L’estocade pour la loi sur l’assurance maladie
Après trois ans de débats, la Chambre basse du Parlement a enterré mercredi la 2e révision de la Loi sur l’assurance maladie (LAMal).
Ce torpillage est dû à une alliance entre socialistes et démocrates-chrétiens (PDC / centre-droit). Tout doit donc être repris de zéro.
Cette 2e révision avait été présentée par le gouvernement en septembre 2000. Elle devait initialement se concentrer sur la réforme du financement des hôpitaux.
En trois ans, le Parlement l’a toutefois complétée par de nombreuses dispositions. Ce qui a eu pour effet de multiplier les insatisfactions parmi les différents acteurs du système de santé.
Obligation de contracter
Le projet de révision sorti des débats parlementaires contenait toute une série de mesures. L’une des principales concernait l’abolition de l’obligation de contracter.
Ce modèle aurait permis aux assureurs de choisir les prestataires de soins avec lesquels ils souhaitent collaborer. Les cantons auraient dû fixer, par spécialités, un nombre de médecins répondant à leurs besoins.
Les caisses maladie auraient pu choisir leurs partenaires mais auraient été obligées de contracter avec au moins le nombre de médecins fixé par le canton.
Une série de garde-fous avait en outre été posée. Les malades âgés ou chroniques auraient pu conserver le même praticien. La durée des contrats entre médecins et assureurs aurait été d’au moins quatre ans, avec un délai de résiliation de 18 mois. Le médecin qui aurait vu un contrat refusé aurait pu recourir devant une commission arbitrale.
La liberté de contracter serait entrée en vigueur en même temps que la révision de la LAMal uniquement pour les nouveaux médecins. Un délai de transition de quatre ans était prévu pour ceux actuellement en exercice.
Plafonnement des primes
La réforme du financement des hôpitaux aurait aussi été réglée par cette 2e révision. Cantons et caisses maladie auraient dû financer à parts égales les prestations hospitalières couvertes par l’assurance obligatoire. Les cantons auraient dû s’acquitter de cette part même pour les patients disposant d’une assurance complémentaire.
Dans le modèle retenu, ce sont les prestations des hôpitaux qui auraient été financées, et non plus les établissements eux-mêmes. Les hôpitaux privés auraient aussi été concernés pour autant qu’ils figurent sur une liste cantonale. La notion de semi-stationnaire aurait quant à elle disparu au profit d’une distinction nette entre ambulatoire et hospitalier.
Point beaucoup plus intéressant pour la population: les primes auraient été plafonnées. Les assurés n’auraient dû s’acquitter que de la part de leur prime inférieure à un certain seuil. La limite se serait échelonnée de 4 à 12% du revenu. La mesure aurait été plus généreuse pour les familles avec enfants, le seuil allant de 2 à 10%.
Les cantons auraient été chargés de définir quatre catégories de revenus correspondant aux différents seuils prévus. Ils auraient aussi dû fixer un revenu maximal donnant droit à une réduction de primes.
Pour financer ce modèle, la Confédération aurait versé 200 millions de francs de plus au titre de l’aide allouée aux réductions de primes. Cette manne dépasse actuellement les deux milliards de francs.
Front du refus
Durant trois ans, les deux Chambres du Parlement ont modifié chacune le dossier sans jamais parvenir à se mettre d’accord. Le projet final a donc été mis au point lors d’une séance de conciliation entre les deux Chambres – un fait assez rare.
Mais la Chambre basse a finalement enterré le projet en refusant par 71 voix contre 66 et 35 abstentions les propositions de la conférence de conciliation.
La gauche, qui menaçait déjà de lancer un référendum contre un projet qu’elle jugeait trop peu social, a réussi à le faire échouer grâce à l’abstention du PDC et aux voix dissonantes au sein des groupes libéral-radical (droite) et UDC (droite dure).
Les démocrates-chrétiens ont refusé de soutenir le projet, déçus notamment que leur modèle de rabais pour les primes des enfants ait été écarté de la révision.
A droite, plusieurs voix ont été sensibles à l’appel du médecin radical Yves Guisan, qui, à l’instar de sa profession, est opposé à la levée de l’obligation pour les assureurs de contracter avec les prestataires de soins.
La balle dans le camp du gouvernement
Difficile pour l’instant de dire comment va désormais évoluer le dossier. Ce qui est sûr, c’est que le paquet retourne au gouvernement, qui doit préparer un nouveau projet à l’intention des Chambres.
Ce projet devrait une nouvelle fois viser à davantage d’économies, notamment en introduisant plus de transparence et de concurrence dans le secteur de la santé.
Mais les résistances continueront à être vives, notamment parmi les médecins qui s’opposent à l’abrogation de l’obligation de contracter. La LAMal nouvelle mouture n’est donc pas encore pour demain.
swissinfo et les agences
– La Loi fédérale sur l’assurance maladie (LAMal) est en vigueur depuis 1996.
– Le grand avantage de la LAMal, c’est d’avoir rendu l’assurance de base obligatoire pour tous. Personne en Suisse n’est ainsi écarté du réseau de santé pour des raisons financières.
– Le système fonctionne grâce au principe de solidarité entre les assurés (entre jeunes et vieux, entre bien-portants et malades etc.). La Confédération alloue par ailleurs des subsides aux assurés les moins fortunés.
– Il y a cependant un gros problème: l’augmentation constante des coûts de la santé, qui pèsent lourdement sur la bourse des assurés et des pouvoirs publics. Diverses mesures d’économie ont déjà été décidées, mais sans jamais réussir à stopper cette inflation.
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