La Suisse attire un nombre croissant de Russes
Pour leurs affaires et leurs loisirs, les Russes sont de plus en plus nombreux à choisir la Suisse. Coup de sonde dans la cité de Calvin qui vit actuellement à l'heure de Moscou, hôte d'honneur des fêtes de Genève.
«A Genève, les boutiques de luxe ont toutes quelqu’un qui parle le russe et quand je me promène le long de la rue du Rhône (où se trouvent la plupart de ces magasins) j’entends très fréquemment parler ma langue. » C’est le constat que fait Nadia Sikorsky, rédactrice en chef du webzine Nasha Gazeta, un site russophone lancé récemment par Edipresse, le 2e groupe de presse suisse, pour les résidants et les touristes russes de passage sur les bords du lac Léman.
Nadia Sikorsky a d’ailleurs contribué à la venue de Moscou comme hôte d’honneur des Fêtes de Genève, des réjouissances organisées chaque année pour distraire touristes et indigènes.
Séduire cette clientèle venue du froid
Cette invitation témoigne des efforts entrepris en Suisse pour séduire cette clientèle venue du froid. Et ce tant au niveau local que fédéral. La Russie était ainsi aussi l’invité d’honneur du Salon international du livre et de la presse (la plus grande manifestation du genre en Suisse) l’année dernière à Genève.
Résultat pour la région genevoise: la clientèle russe devrait totaliser 100’000 nuitées cette année, soit une augmentation de 25% par rapport à 2007 (près de 74’000 nuitées à Genève, 328’000 dans toute la Suisse). «La clientèle russe est en forte progression avec un taux de croissance comparable aux touristes du Golfe, d’Inde et de Chine », relève François Bryand.
Le directeur général de Genève tourisme ajoute : «Il s’agit d’une clientèle mixte qui choisit Genève et la Suisse pour ses affaires et ses loisirs. Elle est à la recherche de lieux prestigieux. »
Le tour…en deux semaines
«Outre le calme – loin de la vie trépidante qu’ils mènent à Moscou – et la beauté des sites touristiques, les touristes russes apprécient de pouvoir faire le tour de la Suisse en moins de 2 semaines », souligne, de son coté, Nadia Sikorky.
Avant de déplorer : «Il n’y a pas assez d’hôtels 5 étoiles dans certaines régions touristiques de Suisse, comme à Verbier. Son festival de musique classique où jouent de nombreux musiciens russes permettrait pourtant d’attirer un grand nombre d’amateurs de Russie. De plus, l’accueil n’est pas toujours à la hauteur de ce que les Russes ont pu voir en Asie par exemple. Dans ce domaine, la renommée suisse est en baisse. »
C’est que les touristes russes souvent fortunés sont exigeants. Pour autant, ils n’ont plus l’allure de nouveaux riches, comme il y a une dizaine d’année. «La grosse chaîne en or et la veste rouge ne sont plus de mise », signale Nadia Sikorsky.
Quant aux résidants d’origine russe, ils seraient déjà plusieurs milliers à avoir choisi les rives du lac Léman. «Le consulat russe a enregistré 2000 personnes environ. Mais ils sont beaucoup plus nombreux à vivre dans la région », assure Nadia Sikorsky.
Une longue éclipse
Comme le rappelle Guy Mettan, il n’en a pas toujours été ainsi. «Depuis 3 ou 4 ans, nous assistons à un renouveau de la présence russe en Suisse. Et ce après une grande éclipse entre 1998 et 2005 », remarque le président de la section romande de la chambre de commerce Suisse – Russie.
Une époque de turbulences entre la Suisse et la Russie marquée, entre autre, par un retentissant procès contre le magnat Sergei Mikhaïlov que la justice genevoise dut finalement acquitter et indemniser et le crash au-dessus d’Uberlingen d’un Tupolev et d’un Boeing causé par l’aiguilleur suisse Skyguide.
Londres était alors la destination favorite des Russes fortunés. «Aujourd’hui, la situation s’est inversée. La Grande Bretagne n’a plus la cote chez les Russes. La Suisse, elle, a retrouvé grâce à leurs yeux », relève Guy Mettan.
Un rapprochement renforcé par la visite début juillet à Moscou de Doris Leuthard, ministre suisse de l’économie.
Le pétrole russe
De fait, la Suisse – essentiellement Genève et Zurich – accueille déjà quelques hauts représentants de l’économie russe, tel Viktor Vekselberg, au bénéfice d’un forfait fiscal à Zurich et conseillé par Thomas Borer, l’ex-ambassadeur de Suisse à Berlin.
«Une bonne partie du pétrole russe se négocie à Genève », souligne également Guy Mettan.
Reste quelques préjugés tenaces à l’égard des Russes qui mêlent vodka, mafia et corruption. Une vision dépassée, souligne Guy Mettan pour qui «L’économie russe est en passe de rejoindre les standards occidentaux. Elle présente aujourd’hui de belles opportunités pour les investisseurs. »
swissinfo, Frédéric Burnand à Genève
Le tableau présente la nationalité de la clientèle, le nombre de nuitée et la progression par rapport à 2006.
1. Suisse (561’723/7,9%)
2. GB (275’459/-0,2%)
3. USA (261’117/13,8%)
4. France (239’466/6,8%)
5. Golfe (161’611/22,7%)
6. Allemagne (139’077/7,2%)
7. Italie (100’923/6,4%)
8. Espagne (96’652/8,4%)
9. Russie (73’746/22,8%)
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