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Le mauvais procès fait aux banques cantonales

La BCV réalise 10 à 15 % de son chiffre d'affaires dans le trading. Keystone

Les banques cantonales de Vaud et de Genève se sont-elles éloignées de leur vocation en développant des activités dans le secteur des matières premières?

On leur reproche, aujourd’hui, d’avoir financé le pétrole qui pollue les côtes de la Galice.

«Le secteur des matières premières – et celui du pétrole en particulier – est beaucoup moins risqué que celui de la construction», affirme Rutten Lamon, économiste à la CNUCED, l’agence des Nations Unies pour le commerce et le développement, basée à Genève.

L’économiste réfute les critiques publiées dans la presse de Suisse romande, suite aux révélations du Matin.

Dans son édition dominicale, ce journal accuse la Banque cantonale vaudoise (BCV) et la Banque cantonale de Genève (BCGe) d’avoir participé au financement de la cargaison du pétrolier «Prestige» qui a coulé au large de l’Espagne, polluant les côtes de la Galice.

Des informations confirmées

Après avoir refusé de confirmer les informations de la presse dominicale, les deux banques ont finalement reconnu avoir financé en partie et avec d’autres la cargaison du pétrolier. Mais leur responsabilité dans le naufrage du «Prestige» n’est pas engagée.

D’ailleurs, la BCV et la BCGe ne cachent pas les cativités qu’elles mènent dans le domaine du trading (le financement du commerce de matières premières) et le shipping (le financement de compagnies possédant des bateaux.

Le trading est une activité tout à fait légale. Mais la vocation première d’un établissement cantonal n’est-il pas d’être au service des habitants et de ses entreprises de sa région?

A en croire le porte-parole de la BCV, Daniel Herrera, «l’activité de base d’une banque cantonale est insuffisante pour faire tourner un établissement de la taille de la Banque cantonale vaudoise».

Ce qui expliquerait son engagement dans le trading et le shipping. Où elle salarie 85 personnes et réalise entre 10 et 15 % de son chiffre d’affaires.

De son côté, la BCG, moins active, compte une trentaine d’emplois dans le trading, qui lui assure 4 % de son chiffre d’affaires.

Une arme à double tranchant

Le trading est effectivement beaucoup plus lucratif que la gestion des comptes de Monsieur-tout-le-monde. Seulement voilà, cette activité comporte tout de même certains risques.

Les déboires de la BCV semblent en tous cas le démontrer. En 1996, la faillite de la compagnie Adriatic Tankers, appartenant au Grec Panagis Zissimatos, lui aurait fait perdre 100 millions de francs.

«Elle a voulu jouer dans la cour des grands dans un domaine à risques», disait récemment un spécialiste au quotidien Le Matin, ironisant sur l’ouverture d’une antenne de la BCV à Athènes.

Lorsqu’ils le lancent dans le trading, les petits établissements financiers récupèrent souvent les ‘canards boiteux’ boudés par les géants du négoce de matières premières.

Le commerce du pétrole est moins risqué

Autre son de cloche du côté de Rutten Lamon qui considère que cette activité de financement à court terme offre de nombreuses garanties. Mieux, elle génèrerait rapidement des bénéfices.

Et, c’est particulièrement vrai pour le pétrole. En effet, selon le responsable du secteur finance et énergie de la CNUCED, «le commerce du pétrole demande moins d’expertise que celui du café».

«Il implique des cargaisons de plusieurs dizaines de millions de dollars, dit Rutten Lamon. Il est donc relativement facile de repérer les fraudeurs».

Et de préciser que l’affréteur de la cargaison du «Prestige» – Crown Resources -est l’un des plus gros acteurs de la branche.

L’économiste de la CNUCED ajoute également que les banques qui financent ces cargaisons sont couvertes par des assurances. Elles ne risquent donc pas de perdre de l’argent.

Enfin, pour Rutten Lamon, les deux banques cantonales ne s’écartent aucunement de leur vocation première en développent leurs activités dans le commerce des matières premières.

en d’autres termes, elles servent, là aussi, l’économie régionale. «Genève, rappelle le responsable du secteur finance et énergie à la CNUCED, a très longtemps été le centre mondial du financement du secteur pétrolier.»

Et d’ajouter que le «trading» est également un secteur économique majeur de l’arc lémanique. Où de nombreuses sociétés vivent des matières premières, à commencer par Nestlé.

Une affaire qui tombe mal

Il n’empêche, l’affaire tombe au plus mal pour la BCV qui est dans l’œil du cyclone depuis de très nombreux mois.

En novembre, les contribuables vaudois découvraient que l’Etat devait encore débourser 1,25 milliard de francs pour recapitaliser leur banque cantonale.

Et cette marée noire ne va pas non plus améliorer l’image de marque de sa voisine, la BCGe. Qui aurait, elle aussi, coulé l’année dernière sans le soutien de l’Etat de Genève.

swissinfo/Frédéric Burnand à Genève avec Ian Hamel

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