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L’Amérique déclare la guerre au secret bancaire

Reuters

Les pressions américaines sur UBS pourraient sonner le glas du secret bancaire, estime la presse suisse vendredi. Pour une grande partie des journaux, la première banque du pays est responsable de cette situation qui met en péril la place financière suisse.

Artillerie lourde, déclaration de guerre, dernier assaut. Les termes martiaux occupent une partie des éditoriaux de la presse suisse au lendemain de l’annonce de la justice américaine de vouloir en savoir plus sur 52’000 clients d’UBS aux Etats-Unis.

«La Suisse est couchée, les Américains la piétinent». Le commentateur de 24 Heures ne mâche pas ses mots pour décrire la deuxième salve d’attaques contre UBS intervenue jeudi soir. «La Suisse croyait avoir éteint l’incendie en livrant aux Etats-Unis le nom de clients d’UBS soupçonnés de fraude fiscale. C’est raté», écrit le journal vaudois.

L’autre Amérique

«Déclaration de guerre au secret bancaire», titre pour sa part l’éditorialiste de la Tribune de Genève. «Nous voilà à des années-lumière des célébrations du 4 novembre dernier», où la Suisse, «à l’unisson avec une bonne partie du monde chantait le renouveau d’une Amérique de cœur et de valeurs par la grâce de son président fraîchement élu, Barack Obama.»

Washington a démontré que lorsque les intérêts des Etats-Unis se trouvent en jeu, il est prêt à user de tous les moyens pour parvenir à ses fins, affirme Pierre Ruetschi dans le quotididien genevois.

«Certains de leur bon droit, les Etats-Unis iront jusqu’au bout de leur politique de puissance, dussent-ils employer des méthodes de gangsters et écraser au passage la petite Suisse à plat ventre devant eux», renchérit 24 Heures.

La mort du secret bancaire

La nouvelle étant tombée jeudi dans la soirée, beaucoup de journaux reviennent ce vendredi sur l’accord conclu un peu plus tôt entre UBS et les autorités américaines. En transmettant le nom de près de 300 clients ayant contourné le fisc américain avec l’aide de la grande banque, le gouvernement suisse a peut-être sonné le glas du secret bancaire.

Ce dernier n’est plus qu’un «mythe», selon le Tages-Anzeiger, alors que pour la Südostschweiz, il fait désormais partie de l’histoire. «Les pressions étaient fortes, elles vont devenir écrasantes», estime Le Temps, en référence aux doléances que des pays européens tels la France ou l’Allemagne vont désormais présenter afin d’obtenir les mêmes concessions dont a bénéficié Washington.

Pour le journal romand, ce «coup de Trafalgar ne tuera peut-être pas le principe du secret bancaire, mais il risque de balayer la distinction que la Suisse entretient entre fraude et évasion fiscale».

UBS coupable

«L’ensemble de la place financière suisse est dos au mur», résume la Neue Zürcher Zeitung. En contre-tendance, l’agefi assure que le secret bancaire reste «sain et sauf». Pour le journal économique et financier, la décision de communiquer l’identité de clients montre que ce dispositif «ne protège personne de la fraude fiscale».

Si l’agefi juge «scandaleuse» l’attitude des Etats-Unis qui ont fait primer la «force sur le droit» dans cette affaire, beaucoup de titres dirigent leur flèche contre UBS. En particulier contre son ancien patron, Marcel Ospel, initiateur de la stratégie de croissance agressive aux Etats-Unis.

«Paradoxalement, la banque aura davantage contribué à faire tomber le secret bancaire que les mieux armés de ses pourfendeurs», constate la Tribune de Genève. Les fautes d’UBS ont obligé les autorités à sacrifier le secret bancaire, estime Le Temps.

Une «République bananière»

Pour La Liberté, la Suisse a montré «sa vulnérabilité en menaçant de s’écrouler comme un château de cartes dans les titubements d’un géant bancaire surdimensionné. UBS a pris une telle place dans ce pays que nous sommes tous devenus ses otages», s’inquiète le titre fribourgeois.

«Bravo l’UBS!», écrit pour sa part le Quotidien jurassien. «Une gestion aussi désastreuse méritait bien une aide inconditionnelle de 68 milliards de francs des contribuables et le versement de plus de 2 milliards de bonus». Et le journal du canton du Jura de renchérir: «Prise en faute, l’UBS nous rend le plus mauvais service au plus mauvais moment. Elle porte un coup qui peut devenir fatal au secret bancaire tel qu’il existe».

Pour la Berner Zeitung, il est désormais temps que la Suisse «balaie devant sa porte». Le plus préoccupant dans cette histoire, pour le journal bernois, c’est de constater comment UBS a systématiquement assisté ses clients pour frauder le fisc américain. Quant au journal de boulevard alémanique Blick, il estime ni plus ni moins qu’UBS a transformé la Suisse en une «République bananière».

swissinfo, Samuel Jaberg avec les agences

Accord. UBS, le Département américain de la justice et l’autorité américaine de surveillance des marchés (SEC) ont signé un accord qui prévoit que la première banque suisse paie 780 millions de dollars (916 mios de francs) à la justice américaine afin de différer pendant 18 mois au moins toute poursuite pénale à son encontre. La banque devra aussi livrer l’identité de près de 300 clients qu’elle a aidés à échapper au fisc américain.

Secret bancaire. Jeudi, le gouvernement suisse a soutenu cet accord, insistant sur le fait que le secret bancaire était maintenu. A gauche comme à droite, les critiques ont été nombreuses. Le monde politique suisse reproche le gouvernement d’avoir cédé trop rapidement aux pressions américaines.

Nouvelles plaintes. Cet accord ne met pas UBS à l’abri de nouveaux ennuis. En effet, il ne couvre pas les agissements de l’autorité fiscale américaine (IRS), ce qui maintiendra la pression afin que la banque suisse livre davantage de données de clients.

52’000 comptes. La plainte déposée jeudi en Floride par le ministère de la Justice américain contre UBS en témoigne. Cette fois, ce sont 52’000 comptes sur lesquels le fisc américain souhaite être renseigné. De plus, le Sénat américain tiendra une audience spéciale mardi sur l’affaire.

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