La colère du personnel de Swiss
Le syndicat du personnel au sol a manifesté leur colère mardi à Bâle. Les autres attendent de connaìtre les détails de la restructuration de Swiss.
Le personnel se sent trahi. L’aéroport et le gouvernement bâlois demandent à la direction de la compagnie aérienne d’être plus précise.
Pour l’heure, seul le syndicat Gata a exprimé sa colère en descendant dans la rue. Environ la moitié des 3000 emplois supprimés concernent en effet le personnel au sol, représenté par Gata.
Le personnel bâlois a manifesté mardi après-midi devant le siège de la compagnie.
Le dépit était perceptible: «cela va être une catastrophe pour nous et nos familles. Tous ces investissements pour rien», s’est désolé un employé du magasin.
«Il n’est quand même pas normal d’être averti par un mail, ne vous laissez pas faire!», a crié un autre employé, qui dépassera vite les bornes en traitant André Dosé de tous les noms.
Pour le syndicat Unia, il est trop tôt pour manifester: «L’intelligence n’est pas du côté de la protestation, déclare Raphaël Fehlmann. Nous avons jusqu’au 15 juillet pour formuler des propositions. Nous espérons pouvoir proposer des temps partiels. Mais il nous manque encore des détails.»
Toujours du côté du personnel de cabine, Jörg Dritonbass affiche de la compréhension pour Gata.
Pour ce membre du comité directeur de Kapers, «le personnel au sol a déjà beaucoup souffert ces derniers temps. Nous, personnel de cabine, nous pouvons plus facilement trouver un autre emploi».
«Nous avons de toute façon une fluctuation assez grande, 450 personnes partent chaque année, sur 3800 personnes, dit-il. Si la compagnie peut nous prouver que ces mesures sont nécessaires, nous sommes prêts à coopérer. Sinon, il y aura du grabuge chez nous aussi. Il y aura peut-être des drames pour ceux qui vivront un deuxième licenciement.»
Des preuves exigées
Même les pilotes d’Aeropers, ex-Swissair, ont quelque peu perdu confiance: «Nous attendons les détails avant de nous prononcer, explique Christian Frauenfelder, vice-président. Nous avons été déçus trop souvent pour accorder notre confiance sans autre. Maintenant, nous exigeons des preuves.»
Quant au syndicat des ex-Crossair, il est fortement mis sous pression. A plusieurs reprises mardi, les responsables de Swiss ont affirmé que leurs revendications mettaient en danger l’existence de la compagnie.
Le porte-parole Martin Gutknecht rejette catégoriquement ces reproches : «D’après nos calculs, nous pourrions même permettre à Swiss d’économiser 3 millions la première année! Nous ne sommes
pas fermés à la discussion.»
«Des managers coupés de la réalité»
A l’interne, la disponibilité des employés à faire des sacrifices semble s’être réduite comme peau de chagrin. Un employé de la maintenance suit la manifestation avec un sourire résigné.
«Désillusionné? Oh non, je pourrais au contraire me taper moi-même sur l’épaule pour me féliciter d’avoir eu raison. Il y a deux ans, j’ai dit que cette compagnie était trop grande d’au moins 60%. Mais vous savez, on ne nous demande jamais notre avis…»
Après 35 ans de métier de service, dont 12 chez Crossair, l’homme s’assure auprès de son collègue, allemand, qu’il raconte la réalité fidèlement, ce que l’autre approuve d’un signe de tête.
«Avant, les patrons avaient un vrai savoir de base, ils étaient bons dans tous les domaines. On les voyait. Vous croyez qu’André Dosé est venu nous voir depuis qu’il est là-haut? Pas une seule fois! Aujourd’hui, les managers sont coupés de la réalité. Tout est dirigé à distance.»
Trop tard
Au micro, un employé français s’en prend lui aussi aux chefs de «là-haut», mais autrement.
«Ils doivent se taper sur le ventre parce qu’ils ont réussi à vous faire croire que les 3000 suppresions d’emplois étaient nécessaires. Nous sommes co-responsables de ce qui nous arrive: cette manifestation arrive trop tard. Nous aurions dû montrer plus tôt que nous étions solidaires.»
Deux employées de la comptabilté restent assises, un peu à l’écart. L’une bouillonne intérieurement: «On ne sait rien, on ne peut même pas se battre! Ces derniers mois,des services ont fermé, des employés sont partis en catimini.
Depuis le début, on s’accroche, on se dit qu’on va y arriver, que ça va aller. Nous sommes coincés dans une situation qui nous étouffe.»
Gouvernement cantonal consterné
A un autre échelon de responsabilités, le conseiller d’Etat Ralph Lewin (Bâle-Ville) est venu à l’aéroport pour exprimer la consternation du gouvernement.
«Bien sûr Swiss n’est pas responsable de tout ce qui arrive. Mais quand même, le monde ne change pas complètement tous les deux-trois mois!»
Bâle-Ville a investi 26 millions de francs dans la nouvelle compagnie et Bâle-Campagne 5 millions, sans compter les 66 millions dépensés pour l’aéroport.
L’aéroport et le gouvenement sont surtout inquiets de ne pas connaître les projets précis de la compagnie.
Le nombre de destinations de Swiss, qui assume 30% du trafic à Bâle, pourrait diminuer de 22 à 6 destinations.
«En ne communiquant pas ses intentions, Swiss bloque nos négociations avec d’autres compagnies», critique le porte-parole Andreas Hatt.
Plus que les réductions, c’est l’incertitude qui mine les employés et les partenaires de la compagnie.
swissinfo, Ariane Gigon Bormann, Bâle
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