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Le gouvernement blâmé pour sa gestion de l’affaire UBS

Claude Janiak et Maria Roth-Bernasconi présentent les conclusions de l'enquête parlementaire qui n'est pas tendre avec le gouvernement. Keystone

Les commissions de gestion du Parlement tirent à boulets rouges sur le gouvernement pour sa gestion de l'affaire UBS aux Etats-Unis et son incapacité à détecter la crise financière. Principale cible des critiques, le ministre des Finances Hans-Rudolf Merz.

Très attendu, le rapport final analyse sur plus de 350 pages la situation des «autorités sous la pression de la crise financière et de la transmission des données de clients d’UBS aux Etats-Unis». Les commissions de gestion (CdG) l’ont adopté «à l’unanimité moins quelques abstentions» dimanche lors d’une séance spéciale à Thoune.

Malgré les précautions, une bonne partie des critiques contenues dans le rapport avaient déjà filtré dans la presse. En résumé, les CdG s’inquiètent du «pilotage défaillant du Conseil fédéral» – une critique récurrente – et du «cloisonnement catastrophique» par ministères au détriment d’un fonctionnement collégial.

Pas question pour autant de demander la tête des membres du gouvernement. «Les CdG n’ont pas pour mandat d’exiger des démissions». Maria Roth-Bernasconi, présidente de la commission de la Chambre basse, renvoie la balle aux partis et au Parlement.

Méfiance

En tant que chef du ministère des Finances (DFF), Hans-Rudolf Merz récolte les reproches les plus vifs. Tant pour ce qui est de la crise financière que pour les déboires d’UBS aux Etats-Unis, il a fait cavalier seul, omettant d’informer à temps le collège gouvernemental par «crainte d’indiscrétions et de leur impact sur la bourse».

«En agissant comme il l’a fait, le chef du DFF a privé son ministère et le gouvernement d’éventuelles options d’action, ce que les CdG considèrent comme une erreur fatale». Mais les autres ministres n’ont rien demandé non plus, a souligné Pierre-François Veillon, autre membre de la commission, inquiet du climat de défiance qui règne au sein du collège.

D’avril à septembre 2008, le gouvernement ne s’est ainsi pas occupé de la crise des subprimes. Les choses ont changé après le malaise cardiaque de Hans-Rudolf Merz le 21 septembre. Mais la décision d’injecter des milliards pour le sauvetage d’UBS a aussi été prise de manière peu orthodoxe.

UBS aux Etats-Unis

Ce manque d’anticipation et de discernement n’a finalement pas eu tellement d’effets, puisque la Suisse est un des pays à avoir le mieux géré le crash économique, selon les commissions. Les conséquences ont été plus lourdes en revanche pour ce qui est des agissements d’UBS aux Etats-Unis. Dans ce cas aussi, le jeu solitaire de Hans-Rudolf Merz a été manifeste.

«Se fondant sur sa conception de l’Etat, il est toujours parti du principe que la décision de transmettre des données bancaires hors procédure d’entraide administrative ne devait être prise qu’en tout dernier ressort». Des alternatives n’ont été étudiées qu’au moment où la marge de manœuvre nécessaire à leur application n’était plus disponible.

Mais les ministres des Affaires étrangères Micheline Calmy-Rey et de la Justice Eveline Widmer-Schlumpf en prennent aussi pour leur grade. Alors qu’elles étaient informées de l’affaire, elles «ne sont à aucun moment remontées au gouvernement, s’est indigné Pierre-François Veillon. Les signaux d’escalade politique étaient pourtant permanents.

Puis le gouvernement s’est «démis totalement de sa responsabilité en cédant à la Commission fédérale des banques la prise de mesures nécessaires pour sauver UBS du naufrage» aux Etats-Unis. Autre critique, sous l’impulsion du président de la Confédération de l’époque, Pascal Couchepin, le gouvernement a renoncé à rédiger de procès-verbal sur cette affaire, au mépris de la démocratie.
Procès réclamé

Cependant, il ne faut pas oublier que la responsabilité première de cette affaire revient à UBS. «Même si cela dépasse nos compétences, nous demandons à la banque de faire la lumière en mandatant un groupe d’experts indépendants», a affirmé Pierre-François Veillon. La FINMA doit elle aussi reprendre son analyse des responsabilités.

