«Faciliter la conduite des affaires est impératif»
Les vagues successives de licenciements mettent en exergue les moyens d'intervention dont disposent les autorités politiques.
Les propos de Stéphane Garelli, professeur d’économie à l’IMD à Lausanne, recueillis par Jean-Didier Revoin.
swissinfo: Comment expliquez-vous les pertes financières et les licenciements annoncés par plusieurs grandes multinationales helvétiques?
Stéphane Garelli: Nous traversons une phase d’apathie économique qui trouve son origine dans la crise irakienne et les incertitudes qui animent les acteurs quant à l’éventualité d’un conflit armé. Et comme l’économie suisse est très exposée à l’économie globale, elle souffre particulièrement de l’appréciation du franc par rapport au dollar.
swissinfo: Comment le pouvoir politique peut-il influer sur ce processus?
S.G.: Il faut d’abord distinguer deux niveaux. Les multinationales et les petites et moyennes entreprises (PME). Les premières ne font qu’adapter leurs structures au contexte international morose dans lequel elles évoluent pour rester compétitives. Et les autorités politiques n’ont que peu ou pas de moyens à disposition pour intervenir. Pour les PME en revanche, le rôle du pouvoir politique est de parvenir à redynamiser l’économie intérieure.
Si l’on regarde les dix dernières années, la croissance helvétique a été bien inférieure à celle de pays comme la Suède, les Pays-Bas ou encore le Danemark.
swissinfo: Les mesures préconisées par le ministère de l’économie sont discutées depuis dix ans. Mais aucune vraie réforme n’a été menée à son terme. Est-ce pour cette raison que l’économie suisse est à la peine?
S.G.: On peut dire aujourd’hui que le développement des nouvelles technologies, a permis de doper la croissance des économies de plusieurs pays. Force est de constater, qu’à force de tergiverser et de se poser trop de questions, la Suisse a raté le train en la matière. Cet attentisme a donc coûté plusieurs années de croissance au pays.
swissinfo: Comment serait-il possible de surmonter cet écueil?
S.G.: Je pense que la Suisse a aujourd’hui besoin d’un ministère de l’économie qui ait les moyens de générer davantage d’interactions avec le Département des finances. Tel que je le conçois, ce ministère engloberait toutes les activités nécessaires à la mesure de la croissance économique. Le pays manque aujourd’hui d’une structure qui puisse véritablement évaluer l’impact sur la croissance économique des décisions prises par le Département des finances.
swissinfo: Mais en attendant, quelles mesures concrètes le gouvernement peut-il prendre pour améliorer la situation le plus rapidement possible?
S.G.: Il peut agir à deux niveaux. Au niveau structurel, en faisant accélérer les processus de libéralisation qui concernent actuellement plusieurs secteurs de l’économie suisse. Mais la mesure qui me paraît la plus utile serait de simplifier les procédures, règlements ou lois de façon à faciliter la conduite des affaires. Au plan conjoncturel ensuite…l’impact d’une nouvelle baisse des taux d’intérêt demeurerait assez limité.
En revanche, les effets d’une diminution temporaire de la TVA (taxe sur la valeur ajoutée) seraient bien plus importants, même si une telle mesure reste, bien sûr, difficile à faire passer au plan politique.
swissinfo: Axée sur l’exportation, l’économie suisse dépend beaucoup de la prospérité économique de ses partenaires. Or, l’économie allemande devrait entrer en récession. Comment la Suisse peut-elle lutter contre ce phénomène?
S.G.: C’est juste, 22% des échanges de la Suisse se font avec l’Allemagne et le premier partenaire économique du pays s’apprête à entrer en récession. D’autre part, les échanges commerciaux avec la Chine, dont la croissance économique atteint 8% et qui recèle un potentiel de développement énorme, ne se montent qu’à 1%.
Par conséquent, seule une diversification accrue de nos échanges internationaux vers des pays qui ont des forts taux de croissance permettra de limiter la dépendance de la Suisse aux cycles économiques de ses partenaires immédiats.
swissinfo: Quels sont ces pays?
S.G.: L’Asie, avec la Chine, les Etats-Unis et même la Russie dont la croissance atteint tout de même 4%. Mais malheureusement les échanges avec ces pays se font en dollars et la forte appréciation du franc face au billet vert complique quelque peu la situation.
swissinfo: A l’exception de la guerre dans le Golfe, est-il possible de sortir rapidement de cette crise?
S.G.: Contrairement aux crises économiques précédentes, la crise n’a pas été provoquée par une diminution marquée de la consommation. La situation actuelle découle de la diminution massive des investissements opérés par les entreprises et aussi longtemps qu’elles resteront frileuses, le redémarrage sera difficile.
Propos recueillis par Jean-Didier Revoin, swissinfo.
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