Le bio voit poindre les nuages dans son ciel bleu
Plus de 300 tonnes de pommes golden biologiques ont fini en jus et autres dérivés l’an dernier. Cette première surproduction massive de l’agriculture verte souligne les limites de son marché de niche.
Les producteurs, pour leur part, sont toujours moins nombreux à se convertir au bio.
Le ver est dans la pomme, c’est bien connu. L’an dernier, sur les 3200 tonnes de golden bio produites en Suisse, de 300 à 350 tonnes ont fini «en transformation», comme le disent les professionnels. Du jus, de la purée, rien de très rentable en tous cas.
«Le kilo est alors payé 30 centimes au lieu de 2 francs normalement, indique Thomas Haug. Ce qui ne rentabilise même pas le transport».
Ce gestionnaire de produit auprès de Bio Suisse a plusieurs explications à cette surproduction.
D’abord, les professionnels ont mal fait leur travail. Confrontés à une bonne récolte, ils ont cassé les prix trop tôt et fait preuve de laxisme en matière de marketing.
S’ajoute à cela le côté «conventionnel» de la golden. Une image de pomme trop propre sur elle qui la rend plus difficile à commercialiser sous le label bio que les variétés dites «résistantes».
Arrachage en cours
Les producteurs bio ont bien saisi l’enjeu. Les vieux pommiers à golden ne sont pas remplacés, les jeunes sont parfois arrachés. En clair, la proportion de la «dorée» sur les étals bio doit baisser.
Producteurs, transformateurs et distributeurs se sont également entendus pour mieux coordonner la commercialisation des diverses variétés de leur pommes, programme de marketing à l’appui.
Reste la question des limites du marché du bio. Pour de nombreux observateurs, la surproduction de la golden est un signe avant coureur: la demande des consommateurs pour le bio n’est pas infinie.
«Coop veut doubler la quote-part de ses pommes bio en dix ans (de 6 à 12%), indique Thomas Haug. Mais il faudra pour cela un gros travail à tous les niveaux de la chaîne de distribution.»
Dubitatif, Arnold Marti l’est aussi. Responsable du centre des produits fruits et légumes à swisscofel (groupement des distributeurs), il estime que la forte progression du marché du bio ces dernières années est en train de se tasser.
Des règles plus strictes
Hormis les prix élevés, l’aspect pas toujours appétissant des produits et les difficultés sanitaires de certaines productions, Arnold Marti invoque une autre explication.
Face aux règles toujours plus strictes encadrant la production traditionnelle, le consommateur verra de moins en moins l’intérêt d’acheter bio.
«Entre 3 et 5% des consommateurs sont d’accord de payer plus cher, estime Arnold Marti. Mais je ne crois pas en une forte croissance de ce type de production».
Directeur de Bio Suisse, Stefan Odermatt est plus optimiste. «La croissance du marché va se poursuivre, mais moins rapidement. Selon les produits, entre 5% et 15% chaque année».
Le même Stefan Odermatt estime que «le bio représentera jusqu’à 15 à 20% du marché d’ici cinq à dix ans, contre 11% aujourd’hui».
Stagnation observée
Reste que l’offre a déjà couvert la demande pour certaines production comme les œufs ou le lait. «Le marché connaît une certaine saturation, confirme Stefan Odermatt. Mais pas de grosse surproduction».
Cela tombe plutôt bien, Bio Suisse note actuellement une relative stagnation des reconversions de l’agriculture traditionnelle vers le bio.
Vulgarisateur au ‘Forschunginstitut für biologischen Landbau’ (FIBL), Andreas Haseli fait un constat similaire pour la production de pommes bio.
Les surfaces de vergers bio stagnent actuellement (300 hectares) après avoir explosé à la fin des années nonante. La maturité n’est sans doute pas si éloignée pour le marché du bio…
swissinfo, Pierre-François Besson
– La Suisse est un pays pionnier de la production agricole biologique depuis les années 50. Actuellement, 6600 exploitants sont «labélisés» bio, sur un total de 17’000 à l’échelle du continent.
– Les ventes de produits bio ont augmenté de 13% l’an dernier, contre une progression de 18% en 2001. Elles représentent 11% du chiffre d’affaires de l’agriculture suisse, soit 1,1 milliards de francs.
– Les fruits bio occupent 6% du marché fruitier. Et les pommes bio 5% du leur. La pomme golden représente actuellement 20% des pommes stockées l’automne venu. Alors qu’une quarantaine de variétés sont disponibles sur le marché.
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