L’ombre de Tchernobyl plane sur les sangliers
La viande de sangliers suisses, particulièrement au Tessin, contient trop de césium, matière radioactive dispersée en Europe après la catastrophe de Tchernobyl de 1986.
C’est une des conséquences de la contamination de la «truffe du cerf», l’aliment préféré de ces porcs sauvages.
L’affaire a été révélée lors d’un contrôle de routine effectué sur de la viande d’un sanglier tessinois, par l’Office fédéral de la santé publique (OFSP).
Il a été constaté que la viande de ce gibier contenait cinq fois la valeur limite de 1250 becquerels (Bq) d’isotopes de césium par kilo. Ce qui la rend impropre à la consommation.
La viande a, bien entendu, été confisquée par le service vétérinaire cantonal. Cette affaire ne fait que confirmer des soupçons plus anciens sur la radioactivité de certaines viandes de gibier.
Le cas du sanglier est particulier. Cet animal est un grand consommateur de «truffes du cerf» (elaphomyces granulatus) qui prospèrent dans toute l’Europe.
Il s’agit d’un champignon impropre à la consommation humaine et qui n’a rien à voir d’ailleurs avec les truffes noires ou blanches que l’on trouve en France ou en Italie.
Suite à la présence de césium dans la viande, 20 échantillons de truffes du cerf venus de toute la Suisse ont été étudiés cet été par l’Institut fédéral de recherches sur la forêt, la neige et le paysage. Et ceci sur mandat de l’OFSP.
Les résultats ont été rendus publics la semaine dernière par le laboratoire. Le moins que l’on puisse dire est que ces résultats sont inquiétants.
En effet, ils démontrent que 17 ans après l’accident de Tchernobyl, l’isotope du césium 137 (le combustible utilisé dans la centrale ukrainienne) est encore très présent dans l’environnement.
Le Tessin le plus touché
Mais toutes les régions ne sont pas frappées de la même façon. C’est le Tessin qui est le plus touché.
Ainsi, les échantillons venus de la Malvaglia présentent des valeurs radioactives de 15’700 becquerels par kilo. Une valeur à laquelle il faut ajouter 2300 becquerels dus aux retombées des poussières des essais nucléaires réalisés dans le monde entre les années 1960 et 1980.
Dans la région de Wattwil dans le canton de St Gall, les valeurs relevées sur ces mêmes échantillons sont de 9450 Bq pour le césium plus 3700 Bq dus aux bombes atomiques.
La Suisse de l’Ouest est moins concernée
Des valeurs assez faibles ont été enregistrées dans les échantillons venant de la région du Beatenberg dans le canton de Berne, soit 2800 Bq. Ainsi que dans ceux venant de Montagny dans le canton de Fribourg (3400 Bq).
Pour Hansruedi Voelkle, de la section de surveillance de la radioactivité à l’OFSP, ces valeurs enregistrées correspondent bien à la façon dont le césium s’est dispersé en Suisse après la catastrophe de 1986.
Pour mémoire, le césium a beaucoup pénétré les sols au Tessin et dans le sud de la Suisse, car la pluie avait plaqué au sol ces poussières radioactives.
Et si l’on trouve encore du césium dans la chaîne alimentaire, c’est que son isotope a une demi-vie de 30 ans (période durant laquelle la radioactivité baisse de la moitié de sa valeur).
Champignons comestibles moins radioactifs
Il ressort, néanmoins, de toutes les observations réalisées une note rassurante. Ainsi, Hansruedi Voelkle fait remarquer qu’il ne faut pas confondre la radioactivité des truffes consommées par les sangliers et celles des champignons comestibles par l’homme.
En effet, les valeurs de radioactivité des champignons de consommation sont en baisse depuis la catastrophe de 1986.
A Berne par exemple, la radioactivité des champignons est passée de 800 à 200 Bq par kilo entre 1986 et 2002.
Autre cas à Siglisdorf où les échantillons de champignons étudiés entre 1986 et 2002 laissent apparaître des valeurs passant de 1800 à 700 Bq.
A noter que les champignons de consommation venant de l’Europe de l’Est – région la plus touchée par la contamination au césium – doivent comporter un certificat prouvant qu’ils ne dépassent pas la valeur limite de radioactivité autorisée en Suisse.
Dans les hautes couches du sol
Globalement, les champignons restent tous plus ou moins radioactifs.
Les truffes sont plus touchées, car elles poussent dans la terre jusqu’à 10 centimètres de profondeur, couche qui est la plus contaminée par le césium, selon Simon Egli, spécialiste des champignons à l’OFSP.
Une thèse qui se confirme par le fait que des champignons dont le mycelium (organe reproducteur) prospère en dessous des couches supérieures de la terre (plus de 10 cm) ne sont pas contaminés par le césium.
Le sanglier a toujours la cote
En attendant, le sanglier est malheureusement victime de cette loi de la chaîne alimentaire.
Et comme ce porc sauvage est actuellement très apprécié des consommateurs (6000 tirs de chasseurs en 2002), faut-il y voir un danger pour l’homme?
«Mais il est vrai, explique Hansruedi Voelkle de l’OFSP, que le césium absorbé par les sangliers via les truffes, se concentre dans ses muscles».
Toutefois, précise le spécialiste, il semble que le danger n’est pas énorme car le césium consommé par un adulte se résorbe en deux à trois mois, si les valeurs ingérées ne dépassent pas la limite de 1250 Bq.
Autre élément qui relativise cette question: près de 150 tonnes de viande de sanglier consommées en Suisse sont importées. Sévèrement contrôlée, elle ne présente pas ou très peu de présence de césium dans les muscles.
A noter encore que l’année dernière, le laboratoire cantonal de Bâle-Campagne avait étudié huit échantillons de sangliers tirés par des chasseurs dans le canton.
Au final, la viande ne dépassait pas la valeur de 32 Bq par kilo, ce qui est insignifiant comparé à la limite suisse, mais surtout par rapport au 65’000 Bq relevés en 1990 dans des viandes de gibiers venus de certains pays de l’Est.
swissinfo, Stefan Hartmann.
(Adaptation: Jean-Louis Thomas)
Après la catastrophe de Tchernobyl, un nuage de Césium a traversé la Suisse.
Les sols sont contaminés sur une profondeur de 10 cm.
Les champignons sont l’aliment le plus contaminé.
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