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Cancer de la vessie: les réserves de Syngenta

Ouvriers sur le site de Monthey en 1999. Keystone Archive

Pour Syngenta, les liens entre un insecticide produit dans les années 60 à 80 par Ciba-Geigy et des cas de cancers chez les employés ne sont pas prouvés.

Jeudi, le magazine L’Hebdo affirme que des cas de cancer de la vessie dans la région de Monthey, dans le Chablais valaisan, pourraient être liés à l’exposition des ouvriers à ce produit.

L’insecticide en cause est le Galecron, un produit phare de la Ciba dans les années 1970, très efficace pour éliminer toutes sortes de larves affectant le coton.

Sa production a été arrêtée après le constat de sa dangerosité pour l’être humain chez lequel il est soupçonné de favoriser le cancer de la vessie.

Or, selon L’Hebdo de jeudi, un nombre anormalement élevé de cancers de la vessie a été constaté dans le Chablais, région où est implantée la Ciba, devenue Syngenta à la fin des années 90.

Cité par l’hebdomadaire, le seul urologue de la région, Henri Bitschin, affirme avoir recensé une trentaine de décès suspects en vingt ans.

«Je suis convaincu que ce nombre est supérieur à celui d’autres bassins de population similaires», confirme le docteur Bitschin. Il précise tout de même qu’il ne s’agit que d’une conviction personnelle qui ne se base sur aucune statistique.

Et d’ajouter: «Je ne peux pas non plus affirmer que tous les cas soient liés à la Ciba».

Syngenta au courant

De son côté Mauricio Renzi, le directeur de l’usine Syngenta de Monthey, indique être parfaitement au courant de cette situation.

«Quelque 300 personnes font l’objet par précaution d’examens réguliers depuis 1978. Neuf cas de cancers de la vessie ont été classés par la Suva (la caisse nationale d’assurance accidents) comme maladie professionnelle.»

Mauricio Renzi affirme en outre que les personnes faisant l’objet d’un suivi médical sont «parfaitement tenues au courant». Les employés sont avisés que la démarche est liée au «soupçon» de nocivité cancéreuse de l’insecticide Galecron, mise en évidence en 1978.

Les anciens employés de la Ciba atteints d’un cancer de la vessie affirment néanmoins dans L’Hebdo qu’ils n’étaient pas renseignés sur les raisons exactes des contrôles médicaux. Selon Mauricio Renzi, il est possible que les employés déjà à la retraite en 1978 n’aient pas été informés.

Par ailleurs, Emilie Vincent, porte-parole de Syngenta, a précisé à swissinfo que Syngenta reconnaît l’exisence de ces cas de cancer de la vessie, mais émet des réserves sur leur causalité.

« Nous exprimons notre plus profonde sympathie aux personnes affectées… mais nous ne pouvons être certains que ces cas sont directement liés au Galecron », déclare-t-elle.

« Les cancers de la vessie puvent être dûs à plusieurs facteurs, comme la fumée ou le fait de ne pas avoir un régime alimentaire sain ».

Statistiques rassurantes

Le médecin cantonal valaisan Georges Dupuis se veut plutôt rassurant. Les statistiques fournies par le Registre cantonal des tumeurs ne font pas état d’un nombre plus élevé de cas de cancers de la vessie dans le Chablais qu’ailleurs.

«Compte-tenu de cette statistique, nous n’avions jusqu’ici pas de raisons d’entreprendre quoi que ce soit», précise le docteur Dupuis.

Et de s’étonner du fait que si, elles existaient, de telles suspicions n’ont pas été communiquées, ni à l’Etat ni à l’inspectorat cantonal du travail.

Le médecin cantonal indique encore que les études épidémiologiques seront affinées ces prochaines années.

De son côté le chef de l’inspectorat du travail, Stéphane Glassey, précise qu’à partir du moment où le produit n’est plus sur le site, rien ne sera entrepris de son côté.

Appel syndical

Les syndicats, par contre, ne comptent pas en rester là. Blaise Carron, secrétaire d’Unia, veut lancer au nom des personnes lésées une action collective afin d’obtenir des dédommagements pour les atteintes à leur intégrité.

«La semaine prochaine, annonce Blaise Carron, nous allons lancer un appel par voie de presse aux personnes malades ou aux proches de personnes décédées afin qu’ils s’annoncent chez nous.»

Ce dernier espère aussi pouvoir rencontrer les directions du site chimique afin de s’assurer qu’il n’y a pas «d’autres bombes à retardement en production».

De son côté, Syngenta reste silencieux à ce propos: « Nous ne pouvons rien dire pour le moment. Nous attendons qu’Unia fasse le prochain pas », constate Emilie Vincent.

Un précédent américain

Pour mémoire, le Galecron avait déjà causé des soucis à la Ciba au début des années 1990 aux Etats-Unis.

Un groupe de plaignants avait fait valoir que le produit accroissait le risque de cancer de la vessie. En 1994, un accord à l’amiable prévoyant des traitements médicaux et des dédommagements avait toutefois été appouvé par un tribunal de l’Alabama.

Ciba a vendu du Galecron dans le monde entier de 1966 à 1976. Il était destiné aux cultures de coton, des fruits, des légumes et du riz.

Mais, entre 1976 et 1978, les ventes de cet insecticide avaient été suspendues au niveau mondial.

Réintroduit en 1978, le Galecronen sera utilisé pour le coton uniquement. Jusqu’en 1988, année où Ciba a définitivement cessé sa production.

swissinfo et les agences

– La fusion en 1996 des géants suisses de la chimie Ciba-Geigy et Sandoz a donné dans un premier temps naissance à deux nouvelles entités.

– La plus importante est Novartis, devenu un des leaders mondiaux de de la pharmacie.

– A fin 1999, le secteur agrochimie de Novartis a fusionné avec celui de l’anglo-suédois AstaZeneca pour donner naissance à Syngenta.

– Ciba Spécialités Chimiques regroupe quant à elle les activités de chimie fine des anciens groupes Ciba-Geigy et Sandoz.

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