Le G20 s’attaque aux paradis fiscaux
Réunis jeudi à Londres, les pays du G20 ont annoncé des mesures pour tordre le cou à la crise mondiale. Pour trouver l'argent nécessaire à la relance, les gouvernements veulent notamment mettre fin aux paradis fiscaux.
Le Premier ministre britannique Gordon Brown a annoncé l’union mondiale face à la récession et la fin des paradis fiscaux non-coopératifs. Une liste noire contenant les pays qui posent problème a été publiée.
«Nous nous sommes mis d’accord pour mettre fin à la non-coopération des paradis fiscaux, qui ne transmettent pas d’informations lorsqu’on le leur demande. Le secret bancaire d’autrefois doit prendre fin», a déclaré le chef du gouvernement britannique.
Gordon Brown a réaffirmé la fin proche du secret bancaire, un des principaux points du sommet sur lequel la France et l’Allemagne avaient insisté pour un accord concret.
Les chefs d’Etat et de gouvernement ont en outre demandé aux ministres des Finances de mettre en œuvre une liste de sanctions pour les pays non coopératifs.
Liste grise
Outre une liste noire, une liste «grise» a également été publiée. Celle-ci comprend les pays qui ont dit accepter les standards de l’OCDE mais ne l’ont pas encore formellement fait. La Suisse figure sur cette liste.
«La Suisse sera sur cette liste, parce qu’elle a annoncé des mesures pour assouplir le secret bancaire, avait expliqué le président français Nicolas Sarkozy peu avant la publication. Si elle termine le mouvement, elle sera remontée dans la liste blanche, sinon, elle sera mise dans la liste noire».
«Il faut que ces mesures se traduisent dans les faits», a encore martelé Nicolas Sarkozy. Berne avait annoncé ces dernières semaines un assouplissement du secret bancaire. Mais sa concrétisation, qui passe par la renégociation de dizaines d’accords bilatéraux, risque de prendre du temps.
Suisse déçue
Le communiqué officiel suisse se borne à souligner que «le gouvernement a anticipé cette évolution et pris les mesures qui y correspondent» en décidant d’assouplir le secret bancaire et d’adopter les règles de l’OCDE en matière d’entraide administrative.
Dans des entretiens à la Télévision suisse, Hans-Rudolf Merz s’est en revanche montré plus locace. Le président de la Confédération a déclaré que l’inscription de la Suisse sur la liste grise était une décision désagréable et critiquable, même si elle était attendue.
Hans-Rudolf Merz a cependant précisé que la Suisse entendait continuer à suivre attentivement ce qui se passe à l’étranger. Il a rappelé qu’un échange automatique d’information n’entrait pas en ligne de compte pour la Suisse. Les pays du G-20 doivent maintenant avoir la patience d’attendre les négociations des conventions de double imposition et une éventuelle votation.
Le ministre de l’Intérieur Pascal Couchepin a relevé de son côté la forte pression mise par les grands pays. La Suisse entend cependant collaborer dans la sérénité.
La ministre de la Justice Eveline Widmer-Schlumpf s’est quant à elle déclarée «très surprise et très déçue» de la présence de la Suisse sur la liste grise. Il n’y a pas de raison de pénaliser la Suisse, qui se montre coopérative et a retiré sa réserve sur les standards de l’OCDE en matière de coopération fiscale, selon elle.
Mille… milliards
Pour tenter d’enrayer la crise économique, les dirigeants du G20 ont annoncé de relance d’une ampleur encore jamais vue. Ils se sont en effet mis d’accord pour octroyer pas moins de mille milliards de dollars supplémentaires au Fonds monétaire international (FMI) et à la Banque mondiale (BM).
Le FMI verra notamment ses moyens triplés avec 500 milliards de dollars supplémentaires. Ces fonds seront constitués par de «l’argent nouveau» et par des droits de tirages spéciaux (DTS) du FMI, a précisé Gordon Brown. Le Fonds va également pouvoir vendre de l’or pour financer son aide aux pays les plus pauvres.
Le Premier ministre britannique a également indiqué que 250 milliards de dollars seront consacrés à aider le financement du commerce pour relancer les échanges mondiaux.
Par ailleurs, les pays du G20 se sont mis d’accord pour mettre en œuvre de «nouvelles règles» sur les salaires et les bonus au niveau mondial.
Nouvel ordre mondial
Un conflit était apparu ces derniers jours entre pays européens soucieux de mettre en œuvre prioritairement une réforme de la régulation financière, et les Etats-Unis qui prônaient de nouveaux engagements de relance de la part de leurs partenaires. Mais ces divergences ont été totalement lissées dans le communiqué final.
A l’issue de ce sommet, un «nouvel ordre mondial» va émerger de la crise économique, a estimé Gordon Brown. Le président français Nicolas Sarkozy s’est de son côté déclaré «heureux» que ce sommet soit allé «au-delà de ce que nous pouvions imaginer», lors d’une conférence de presse à l’issue de la réunion.
Le G-20 est arrivé à «un compromis très, très bon, presque historique», a estimé pour sa part la chancelière allemande Angela Merkel. Les mesures financières et économiques annoncées au G-20 donneront au monde entier «une architecture plus claire du marché financier», a-t-elle dit.
Les dirigeants du G20 ont également décidé de se réunir à nouveau d’ici la fin de l’année, a précisé Gordon Brown.
swissinfo et les agences
Dialogue. Créé en 1999 après les crises asiatique et russe, le G20 se présente comme une plate-forme de dialogue entre pays développés et émergents, au service de la stabilité de l’économie mondiale. Un rôle renforcé depuis le déclenchement de la crise financière et économique.
Depuis la crise, le G20 s’est réuni une première fois en novembre à Washington.
Cette année, la présidence tournante du G20 est tenue par le Royaume-Uni.
Etats membres: l’Afrique du sud, l’Allemagne, l’Arabie Saoudite, l’Argentine, l’Australie, le Brésil, le Canada, la Chine, la Corée du sud, les Etats-Unis, la France, l’Inde, l’Indonésie, l’Italie, le Japon, le Mexique, le Royaume-Uni, la Russie et la Turquie.
Le 20ème membre du club est formé par le FMI, la Banque mondiale et la Banque centrale européenne.
La Suisse cherche une entrée dans le G20, pour pouvoir au moins participer aux travaux préparatoires de ces réunions.
L’OCDE a publié jeudi soir trois listes d’Etats dont elle estime qu’ils respectent plus ou moins les standards internationaux.
Dans celle des Etats qui ne se sont pas encore engagés à les respecter, qualifiée de «liste noire», l’OCDE recense le Costa Rica, la Malaisie, les Philippines et l’Uruguay.
Outre la Suisse, la «liste grise» regroupant les Etats et territoires qui se sont engagés à respecter les règles mais qui ne l’ont pas fait totalement compte comprend notamment Andorre, la Belgique, le Liechtenstein, le Luxembourg, Monaco et les Pays-Bas.
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