Lacunes dans la comptabilité de La Poste
La Poste a gagné plus que ce qu’elle a comptabilisé l’an dernier avec le service universel, commettant ainsi d’importantes violations des prescriptions légales.
La direction du géant jaune rejette les conclusions de ce premier rapport de l’autorité de régulation postale PostReg.
PostReg dénonce d’importants manquements dans la présentation des coûts du service universel (lettres, colis jusqu’à 20 kg, transport de journaux et versements).
Au lieu d’un bénéfice de 522 millions de francs annoncé pour 2004 (déduction faite des 374 millions de contribution aux frais d’infrastructure), la Poste aurait dégagé 776 millions, voire plus, selon l’autorité.
Ces «erreurs» pourraient avoir des conséquences sur tout le concept de financement. Il est en effet prévu de percevoir une redevance auprès des concurrents de La Poste qui bénéficient d’une concession, si le géant jaune ne peut plus financer lui-même le service universel.
Or, c’est la Confédération qui risque au final de devoir passer à la caisse, vu que PostReg ne sollicitera pas une redevance si la Poste ne respecte pas ses obligations légales. L’autorité de régulation somme donc le géant jaune de tout mettre en oeuvre pour présenter des données complètes en 2005.
Il s’agira de corriger les lacunes constatées. Jusqu’ici, le service universel a été grevé par le calcul d’amortissements et d’intérêts qui ne lui sont pas imputables.
Les bénéfices de la vente d’immeubles et les gains de trésorerie n’ont pas été répartis proportionnellement. Par le biais de prix de transfert internes, ExpressPost supporte non seulement les coûts variables mais aussi une partie des coûts fixes de PostMail (lettres et journaux).
Reproches rejetés
La Poste rejette les reproches contenus dans le rapport et exige l’intervention d’une instance indépendante. Ces directives sont en effet en contradiction avec les principes de la comptabilité d’exploitation et donnent une image trop positive des résultats du service universel, écrit La Poste dans un communiqué.
Dans sa comptabilité, La Poste impute des intérêts calculés à ses prestations. Elle s’assure ainsi que le capital nécessaire à la fourniture de prestations soit pris en compte dans les coûts en fonction des services. L’autorité de régulation, pour sa part, exige que les coûts du service universel soient calculés sans les coûts du capital, explique La Poste.
Avec une telle méthode, La Poste ne pourrait par exemple pas imputer de coûts de capital à ses prestations dans la mesure où elle n’a pas de dettes financières extérieures. En se basant sur des coûts maintenus artificiellement bas, on court le risque de mettre en péril la garantie financière de la desserte de base, avertit le géant jaune.
Le Département (ministère) fédéral de l’environnement, des transport, de l’énergie et des communications (DETEC) a de son côté demandé à La Poste de remédier aux lacunes relevées dans le rapport. Les corrections devront être apportées cette année encore.
Réactions contrastées
Le Syndicat de la communication se félicite de la publication du premier rapport d’activité de PostReg. Il voit sa position critique confirmée, concernant les comptes de La Poste et les conditions de travail dans la branche, indique le syndicat dans un communiqué.
Le syndicat avait en effet toujours affirmé que le service postal couvrait ses coûts et pouvait même être rémunérateur. Il invite donc La Poste «à revoir ses mesures de réorganisation du réseau de ses offices, dans l’intérêt d’une garantie durable de ses prestations».
La réaction d’economiesuisse est très différente. Sur la base de ce même rapport, l’organe faîtier de l’économie suisse demande avec insistance l’ouverture intégrale du marché postal et attend des autorités la rapide mise en place des conditions cadres correspondantes.
L’ouverture rigoureuse du marché postal est la seule voie permettant de renforcer réellement le secteur postal suisse, conclut economiesuisse. «La prétendue mise en péril du service public par l’ouverture du marché ne tient pas debout; voilà ce qu’est venu confirmer le rapport», martèle encore l’organisation.
swissinfo et les agences
Avec 2585 offices, La Poste assure un service universel accessible en 20 minutes au plus à 91,5% de la population.
97,4% des envois nationaux contrôlés en 2004 sont parvenus à temps à leur destinataire.
Le bilan est moins bon pour les envois en courrier B dont 93’000 par jour ont été distribués en retard contre 65’000 en 2003.
Cette détérioration s’est produite alors que les prix ont augmenté, ce qui laisse PostReg perplexe.
– PostReg a été créé en janvier 2004 pour accompagner l’ouverture progressive du marché postal à la concurrence.
– L’organe de surveillance est dirigé par Martin Kaiser et dépend du Département fédéral de l’environnement, des transports, de l’énergie et des communications (DETEC).
– PostReg est un organe indépendant des autorités.
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