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La Suisse sur la piste de pots-de-vin américains au Kazakhstan

Le président kazakh Nursultan Nazarbaiev aurait plusieurs millions de dollars à Genève. Keystone

Depuis deux ans, la justice genevoise enquête sur des millions de dollars de commissions versées par des sociétés américaines à des dignitaires kazakhs. La transmission des informations pourrait gêner les Américains, prêts à intervenir militairement dans cette région du globe.

C’est un peu l’histoire de l’arroseur arrosé. En 1999, le gouvernement kazakh demande l’entraide judiciaire de la Suisse afin d’enquêter sur Akhezan Kazhegeldin, Premier ministre de 1994 à 1997, devenu farouche opposant du régime. Il aurait déposé 4,5 millions de dollars à la banque Pictet à Genève.

Daniel Devaud, le juge d’instruction en charge de ce dossier, s’aperçoit vite que cet opposant kazakh n’est pas le seul à apprécier la discrétion des établissements financiers helvétiques.

Il découvre notamment que 80 à 85 millions de dollars auraient atterri sur un compte personnel de Nursultan Nazarbaiev, actuel président du Kazakhstan, au Crédit Agricole Suisse de Genève.

Deux pays à risques

Cette affaire n’a pas échappé à la Commission fédérale des banques. Dans un rapport que swissinfo a pu se procurer, on peut lire que le gestionnaire de fortune du Crédit Agricole, J.J. B. «a été invité à démissionner à la fin 1999 parce qu’il s’était fait rétribuer à l’insu de la banque. Il gérait les comptes provenant du Nigeria et du Kazakhstan». Deux pays à risques.

Considéré comme un pays aux richesses pétrolières gigantesques, le Kazakhstan (2,7 millions de kilomètres carrés et 15 millions d’habitants), qui accueillait ce week-end le pape Jean-Paul II, est courtisé par les plus grandes compagnies, BP Amoco, ENI, ExxonMobil, Shell, Statoil, TotalFinaElf.

L’enquête suisse, transmise le 14 septembre à la justice américaine, démontrerait qu’au moins deux sociétés américaines, Mobil et Amoco, versaient des millions de dollars pour s’attirer les faveurs des dignitaires kazakhs.

Le quotidien Le Temps raconte que l’une des sociétés-écrans, baptisée Orel Capital Limited, était possédée par une fondation liechtensteinoise, Semerk, «dont le bénéficiaire était le président du Kazakhstan».

Ces révélations risquent de terriblement embarrasser les Etats-Unis, à la veille d’une action militaire d’envergure dans cette région. L’Afghanistan étant proche du Kazakhstan.

Tout au long de l’enquête, le régime kazakh, mais également les services russes et américains, avaient multiplié les pressions sur Berne afin que la Suisse, au nom d’intérêts supérieurs, freine les ardeurs du juge genevois Daniel Devaud. Apparemment sans résultat.

Ian Hamel

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