L’Europe met les sucriers suisses au régime
L’Union européenne (UE) propose de limiter la production de sucre et de baisser son prix de 33%. Une réforme radicale qui aura des conséquences en Suisse aussi.
Les producteurs suisses sont inquiets. Il est en effet presque certain que le prix payé aux betteraviers suivra la baisse européenne.
La Commission européenne a décidé de s’attaquer au secteur sucre, dernier bastion encore épargné par la réforme de la politique agricole commune (PAC).
Cette semaine, le commissaire responsable de l’agriculture a présenté à Bruxelles un plan radical, qui prévoit une réduction de la production et une baisse de 33% du prix de soutien du sucre.
«Si on ne fait rien, la situation va empirer», explique Franz Fischler. Le prix du sucre européen – qui est trois fois plus élevé que le prix mondial – est trop cher.
Un accord bilatéral incontournable
La Commission européenne espère que cette réforme entre en vigueur en juillet 2005. Si les 25 donnent leur accord, ce plan de restructuration va avoir des répercussions sérieuses dans l’Europe des 25, mais en Suisse aussi.
En effet, selon un récent accord bilatéral, les droits de douanes seront supprimés sur les produits agricoles transformés tels que le chocolat et les biscuits qui sont importés de Suisse par l’UE.
En contrepartie, la Confédération helvétique devra réduire ses droits de douane sur ces mêmes produits provenant de l’Union européenne, ainsi que ses aides à l’exportation.
Un alignement du prix suisse
Actuellement, le prix du sucre en Suisse est aligné sur le prix communautaire. Si celui-ci baisse, les répercussions, en particulier sur l’industrie du sucre, seront immédiates.
«Il faudra baisser le prix du sucre», estime Willy Tinner, du Secrétariat d’Etat à l’économie (seco). Pour le chef du secteur, l’industrie alimentaire, grosse consommatrice de sucre, n’acceptera pas de payer plus cher le sucre suisse.
En effet, la production helvétique – environ 200’000 tonnes par an – ne suffit pas aux besoins de l’industrie alimentaire. La Suisse doit donc importer du sucre.
A Berne, toutefois, on reste serein. «L’accord bilatéral n’a pas encore été signé et il doit être examiné par le Parlement», souligne Willy Tinner.
En effet, cet accord fait partie du deuxième paquet des bilatérales, qui a été paraphé en juin dernier et qui devrait être signé en août. Par ailleurs, le projet de réforme doit être approuvé par les 25 pays membres de l’UE.
Mais Willy Tinner ne cache pas qu’il y aura une décision politique à prendre: «Si l’on veut garder une industrie du sucre en Suisse, il faudra être prêt à en payer le prix».
Inquiétude en Suisse
Du côté des producteurs suisses, c’est bien sûr l’inquiétude. «Nous devons encore en mesurer l’ampleur, mais il est certain qu’il y aura une pression sur les prix vers le bas», déclare au quotidien Le Temps Roland Furrer, porte-parole de l’Union suisse des paysans (USP).
Les agriculteurs suisses perçoivent 11,20 francs par quintal de betterave, contre 6,70 francs pour leurs collègues européens. «Cette différence de prix s’explique par le fait que la Confédération verse 35 millions par année à titre d’aide à l’industrie sucrière», explique au Temps Jacques Chavaz, de l’Office fédéral de l’agriculture.
Reste à voir maintenant quelles seront les conséquences de ces baisses de prix sur les plus de 7500 producteurs suisses de betteraves.
Pour Roland Furrer, une éventuelle baisse ne constituerait pas une catastrophe pour l’ensemble des betteraviers.
En effet, la plupart d’entre eux cultivent d’autres produits en parallèle. Les effets seraient en revanche bien plus sévères pour les paysans de la région du Seeland bernois qui sont spécialisés dans la culture de la betterave.
Une plainte déposée à l’OMC
Pourquoi en est-on arrivé là? Des contraintes extérieures obligent l’Union européenne (UE) à réformer un secteur qui n’a pas été modifié depuis 1968.
En effet, une plainte déposée par le Brésil, la Thaïlande et l’Australie, trois gros producteurs de sucre, est étudiée à l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Le verdict est attendu pour le mois de septembre.
Bruxelles propose donc de baisser le prix de soutien du sucre qui devrait passer de 632 euros à 421 euros sur trois ans. Un prix qui resterait encore deux fois plus cher que le prix mondial.
Par ailleurs, la réforme prévoit de réduire le quota annuel de production de l’Union de 2,8 millions de tonnes en quatre ans. Il passerait ainsi de 17,4 à 14,6 millions de tonnes par an.
Selon le principe instauré par la nouvelle PAC, une aide découplée de la production sera versée aux producteurs de betterave sucrière, à hauteur de 60% de la perte de revenus engendrée par cette réforme.
swissinfo, Barbara Speziali, Bruxelles
On recense quelque 7500 producteurs de betteraves en Suisse.
Environ 16’000 hectares sont exploités.
On compte deux sucreries, à Aarberg et Frauenfeld.
La production annuelle est d’environ 200’000 tonnes.
Chaque Suisse consomme en moyenne 40 kilos de sucre par an.
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