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Le franc suisse dopé par la crise financière

L'euro baisse, le franc remonte. Keystone

La Banque nationale suisse (BNS) a de nouveau abaissé jeudi son taux directeur, ce qui pourrait contribuer à affaiblir un franc suisse redevenu valeur refuge en raison de la crise financière. Analyse de cette évolution de la monnaie suisse.

Même les attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis n’avaient pas fait vaciller autant la monnaie unique européenne. En un peu moins d’une semaine, l’euro a perdu près de 10 centimes soit plus de 5%.

Le 27 octobre, l’euro atteignait un plus bas historique à 1,43 franc, mais reprenait un peu de vigueur jeudi à 1,505 franc après la décision de la BNS.

Reste qu’il faut remonter à fin 2002 pour retrouver des cotations aussi basses: à la fin de cette année-là en effet, l’euro avait chuté de 1,60 franc à 1,45. Cette situation était restée stationnaire jusqu’à fin 2003. Par la suite, la devise européenne avait commencé à grimper pour toucher le sommet, soit 1,68, en octobre 2007. En un peu plus d’un an, l’euro a donc perdu près de 15% de sa valeur par rapport au franc.

Double facteur

Cette chute soudaine s’explique par un double facteur, selon Sergio Rossi, responsable de la chaire de macroéconomie et économie monétaire à l’Université de Fribourg.

«D’une part, la conjoncture en Suisse et dans la zone euro a subi des évolutions différentes, dans la mesure où l’UE est déjà entrée dans une phase de récession. D’autre part, le risque d’inflation moindre dû à la baisse des prix du pétrole et d’autres matières premières a permis à la Banque centrale européenne d’annoncer la réduction de ses taux d’intérêt.»

Pour Sergio Rossi, les épargnants en euro ont tout intérêt à investir en francs, récession oblige. Mais aussi en raison de la stabilité politique et économique de la Suisse par rapport au reste du monde. Et même si les taux d’intérêts sont plus bas en Suisse qu’en Europe. En pleine crise internationale, le franc retrouve donc sa position de leader. Une position privilégiée dont les conséquences à moyen terme sont difficiles à prévoir, dans la mesure où l’évolution des marchés est loin d’être stable.

Tourisme en baisse

La consolidation du franc suisse signifie tout d’abord un renchérissement des exportations suisses qui sont désormais moins concurrentielles sur le marché européen, souligne Sergio Rossi. Dans certains secteurs, en particulier celui de l’industrie des machines et des instruments de précision, les exportations risquent d’être pénalisées.

Mais il y a plus: l’envolée du franc pourrait aussi freiner le flux des touristes vers la Suisse. Même si la saison d’hiver s’annonce encore positive – grâce au retard de ce secteur par rapport à l’évolution de la conjoncture – les prévisions à plus long terme sont moins riantes. Ce problème n’est pas seulement lié au renchérissement de l’offre mais aussi à la disponibilité de liquidités destinées à la consommation durant les vacances.

Ceci dit, la chute de l’euro n’est pas porteuse que de mauvaises nouvelles pour l’économie suisse. Les importations pourront en tirer parti puisque, en théorie tout au moins, elles se traduiront par une baisse des prix sur le marché intérieur. Sans compter que cette évolution des changes représente une véritable bouffée d’air pour les nombreux frontaliers qui, durant ces dernières années, avaient vu chuter leur pouvoir d’achat.

Taux d’intérêts à la baisse?

On peut donc se demander vers lequel des deux revers de cette même médaille penchera la balance? Pour contrer le risque d’une baisse importante des exportations et du tourisme avec des conséquences sur le marché du travail, la seule arme à disposition de la Banque nationale suisse (BNS) – tout au moins à court terme – est de revoir à la baisse son propre taux d’intérêt directeur.

Juste avant la décision de jeudi, Sergio Rossi estimait que la BNS devait prévoir une diminution d’un demi-point au moins de son taux d’intérêt de référence pour la politique monétaire, dans la foulée des décisions prises dans la zone euro. Ceci afin de mitiger la différence d’intérêts entre les deux espaces monétaires. Une telle mesure aviat d’ailleurs déjà été adoptée par les Etats-Unis au moins neuf fois depuis le début de la crise.

