Fusion chez les banquiers privés
Dans un marché de la gestion de fortune très concurrentiel, les banquiers privés genevois Darier Hentsch et Lombard Odier fusionnent pour survivre.
La rumeur qui enflait depuis plusieurs semaines est confirmée. «Lombard Odier et Darier Hentsch unissent leurs forces pour former l’un des premiers groupes de banquiers privés en Suisse et en Europe», précisent Thierry Lombard et Pierre Darier, associés seniors des deux établissements.
Un marché en restructuration
Cette fusion de deux établissements bicentenaires intervient dans un contexte difficile pour tout le secteur de la gestion de fortune. L’an dernier, les banques privées suisses ont vu leurs bénéfices chuter de 25 à 50% et depuis quelques mois la branche est entrée dans une phase de consolidation.
Après le rachat de 25% du capital de la banque privée bâloise Sarasin par Rabobank, et la fusion entre l’Union Bancaire Privée et la Discount Bank and Trust Company, c’est désormais au tour des banquiers privés de se restructurer.
La semaine dernière, Darier Hentsch avait annoncé une réduction de son effectif qui va passer de 428 employés à moins de 400 d’ici à la fin de l’année. Sa masse sous gestion est tombée de 44 milliards de francs à 38 milliards de francs.
Pour sa part, Lombard Odier compte près de 1550 collaborateurs et plus de 100 milliards de francs en gestion.
La nouvelle entité disposera d’un réseau d’une vingtaine de succursales et gèrera environ 140 milliards de francs. Plus très loin de Pictet, le plus grand banquier privé suisse dont la masse sous gestion atteint 183 milliards de francs.
Contrairement aux autres établissements, les banquiers privés répondent personnellement et sur la totalité de leurs biens, des engagements de leur banque.
A la différence des grandes banques universelles, comme l’UBS ou le Credit Suisse, les banquiers privés sont spécialisés dans une seule activité, la gestion de patrimoine.
Inquiétudes pour Genève
Reste à savoir si cette fusion en annonce d’autres dans le monde très feutré des 17 banquiers privés suisses. Chez les genevois Bordier et Mirabaud «aucun projet de fusion n’est à l’ordre du jour». Mais, miser sur un marché de niche avec une clientèle qui cherche un service personnalisé ne sera peut-être pas suffisant à terme.
Ceci d’autant plus que les coups de boutoir contre les établissements suisses se multiplient: mise en cause du secret bancaire, durcissement au niveau international contre l’évasion fiscale, Bourses déprimées, arrivée de concurrents ambitieux sur le marché suisse.
Résultat, les marges s’érodent face à une clientèle toujours plus exigeante. Au final, faute d’une taille critique suffisante, c’est la pérennité même des banquiers privés qui est en jeu.
Pour Genève, si la tendance se confirmait, ce serait un coup dur. Car les restructurations engendrent des suppressions de postes. Bien que la fusion entre Lombard Odier et Darier Hentsch n’entraînera pas de suppression d’emplois avant fin 2002, la nouvelle banque a déjà prévu un plan social.
Globalement la place financière du canton occupe 8,3% de la population active du bout du lac, soit plus de 18 000 personnes.
Selon les estimations, les banques helvétiques gèrent entre 3500 et 4000 milliards de francs, soit 30 à 35% de la fortune privée mondiale offshore.
La Suisse est le leader mondial dans ce secteur, devant le Luxembourg (part de marché de 18%), les Caraïbes (14%), la Grande-Bretagne (11%) et les Etats-Unis (8%).
Et Genève se taille la part du lion de cette manne. Puisque ses banques gèrent 40% de la fortune privée suisse et plus de 20% des sièges bancaires helvétiques sont basés au bout du Léman. La cité de Calvin est donc le principal centre mondial pour la gestion de patrimoine.
swissinfo/Luigino Canal
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