Crise: les fournisseurs automobiles en panne
Les constructeurs automobiles ont été parmi les premiers à faire les frais de la crise financière. Si la Suisse ne produit plus de voitures depuis longtemps, elle abrite en revanche de nombreux fournisseurs de la branche, qui sont à leur tour touchés.
Début novembre, le fabricant lucernois de fils synthétiques Nexis Fibers (ex-Viscosuisse, fondé en 1906) a annoncé être au bord de la banqueroute. Motif: la mauvaise situation du marché, notamment dans le secteur automobile.
Or Nexis Fibers fait partie des nombreuses entreprises helvétiques qui, sans y être associées directement, sont des fournisseurs de l’industrie automobile.
«On ne peut pas cerner vraiment cette branche car beaucoup de fournisseurs travaillent de manière diversifiée», souligne à ce propos Patrick Laager, analyste industriel à la Banque Vontobel.
Importante mais difficile à cerner
En tout, la branche des fournisseurs suisses de l’industrie automobile totalise un chiffre d’affaires de 16 milliards de francs par an et emploie dans les 34’000 personnes.
Une récente étude de l’Ecole polytechnique fédérale de Zurich (EPFZ) montre que, sur plus de 300 de ces entreprises, 17% travaillent exclusivement pour la branche automobile, et ce même si la Suisse ne produit plus de voitures depuis longtemps.
L’entreprise biennoise Feintool produit par exemple des composants, dont 85% sont destinés à l’industrie automobile, contre 5% seulement chez Sulzer.
Parmi ces 300 sociétés, certaines sont cotées en bourse, comme Georg Fischer et Rieter. D’autres sont des entreprises traditionnelles comme Arbonia Forster ou Scintilla. Le secteur compte également des filiales de sociétés telles qu’Eftec (partie du groupe EMS), Sia Abrasives (Bosch), ainsi que des petits et moyens bureaux de développement ou d’ingénieurs de l’industrie des machines.
Plus rapide et plus brutal
Point commun, ces entreprises sont toutes concernées par la mondialisation de la chaîne d’approvisionnement, qui entraîne une forte dépendance des exportations, et par conséquent de l’évolution des changes. «Les perspectives sont très sombres et on ne prévoit pas de retournement avant 2010», relève Patrick Laager.
Du côté de l’industrie des machines, on se montre un peu moins pessimiste. «La branche est plus différenciée», note Ruedi Christen de Swissmem (l’association faîtière de l’industrie des machines, des équipements électriques et des métaux), qui constate que certains secteurs se tassent et d’autres non.
Principal problème: l’assèchement des lignes de crédit bancaire pour les entreprises. «Les banques comptent plus sur les aides de l’Etat que sur les dividendes! Mais les affaires vont reprendre», affirme Ruedi Christen.
Pour le représentant de Swissmem l’actuelle tendance à la baisse est d’abord à imputer à la conjoncture: «Le mouvement commence toujours par toucher les machines textiles, puis vient le tour des fournitures de pièces pour voitures. C’est à nouveau le cas actuellement, avec peut-être cette différence: la rapidité et la brutalité du phénomène.»
A ses yeux, les problèmes rencontrés sur le marché du travail en Suisse au niveau du recrutement d’ingénieurs et de spécialistes sont par contre de nature structurelle. Ruedi Christen en veut pour preuve le fait que les licenciements d’employés ayant ce profil professionnel sont très peu nombreux.
Le rôle moteur des fournisseurs
En Allemagne, ce type de diplômés est très recherché. Depuis 2000, leur nombre a doublé dans l’industrie des pièces pour voitures alors que parallèlement, les fabricants ont dû, sous la pression des actionnaires et des investisseurs en quête de rendements, comprimer les coûts et faire des économies.
Un transfert de compétences s’est donc effectué. «Actuellement, 70% de la valeur ajoutée des véhicules revient aux fournisseurs», explique Patrick Laager.
La course aux véhicules moins gourmands en énergie et plus respectueux de l’environnement s’est par exemple répercutée toujours plus sur les fournisseurs. Dans la branche automobile, ces derniers ont investi jusqu’à 10% du chiffres d’affaires dans les nouvelles technologies, contre 4% seulement chez un constructeur comme Daimler.
Autre exemple, les systèmes hybrides d’économie de carburant des marques allemandes, comme du reste la recherche pour l’amélioration du rendement des batteries, sont imputables non aux constructeurs mais aux améliorations apportées par les fournisseurs.
Niches et innovation
Grâce à ces productions de niche et une forte innovation, la plupart des fournisseurs suisses de l’industrie automobile pourraient donc résister à la récession, estime Patrick Laager.
Même si «la marge des fournisseurs suisses cotés en bourse a tendance à diminuer», l’analyste de Vontobel est convaincu que les grandes entreprises devraient bien s’en tirer. Ce qui ne sera probablement pas le cas des entreprises étrangères, où des consolidations ou des rachats sont selon lui à prévoir.
Reste que le danger de reprises croît. Actionnaire principal du groupe Arbonia Forster, Edgar Oehler s’est récemment plaint à la télévision suisse alémanique de ce que la baisse des actions ait entraîné une baisse de moitié de la capitalisation de l’entreprise.
«Cela ne correspond plus à la valeur réelle de l’entreprise», a-t-il déclaré. Et de se dire heureux d’être actionnaire majoritaire d’Arbonia Forster, faute de quoi il craindrait un rachat de la société par de rusés financiers.
Un scénario qui s’est vu à maintes reprises durant la dernière récession, et qui pourrait bien se répéter.
swissinfo, Alexander Künzle
(Traduction de l’allemand: Isabelle Eichenberger)
Outre les entreprises cotées en bourse comme Georg Fischer ou Rieter, la Suisse compte des dizaines de PME travaillant partiellement ou totalement à la fournitures de pièces pour voitures.
La répartition géographique de ces entreprises montre des concentrations régionales, notamment dans le Mittelland ou la Suisse orientale et du Nord.
Le canton de Soleure abrite à lui seul 40 fournisseurs.
La branche ne compte pas, et de loin, que des fournisseurs de pièces pour voitures.
Elle regroupe aussi des entreprises spécialisées dans les installations de montage et d’automatisation ou dans les machines spéciales.
Autres acteurs, les concepteurs de software destiné à l’industrie automobile et aux fournisseurs eux-mêmes .
Enfin les prestations de service – conseil, bureaux d’ingénieurs, de marketing et de publicité pour les constructeurs ou les producteurs de composants –
se sont également beaucoup développées dans le secteur.
Avec des marques comme Mercedes, VW, Audi ou BMW, l’Allemagne est le pays ou l’industrie automobile souffre le plus.
Ses problèmes se répercutent d’abord sur ses fournisseurs allemands, tels que Bosch.
A noter que les plus gros d’entre eux n’appartiennent pas à des actionnaires mais à des fondations.
Cela leur permet de mieux résister à des OPA, amicales ou non.
Comparé à leurs concurrents japonais, les fournisseurs allemands dépendent moins du secteur automobile.
Au Japon en effet, les fabricants détiennent des parts de capital de leurs fournisseurs.
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