Comment sortir du tunnel
Les conséquences des travaux dans le tunnel de Glion et celles l’accident au Baregg nous rappellent la vulnérabilité du réseau routier helvétique.
Les techniciens et les politiciens sont conscients de ce problème, lié à la topographie de la Suisse. Reste à trouver les solutions adéquates.
Le Valais prisonnier d’une ceinture de véhicules qui avancent au pas. Le Valais isolé, coupé du monde. Ce cauchemar a longtemps hanté les nuits des habitants, des autorités et des responsables touristiques locaux. Aujourd’hui, il se matérialise.
Dans le canton de Vaud, sur l’autoroute A9, les travaux de réfection des tunnels de Glion ont débuté mercredi. Le tube aval sera fermé jusqu’en novembre côté montagne, entre Montreux et Villeneuve.
L’opération se renouvellera sur la même période de l’année 2005 pour la transformation du deuxième tube. Coût total: 100 millions de francs.
Bouchons dissuasifs
Pour minimiser les effets secondaires des travaux, les autorités vaudoises et valaisannes ont imaginé de multiples mesures d’accompagnement: itinéraires alternatifs, offres spéciales des transports publics, covoiturage, système d’information étoffé, etc.
Le Touring Club Suisse (TCS) a notamment informé les autres clubs européens des conditions de circulation pour qu’ils puissent donner des conseils à leurs automobilistes, explique Joël Grandjean, porte-parole du TCS.
Malgré toutes ces mesures, les bouchons sont inévitables. La fermeture diminue de plus de moitié la capacité d’une artère qui peut voir défiler jusqu’à 60’000 véhicules un dimanche de beau temps.
Et les milieux touristiques craignent que les ralentissements soient dissuasifs. En janvier, Valais-Tourisme évoquait une perte probable de 260 millions de francs.
Pas un cas unique
Mais Glion n’est pas un cas unique. Gothard, Mont-Blanc, Belchen, Vue-des-Alpes, etc.
Mercredi encore, une automobiliste a été tué dans un grave accident au tunnel du Baregg (AG) sur l’A1. Malgré la réouverture d’une partie de l’autoroute , la circulation en direction de Berne était encore nettement ralentie jeudi. Et les exemples sont nombreux.
«Nous avons déjà vécu ce type de scénario au Mont-Blanc et au Gothard. Le problème ne date pas d’hier, confirme l’écologiste François Marthaler. Nous sommes de plus en plus dépendants de ces passages.»
«En 1970, le trafic à travers les tunnels de Glion était de l’ordre de 9000 véhicules par jour. Aujourd’hui, il atteint 44’000 véhicules en moyenne», ajoute le ministre (conseiller d’Etat) vaudois.
Un réseau vulnérable
En fait, Glion n’est qu’un symbole de la vulnérabilité du système routier helvétique. La structure complexe du pays, qui devient de plus en plus citadin, se révèle fragile.
Et ce n’est pas fini. Cette année, précise l’Office fédéral des routes, quatre autres lieux stratégiques du réseau suisse devront eux aussi être rénovés.
«Trois dangers menacent la fluidité du trafic, résume sa porte-parole Jolanda Vandegraaf. Les carences structurelles – les routes ne parviennent plus à absorber un trafic en constante augmentation – les accidents et les travaux d’entretien.»
Les limites du développement
Mais comment régler le problème? Construire plus? A Glion, certaines voix se sont élevées l’an dernier pour exiger la construction d’un troisième tube. Une solution irréalisable pour des raisons budgétaires et écologiques.
«Ces trente dernières années, le réseau autoroutier suisse a vu sa longueur multipliée par quatre, observe François Marthaler. Sur la même période, le réseau ferroviaire s’est développé de 1% seulement.»
Géographe à l’Université de Berne, Hans-Rudolf Egli arrive au même constat. «Aujourd’hui, chaque région, chaque village est relié au réseau routier. Outre la topographie, c’est aussi le désir de bien-être qui a mené à la construction de ponts et de tunnels toujours plus nombreux. Des structures qui coûtent cher.»
Bouleverser les habitudes
Désormais, la limite est atteinte. Impossible de construire plus. Ou alors la Suisse ressemblera à un morceau d’emmenthal, un bout de terre percé de partout, comme l’a prédit un autre écologiste, Fernand Cuche.
Reste la solution alternative, préconisée par les Verts notamment: le transfert de la route au rail. Mais cette variante nécessite une nouvelle approche de la mobilité, un bouleversement des habitudes de la population suisse. Et là, ce n’est pas gagné.
«Il s’agit d’un choix, conclut Hans-Rudolf Egli. La question doit trouver des réponses à la fois politiques et sociales.»
swissinfo, Alexandra Richard
En trente ans, le réseau autoroutier suisse a vu sa longueur multipliée par quatre.
Sur la même période, le réseau ferroviaire s’est développé de 1% seulement.
En 1970, 9000 véhicules traversaient les tunnels de Glion, en moyenne, chaque jour. Et 15’000 le tunnel du Baregg.
Aujourd’hui, on compte 44’000 véhicules en moyenne par jour à Glion et 92’000 au tunnel du Baregg.
– La constante augmentation du trafic n’est pas seulement liée aux déplacements professionnels et commerciaux, mais aussi aux loisirs.
– Selon un sondage réalisé en été 2003, 76% des automobilistes qui traversaient les tunnels de Glion ce jour-là se déplaçaient pour leurs loisirs. Et 15% d’entre eux envisageaient d’y renoncer en cas de perturbations du trafic.
– Mais les problèmes les plus lourds touchent les agglomérations qui doivent faire face quotidiennement aux bouchons et accidents.
– Cette expansion du trafic routier est en grande partie liée à l’urbanisation du territoire. Une proportion toujours plus importante de la population travaille en ville, mais préfère vivre à la campagne.
– Et le développement des transports publics, promis dans les années 80, n’est pas parvenu à résoudre le problème.
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