dans le crash de Bassersdorf, analyse pour swissinfo Sepp Moser, spécialiste de l’aviation.
Pour lui, Peter Bouw ne parviendra pas à assumer ses nouvelles responsabilités, simplement parce que la tâche tient de la mission impossible.
«Personne n’est apte à remplir cette tâche. C’est tout simplement impossible de diriger une compagnie aérienne qui repose sur un concept et un business plan irréalisables», affirme Sepp Moser.
Pour lui, il ne s’agit pas d’un problème de personnes, mais d’un problème structurel. Et la démission d’André Dosé ne devrait avoir aucune influence sur les rallonges de crédits que Swiss tente désespérement d’obtenir.
«Il n’y a pas de changements à espérer de ce côté», conclut Sepp Moser.
«Regrettable»
Au chapitre des réactions, le ministre des transports Moritz Leuenberger estime que le départ d’André Dosé n’est «pas une bonne nouvelle», au moment où la compagnie est «sur le point de se redresser».
Pour son collègue Hans-Rudolf Merz, cette démission témoigne d’un grand sens des responsabilités. «André Dosé fait clairement passer ses intérêts personnels après ceux de l’entreprise», juge le ministre des finances.
Côté syndical, on regrette aussi ce dénouement. Certains se montrent même irrités, car il s’agit là d’un mauvais signal pour la compagnie.
Le syndicat GATA (personnel au sol), décrit André Dosé comme un «chef résistant aux crises».
Pour le responsable du secteur aérien au Syndicat suisse des services publics, «ce départ était inévitable», vu les circonstances. «Il sera difficile de trouver un successeur qui puisse diriger le groupe de la même manière et en disposant d’un réseau de relations identique», ajoute Daniel Vischer.
C’est «le personnage décisif qui s’en va», relève-t-on enfin auprès du syndicat des pilotes Aeropers, qui s’inquiète de la double casquette endossée désormais par le président Pieter Bouw.
swissinfo
avec Jake Greber, Ariane Gigon Bormann à Zurich et les agences
– André Dosé, 46 ans, était aux commandes de Swiss depuis son lancement le 31 mars 2002. Il avait été désigné à ce poste dès septembre 2001.
– Au moment du crash de Bassersdorf, le 24 novembre 2001, il était directeur général de Crossair.
– «Swiss sortira des chiffres rouges en 2004», promettait André Dosé depuis plusieurs mois.
– Le crédit relais de plus de 300 millions de francs annoncé comme quasiment signé fin septembre n’est toutefois toujours pas trouvé. L’adhésion à l’alliance Oneworld n’a rien changé de ce côté-là.
– Seul le groupe automobile AMAG a évoqué un crédit de 10 millions de francs.
– En 2003, Swiss a transporté moins de passagers (-7,9%) mais a affiché un meilleur taux d’occupation (72,4% contre 71% en 2002, mais 59% seulement en Europe).
– Suite aux réclamations des passagers, Swiss a dû réintroduire la classe affaires sur le réseau européen.
– De nombreux cadres ont quitté l’entreprise, dont le chef commercial William Meaney, qui a tenté de s’opposer à André Dosé.
– Swiss est en train de supprimer un tiers de ses emplois initiaux, soit plus de 3000 sur 10’000.
En conformité avec les normes du JTI
Plus: SWI swissinfo.ch certifiée par la Journalism Trust Initiative
Vous pouvez trouver un aperçu des conversations en cours avec nos journalistes ici. Rejoignez-nous !
Si vous souhaitez entamer une conversation sur un sujet abordé dans cet article ou si vous voulez signaler des erreurs factuelles, envoyez-nous un courriel à french@swissinfo.ch.