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Berne refuse le ‘diktat’ de Bruxelles

Les nuages se sont amoncelés entre Berne et l'UE en raison des divergences sur la fiscalité de l'épargne. Keystone Archive

L'Union européenne (UE) désire que les banques helvétiques informent le fisc sur les avoirs détenus en Suisse par ses concitoyens.

Cet échange d’informations, adopté sous la pression des Britanniques, sonnerait le glas du secret bancaire.

En juin 2000, suite au sommet européen de Feira, le ciel est presque tombé sur la tête des banquiers suisses.

C’est dans cette cité portugaise que, pour harmoniser la fiscalité des revenus de l’épargne au sein de l’UE, les Quinze ont décidé d’adopter l’échange automatique d’informations entre leurs autorités fiscales.

Pour éviter que cette mesure n’engendre une fuite des capitaux en dehors de l’Union, Bruxelles veut que les pays tiers, comme la Suisse et les Etats-Unis, suivent le même chemin et fournissent des renseignements sur les avoirs détenus par les ressortissants européens.

Londres tire les ficelles

Une résolution prise sous la forte influence de la Grande-Bretagne. Avec ce système, Londres fait d’une pierre deux coups.

Elle évite l’introduction d’un impôt à la source, qui aurait fait fuir son marché des euro-obligations vers les Etats-Unis, et elle met la pression sur la Suisse et son lucratif secteur de la gestion de fortune.

Quelle que soit l’issue du bras de fer entre la Suisse et l’UE, Londres sera la grande gagnante de ce dossier. Si Berne acceptait de collaborer avec les fiscs étrangers, elle signerait la mort du secret bancaire et de sa place financière. La City serait certainement la première à tirer profit de la situation.

Si la négociation échoue, les banques anglaises n’auront pas à coopérer sur les questions fiscales et il sera facile d’en rejeter la faute sur l’intransigeance suisse. L’enjeu va donc bien au-delà d’une simple harmonisation d’impôt.

En aparté, les banquiers suisses estiment qu’en fait cette directive européenne sur la fiscalité de l’épargne n’est qu’un prétexte pour éliminer le secret bancaire.

«La directive ne peut en aucun cas être présentée comme un moyen efficace de lutte contre l’évasion fiscale», estime Michel Dérobert.

«C’est un compromis politique qui prévoit de nombreuses exceptions comme les dividendes ou les euro-obligations et elle ne concerne que les personnes physiques», ajoute le secrétaire général de l’Association des banquiers privés suisses.

«L’UE offre des échappatoires taillées sur mesure pour ses places financières», conclut Michel Dérobert.

La Suisse fait des concessions

A la place d’un échange d’informations fiscales, le Conseil fédéral propose d’introduire une taxation à la source, allant jusqu’à 35%, sur les revenus de l’épargne détenue par les citoyens européens en Suisse.

Des recettes qui seraient aux trois quarts rétrocédées à l’Etat d’origine de l’épargnant. Cela garantirait l’anonymat des clients et donc préserverait le secret bancaire. En revanche, le gouvernement refuse d’abandonner la distinction entre fraude fiscale et évasion fiscale.

«Cette solution généreuse serait une première mondiale, aucun pays ne prélève un impôt pour le compte d’un Etat tiers», relève Ivan Pictet associé à la banque Pictet & Cie. Mais pour l’heure Bruxelles refuse ce compromis.

«Il ne reste pas vraiment de marge de manœuvre pour négocier», précise l’Association suisse des banquiers qui qualifie l’offre helvétique de «très généreuse».

Curieusement, alors que les Etats-Unis n’ont pas fait le moindre effort pour satisfaire à la directive européenne, Bruxelles évite de montrer du doigt Washington. Un poids, deux mesures.

swissinfo/Luigino Canal

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