Recommandations en tout genre

La Confédération doit faire en sorte que des procédures pénales ou civiles puissent avoir lieu contre les anciens responsables et prendre en charge les frais de procédure si nécessaire.

Les CdG abondent de recommandations en tout genre. «Nous attendons désormais une réponse du gouvernement et d’UBS d’ici la fin de l’année», a lancé Maria Roth-Bernasconi. Mais pas question de soutenir la création d’une commission d’enquête parlementaire (CEP).

Les questions posées ont trouvé réponse, a assuré le président de la commission de la Chambre haute Claude Janiak. Une CEP n’aurait pas davantage d’instruments pour agir, selon lui. En outre, ses conclusions ne seraient pas disponibles avant un an.

Or la «fenêtre d’opportunité pour mener les réformes adéquates se referme», avertissent les commissions. Si les problématiques des rémunérations excessives des grandes banques et des établissements trop grands pour faire faillite ont été reconnues, il reste à concrétiser les mesures.

Mesures déjà prises

Le gouvernement a de son côté pris acte du rapport et salue le travail en profondeur des commissions de gestions. Dans un communiqué, il reconnaît que des améliorations doivent être apportées aussi bien dans son organisation que dans la surveillance des marchés financiers. Il va étudier ces questions avec la plus grande attention.

Et le gouvernement d’affirmer avoir déjà pris des mesures. Il a institué un secrétariat d’Etat pour les questions financières internationales. Il s’est en outre engagé dans une réforme du gouvernement (présidence de deux ans, hausse du nombre des
secrétaires d’Etat) dont les contours définitifs seront connus avant l’été.

Le gouvernement a aussi déjà décidé d’améliorer son pilotage stratégique. Il a également pris la résolution de se laisser plus de temps lors de ses séances pour mener des discussions sur les thèmes importants ou urgents.

Concernant les critiques sur le manque de procès-verbaux sur ses discussions à propos d’UBS, il «rappelle que les décisions devaient être prises dans un contexte délicat» avec des répercussions sur la bourse et la place financière et économique.

swissinfo.ch et les agences

Le Parti socialiste, l’Union démocratique du centre (droite conservatrice) et les Verts sont plus convaincus que jamais de l’utilité d’une Commission d’enquête parlementaire. Seule une CEP permettra de faire toute la lumière, ont réagi en chœur les trois partis après la publication du rapport.

Le Parti libéral-radical (droite) juge pour sa part l’exercice toujours inutile, car «tous les éléments sont sur la table», estime la cheffe du groupe parlementaire Gabi Huber. Certes, des documents font défaut, puisque le gouvernement a tenu des séances sans procès-verbaux, mais ce n’est pas une CEP qui va combler cette lacune.

Enfin, du côté du Parti démocrate-chrétien, qui pourrait faire pencher la balance à la Chambre haute, on se tâte encore. Le groupe examinera la question mardi.

CEP. L’Union démocratique du centre (UDC / droite conservatrice) et le Parti socialiste ont réclamé à plusieurs reprises la constitution d’un commission d’enquête parlementaire (CEP), au pouvoir plus étendu que celui des commissions de gestion, pour faire toute la lumière sur le comportement du gouvernement et des autorités de surveillance de marché dans l’affaire UBS.

Mesure d’exception. Jusqu’ici, le Parlement suisse a accepté la création de quatre commissions d’enquête parlementaire (CEP) seulement.

«Mirages». En 1964, la première a enquêté sur les dépassements de crédits (576 millions de francs) lors de l’acquisition des avions de combat français «Mirages». C’est dans la foulée que le Parlement a crée la base légale nécessaire à l’instauration des CEP.

Affaire Kopp. En 1989, une deuxième CEP a enquêté sur les circonstances ayant mené à la démission de la ministre de Justice et Police d’alors Elisabeth Kopp.

Fiches. Lors de cette enquête, il est apparu que les services de renseignement militaire pratique le fichage de citoyens suisses. Une troisième CEP est créée en 1990 pour enquêter à ce propos.

Caisse fédérale de pension. La dernière CEP à avoir vu le jour, en 1995, a porté sur les dysfonctionnements de la Caisse fédérale de pension, lesquels ont été attribués principalement à l’ancien conseiller fédéral socialiste Otto Stich, mais aussi aux autres membres du gouvernement d’alors.

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