Si cette stratégie ne devait pas suffire à atténuer le flux de capitaux vers la Suisse, le gouvernement fédéral pourrait intervenir pour limiter le renchérissement du franc et les problèmes qui en découlent, explique encore l’économiste de Fribourg. Il aiderait ainsi les entreprises helvétiques à exporter à des conditions plus avantageuses par le biais de subsides définis. Une telle stratégie risquerait toutefois de fausser la concurrence et de susciter la mauvaise humeur à Bruxelles.

Le futur peut-être pas si incertain…

Même si la crise américaine a profondément bouleversé toutes les places financières, les conséquences devraient être moins graves pour la Suisse que pour d’autres pays, rassure Sergio Rossi.

«L’UE en fera davantage les frais car sa politique unique a trop tendance à baisser les prix et tient peu compte de la stabilité conjoncturelle. En outre, le pacte fiscal de stabilité voulu pour rendre l’euro plus crédible, empêche les déficits publics excessifs, réduisant ainsi la marge de manoeuvre des gouvernements.»

Ainsi, contrairement à d’autres pays, la Suisse peut pousser un soupir de soulagement. «Lorsque le secteur bancaire se sera stabilisé grâce au plan de sauvetage et quand on connaîtra les résultats annuels d’UBS et Crédit Suisse, on pourra repartir peu à peu sur des bases plus solides en espérant avoir appris quelque chose de cette crise.»

Sergio Rossi estime qu’au cas où «la récession frappait aussi frapper la Suisse, elle serait légère et passagère. Ceci dit, le gouvernement devrait quand même envisager un plan conjoncturel, par exemple en réduisant les impôts pour les contribuables plus défavorisés ou en assainissant certaines infrastructures.»

«Ces mesures sont importantes mais pas indispensables pour relancer l’économie suisse. Car si l’on table sur la qualité et la précision du produit, on sort avant les autres de la tourmente.»

swissinfo, Stefania Summermatter
(Traduction et adaptation de l’italien: Gemma d’Urso)

Le 1er janvier 1999 création de l’euro sous sa forme écrite. La nouvelle monnaie européenne pouvait alors uniquement être utilisée pour les coordonnées sur comptes bancaires, les paiements avec cartes de crédit et les opérations financières entre les banques.

Trois ans plus tard, la nouvelle monnaie entrait en circulation – et dans les portemonnaie des citoyens – sous forme de billets et pièces remplaçain les différentes devises nationales des pays répondant aux critères d’adoption de la monnaie unique.

Introduit initialement dans douze nations européennes, l’euro est aujourd’hui en circulation dans 15 des 27 pays membres de l’UE soit l’Allemagne, l’Autriche, la Belgique, Chypre, l’Espagne, la Finlande, la France, la Grèce, l’Irlande, l’Italie, le Luxembourg, Malte, les Pays-Bas, le Portugal et la Slovénie. Dès le 1e janvier 2009, la monnaie unique remplacera aussi la couronne slovaque.

Le gouvernement et la Banque nationale (BNS) suisses ont mis au point un plan d’aide en faveur d’UBS, laquelle a accumulé des titres à perte pour 60 milliards de francs à la suite de la crise américaine des hypothèques.

La Confédération renforcera la base des fonds propres d’UBS en débloquant un prêt de 6 milliards de francs convertibles en actions. L’Etat détiendrait ainsi 9,3% du capital actionnaire de la plus grande banque suisse.

Ce montant sera prélevé des fonds de la Confédération et ne pèsera pas sur le bilan des caisses fédérales. Le crédit devrait rapporter plus de 700 millions de francs par an à la Confédération grâce à un taux d’intérêt de 12,5%.

La BNS mettra à disposition 62 milliards de francs pour permettre à l’UBS de transférer les fonds à perte dans une société vecteur, se débarrassant ainsi des produits toxiques détenus jusqu’à ce jour.

Ce fonds est financé par des dollars de la Federal Reserve américaine et des prêts contractés sur le marché.

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