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La flambée du pétrole ne menace pas la reprise

Mardi, le baril de Brent a franchi le plafond des 32 dollars pour la première fois depuis dix mois. Keystone

Sur le marché du brut, le baril atteint des prix astronomiques. Mais la faiblesse du dollar - monnaie de transaction unique - gomme en partie cette envolée.

Ce qui fait dire aux économistes que le semblant de reprise économique en Suisse ne devrait pas trop en pâtir.

Les opérateurs n’avaient plus vu cela depuis la veille de la guerre en Irak. Mardi, le baril de Brent (Mer du nord) a franchi le plafond des 32 dollars pour la première fois depuis dix mois.

Et à New York, le brut a grimpé à plus de 35 dollars. Loin de la fourchette cible de l’OPEP (Organisation des pays producteurs de pétrole), située entre 22 et 28 dollars.

Une vague de froid

«Pas de doute, c’est un prix très, très élevé, constate Emmanuel Gautrot, analyste à la banque Pictet. On peut sans hésitation parler de prix élevé lorsqu’on dépasse les 28 dollars».

A cette envolée, plusieurs explications. Alors que les stocks sont relativement faibles, les Etats-Unis connaissent une vague de froid qui stimule la consommation de mazout, donc la demande de pétrole.

Plus fondamentalement, 2004 rime avec reprise conjoncturelle dans l’ensemble des principales zones économiques du monde (Etats-Unis, Asie, Europe). Le pétrole n’en est que plus demandé pour faire tourner la machine.

Sabotages et insécurité

S’agissant des volumes de brut produits, les analystes ne cachent pas leur expectative.

Doté d’importantes réserves, l’Irak devrait progressivement accroître sa production. Mais le pays reste tributaire des sabotages de pipe-line et de l’insécurité générale.

Quant à l’OPEP, acteur essentiel sur le marché, elle réévaluera ses quotas de production en février. Mais la situation actuelle ne semble pas déplaire à l’organisation.

«L’OPEP cherche à maintenir un prix élevé, voire plus élevé que sa cible de 22-28 dollars», assure Robert Chardon, analyste de la banque LODH.

L’explication est simple. Les producteurs de pétrole sont rétribués en dollars, qui perd du terrain sur les autres monnaies.

«Or, deux-tiers des dépenses des pays de l’OPEP ne sont pas libellées en monnaie américaine, indique Robert Chardon. Ils cherchent donc à conserver un bon pouvoir d’achat».

Ce jeu des taux de change a aussi un impact en Suisse. Mais pour le bien de son économie convalescente.

Un impact théorique

En Suisse, les produits pétroliers représentent quelque 3% des dépenses des ménages et des coûts des entreprises.

Autrement dit, lorsque le pétrole (essence et mazout de chauffage) renchérit, le pouvoir d’achat réel des consommateurs se réduit, et par conséquent, la consommation globale aussi (qui compose 60% du PIB).

De leur côté, confrontées à hausse de leurs coûts, les entreprises cherchent à couper ailleurs (emplois), à accroître leur productivité et/ou à délocaliser.

«En théorie, le prix du pétrole peut donc freiner les velléités de reprise», explique Yvan Roduit, économiste à la Banque cantonale vaudoise.

Mais l’effritement du dollar face au franc suisse gomme en grande partie l’actuelle hausse du pétrole. En clair, le prix du pétrole en francs fluctue sans toutefois exploser.

Le dollar en cause

A la pompe, le prix de l’essence a augmenté de deux centimes cette semaine. Et l’indice des prix à la consommation se fera l’écho de la hausse des produits pétroliers en février.

Mais «à moins d’une hausse forte et durable du prix de brut, le mouvement récent n’aura pas d’influence notable sur la croissance en Suisse», estime Bernard Lambert, Senior economist à la banque Pictet.

Pour les économistes, l’inquiétude est ailleurs. «Au niveau actuel du dollar, son impact négatif sur les exportations suisses est plus pénalisant que l’avantage qu’en tire les consommateurs de produits pétroliers», indique Yvan Roduit.

Autrement dit, si la reprise flanche, il faudra plutôt en chercher la cause dans les carnets de commandes des entreprises exportatrices.

swissinfo, Pierre-François Besson

– L’OPEP s’est donné un prix-cible du pétrole situé entre 22 et 28 dollars le baril.

– Chez Pictet, Emmanuel Gaudrot voit le prix du brut dans le haut de cette fourchette d’ici à la fin de l’année.

– Son collègue de LODH, Robert Chardon, l’envisage plutôt aux alentours de 30 dollars.

– Entre fin 2002 et mars dernier, la forte hausse de 10% du prix des produits pétroliers en Suisse a induit une hausse de 0,3% de l’inflation. Et l’équivalent d’un quart de point de croissance du PIB en moins.

– Mais en avril, le pétrole avait perdu de la hauteur, et tout effet visible en Suisse avait disparu.

– Si le prix du pétrole devait culminer à long terme sur de hautes cimes, on pourrait alors assister à un retour en grâce des énergies de substitution.

– De son côté, la prospection et l’exploitation du pétrole dans les zones plus difficiles d’accès gagneraient en attrait.

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