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La justice punit Madoff, mais le scandale n’est pas clos

En mars, Madoff est passé aux aveux devant le tribunal. Keystone

Le financier Bernard Madoff a été condamné à 150 ans de prison lundi par le Tribunal de district sud de New York. Il a été reconnu coupable d'investissements frauduleux pour plusieurs milliards de dollars.

La fraude de l’escroc Bernard Madoff a touché les instituts bancaires et les investisseurs dans le monde entier. La Suisse ne fait pas exception. La culpabilité du financier a été établie, mais il faudra encore décider qui d’autre partage les responsabilités et s’il y a lieu de renforcer les régulations.

Bernard Madoff, ancien responsable du Nasdaq, a réussi à tromper les personnes les plus riches de la planète en montant un «schéma de Ponzi», du nom d’un escroc des années 1920. Ce montage permet de payer des investisseurs avec l’argent d’autres investisseurs et non avec les revenus de leurs placements.

Le château de cartes s’est effondré à la fin de l’année dernière. En Suisse, on estime que les pertes chez les investisseurs et les fonds ayant accordé leur confiance à Bernard Madoff s’élèvent à plusieurs milliards de dollars.

Sans être le pays le plus touché, la Suisse compte néanmoins plusieurs grands noms parmi les victimes. L’Union Bancaire Privée (UBP), Reichmuth, la Banque Bénédict Hentsch ainsi que Notz & Stucki ont admis avoir perdu de grosses sommes.

Plaintes en justice

Des sociétés sont visées par la justice. C’est le cas d’Aurelia Finance à Genève, et d’Optimal Investment Services, un fond basé à Genève et appartenant à la Banque espagnole Santander. Ce dernier a proposé de rembourser une partie des pertes à ses clients, tout comme UBP et Notz & Stucki.

UBS s’est aussi brûlé les doigts avec Madoff en aidant des clients à participer au montage par le biais de fonds d’investissements administrés au Luxembourg. La banque suisse a ralenti les activités de ces fonds. Elle affirme n’avoir jamais recommandé à personne d’investir chez Madoff. Des clients continuent quand même à réclamer leur dû.

Selon l’avocat d’affaires zurichois Daniel Fischer, il n’est pas exclu qu’une série de plaintes soient déposées contre des instituts suisses et même contre des particuliers, en Suisse ou à l’étranger.

«Comment les spécialistes ont-il pu se laisser berner alors qu’ils avaient de nombreux signaux indiquant que tout n’était pas en ordre? Si quelqu’un ferme les yeux parce qu’il bénéfice du système, c’est de la négligence. Madoff a réussi à faire miroiter les profits devant les yeux de toutes ces personnes.»

Daniel Fischer est en train de rassembler les récriminations de ses clients en vue de déposer une plainte collective. Mais il ne cache pas que la justice pourrait ne pas entrer en matière sur plusieurs cas.

Les régulateurs appelés à agir

L’affaire Madoff pose aussi la question du rôle et de l’efficacité des régulateurs financiers. Manifestement, de nombreux signaux d’alarme ont été ignorés.

En réaction, l’Union européenne annonce son intention de mieux contrôler les investissements dits alternatifs. Un projet que critique Matthaus von Otter, de l’Association suisses des fonds (Swiss Funds Association): selon lui, un contrôle accru des fonds sanctionnerait une majorité d’acteurs qui n’ont rien eu à voir avec Madoff.

«Les directives de l’UE sont l’expression d’un protectionnisme absolu et, en même temps, une menace pour le modèle d’affaires, estime Matthaus von Otter. En Suisse, je ne vois pas où l’Etat pourrait encore réguler car le champ des investissements collectifs est déjà suffisamment régulé.»

«L’odeur du rat»

L’Association suisse des banquiers (ASB) s’est aussi donnée beaucoup de peine pour démontrer que la plupart des banques n’étaient pas concernées par les scandales. Credit Suisse, entre autres, a encouragé ses clients à retirer leurs fonds de montages suspects.

«Deux banques ont été impliquées dans la fraude, mais l’énorme majorité ont senti le soufre très tôt tout simplement parce qu’elles n’ont trouvé aucune explication rationnelle sur les rendements faramineux promis par Bernard Madoff», affirme le porte-parole de l’ASB James Nason.

Matthew Allen, swissinfo.ch
(Traduction de l’anglais: Ariane Gigon)

Montages. Aujourd’hui âgé de 71 ans, Bernard Madoff a créé sa société, Madoff Investment Securities, à Wall Street en 1960. Il a lancé ses montages frauduleux dans les années 90.

Qui? De nombreuses personnalités, telles Steven Spielberg, mais aussi des œuvres d’entraide juives, ont confié leurs économies au financier.

Secret. Le fond fonctionnait dans le plus grand secret et par des audits internes. Beaucoup d’instituts ont tiré la sonnette d’alarme sur un possible schéma de Ponzi, mais les régulateurs américains, comme ils l’ont admis après coup, n’ont pas pris ces signaux suffisamment au sérieux.

Dénoncé. Bernard Madoff a été arrêté le 10 décembre 2008 sur dénonciation de ses fils. En mars 2009, le financier a plaidé coupable de 11 chefs d’accusation dont la fraude, le parjure, le vol et le blanchiment d’argent. Il a déclaré être «profondément désolé et honteux».

Verdict. Le 29 juin, Bernard Madoff a été condamné à 150 ans de prison par une cour de New York. Des complices devront aussi répondre de leurs actes devant la justice. Le ministère public avait réclamé 150 ans de prison contre le financier, a indiqué l’AFP.

13 milliards. Toujours selon l’Agence France-Presse, ce sont 13 milliards de dollars qui ont été confiés à l’escroc. Les chiffres de 50 à 65 milliards se réfèrent aux gains qu’auraient engendré ces sommes si les intérêts avaient été réels.



Impossible. Après le volet pénal, d’autres instances, civiles, attendent Madoff. Les procureurs ont demandé un délai de trois mois, au terme duquel «la Cour ordonnera la restitution (de l’argent) ou décidera que la restitution est impossible».

Un nom. «Six mois, après l’éclatement de l’affaire, le nom de Genève n’apparaît pas dans les articles de fond de la presse étrangère – anglo-saxonne et française – consacrés au procès Madoff», se réjouit Steve Bernard, directeur de la Fondation Genève place financière.

Préjudice. Au total, l’exposition de la place financière genevoise atteindrait 7,5 milliards de francs, soit moins de 0,5% de l’ensemble des actifs sous gestion. Sur la base des informations parues dans la presse suisse, il faut ajouter quelque 2 milliards de francs côté alémanique. La place financière suisse aurait donc à ce jour subi un préjudice de l’ordre de 9,5 milliards.

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