La Suisse participe au retour en grâce du biotech
Le plus grand salon de biotechnologie au monde s'est achevé mercredi à Washington. La Suisse y a amorcé un rapprochement avec des entreprises américaines.
Bio 2003 marque la renaissance du secteur touché par l’éclatement de la bulle boursière.
«Pour la première fois en près de trois ans, BIO est un salon heureux», souligne le quotidien Washington Post.
Bonheur? Disons, plutôt, un certain optimisme devant le constat que l’éclatement de la bulle boursière (surinvestissement par rapport à la valeur réelle du marché) n’a pas complètement tué la poule aux oeufs d’or.
Ainsi à Wall Street, les actions des entreprises du secteur qui ont survécu grimpent à nouveau. Un gain de 44% pour l’index biotech du Nasdaq , depuis le mois de janvier.
Selon de nombreux experts suisses du secteur, l’éclatement de la bulle s’est même révélé positif.
Consolidation du marché
«Après la bulle, il y a consolidation et cela peut être une bonne chose», déclare ainsi à swissinfo, Felix Frueh, fondateur du cabinet américain de consultants Stepoutside.
«Le processus de sélection des entreprises causé par l’éclatement de la bulle est positif. Les sociétés qui proposaient du vent ont disparu», indique pour sa part le vice-président de l’Association des Entreprises Suisses de la Biotechnologie (AESB), Dominic Escher.
Sans compter que l’éclatement de la bulle permet aux entreprises qui ont les reins solides de faire des emplettes au rabais, en particulier aux Etats-Unis.
«Pour nous qui finançons des projets, explique Pietro Orsolini, directeur général de Debiopharm, le moment est favorable car les entreprises de biotech ont besoin d’argent et nous, nous avons les liquidités qui leur manquent.»
Depuis l’an dernier, cette société suisse spécialisée dans la licence de produits pharmaceutiques, détient les droits d’un médicament contre le cancer de la prostate distribué par le géant américain Pfizer.
«Avant l’éclatement de la bulle, affirme Pietro Orsolini, le taux de royalties demandé par les entreprises aux Etats-Unis était trop élevé. On peut désormais avoir de très bons produits pour un prix raisonnable.»
Exigences et pressions commerciales
Le revers de la médaille est qu’après la bulle, les investisseurs sont plus exigeants, ce qui accroît les pressions commerciales sur les sociétés actives dans les biotechnologies.
«Au sein des sociétés qui ont survécu au tri, souligne Dominic Escher, il existe une tendance à mettre l’accent sur les projets qui ont un potentiel de développement commercial rapide. A terme, ce phénomène peut tuer l’innovation.»
Et c’est dans ce décalage entre la science et le commerce que se situe le risque essentiel pour la biotechnologie et les promesses qu’elle peut offrir, que ce soit en médecine ou en agriculture.
«Dans la recherche, le développement est lent et requiert de la patience. Une qualité que le monde financier n’a pas toujours», explique Pietro Orsolini.
Bonne coopération américano – helvétique
Cependant, l’éclatement de la bulle n’a pas affecté les échanges entre la Suisse et les Etats-Unis.
«Les relations entre la biotechnologie suisse et sa consœur américaine sont très étroites, et il y a une reconnaissance mutuelle de leur excellence», déclare à swissinfo Mario Brossi, directeur du Pavillon Suisse à BIO 2003 et responsable à Location Switzerland.
Cette agence du gouvernement fédéral américain a notamment pour mission de promouvoir l’investissement étranger en Suisse.
Et Mario Brossi d’ajouter: «Je ne sais pas si beaucoup de Suisses se rendent compte que deux principaux acteurs américains, Johnson & Johnson et Baxter ont, chacun, une demi-douzaine de laboratoires et de centres de production en Suisse».
Ce qui contribue au maintien de plusieurs centaines de postes de travail en Suisse.
Raviver la flamme
Les exposants suisses au salon BIO 2003 cherchent principalement à nouer des relations sur le marché et avec des investisseurs américains.
Ils doivent cependant surmonter deux sortes de problèmes: pratique et psychologique.
Le défi pratique a trait au cadre juridique de la biotechnologie. Les normes sont très différentes entre les Etats-Unis et la Suisse.
«Le défi le plus important aux Etats-Unis, ce sont les questions de la propriété intellectuelle et celles de la responsabilité», explique Dominic Escher, le vice-président de l’AESB. Nos entreprises ont besoin de très bons avocats américains.»
Pour les sociétés suisses opérant aux Etats-Unis, l’autre défi est «une question de mentalité», comme le relève le consultant Felix Frueh.
«Les brochures et les autres outils de marketing des entreprises suisses sont très détaillés et orientés sur les applications scientifiques», indique Félix Frueh.
«Il leur manque très souvent les indications qui permettent aux américains de se faire rapidement une idée des applications commerciales de leurs produits, ce dont ils sont très friands», conclut l’intéressé.
swissinfo, Marie-Christine Bonzom, Washington
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