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Le nucléaire a encore de beaux jours devant lui

La Suisse compte cinq centrales nucléaires. Ici, Leibstadt, la plus jeune d'entre elles. Keystone

Dimanche, les Suisses ont refusé de se passer de l'atome (66,3%). Ils ont aussi rejeté la prolongation du moratoire sur la construction ou l'extension des centrales (58,4%).

En une décennie, les anti-nucléaires ont donc beaucoup perdu de leur force de persuasion.

Les citoyens étaient invités à se prononcer sur deux initiatives. La première – «Moratoire Plus» – demandait que la construction de nouvelles centrales soit interdite. Elle voulait également prohiber une augmentation de la puissance des cinq centrales existantes.

La seconde initiative – «Sortir du nucléaire» – allait beaucoup plus loin. Elle demandait que le pays se passe purement et simplement de cette source d’énergie à partir de 2014 au plus tard.

Le peuple suisse avait déjà été confronté à un tel choix. C’était en 1990. Il avait alors refusé de sortir du nucléaire. Il avait, en revanche, accepté un moratoire de dix ans.

Le souvenir de Tchernobyl

Treize ans plus tard, la situation a changé. Aujourd’hui, les citoyens semblent moins méfiants envers le nucléaire. Il est aussi vrai que les conditions ne sont plus les mêmes qu’en 1990.

A l’époque, le souvenir de la catastrophe de la centrale ukrainienne de Tchernobyl (1986) étaient encore présent dans tous les esprits. De plus, le rideau de fer n’était pas encore tombé. Et l’équilibre de la terreur nucléaire était encore d’actualité.

Depuis, la donne a beaucoup changé. La terreur inspirée par les armes et les catastrophes nucléaires n’est plus aussi présente. Raison pour laquelle les citoyens nourrissent probablement moins de craintes face à l’énergie atomique.

Autre changement: la Suisse se retrouve désormais en plein marasme économique. Les arguments de la droite ont donc certainement fait mouche.

Celle-ci souligne en effet qu’il serait économiquement suicidaire de se passer d’une source d’énergie qui représente 40% de l’approvisionnement du pays.

Mais, surtout, les anti-nucléaires ont peut-être aussi été vaincus – et c’est un paradoxe – pour des raisons écologiques.

Les partisans de l’atome ont eu beau jeu de faire remarquer que l’énergie atomique ne produit pas de CO2, un gaz qui est en grande partie responsable du réchauffement de la planète.

Face à cet argument-massue, les adversaires du nucléaire n’ont jamais semblé être en mesure de donner une réponse convaincante, se contentant de miser sur les énergies renouvelables. Or ces énergies alternatives n’ont de loin pas encore été développées d’une manière optimale.

La droite jubile

Cette victoire, les partis de droite l’ont célébrée à coup de formules flatteuses. Le peuple suisse a fait preuve de sagesse, lancent-ils en chœur.

La satisfaction est d’autant plus grande que le moratoire avait de grande chance de passer, rappelle Doris Leuthard, membre du comité des parlementaires qui étaient opposés aux deux initiatives.

Le sujet reste cependant d’actualité. Car, ajoute la députée démocrate-chrétienne argovienne, «il est important de sortir tôt ou tard du nucléaire».

«La démocratie que l’on craint toujours se montre finalement raisonnable et pertinente», souligne de son côté Jean-Claude Cornu.

Il est toutefois de la responsabilité de l’Etat, de l’économie et de la science de tout faire en faveur d’alternatives moins polluantes, précise le sénateur radical fribourgeois.

Pour sa part, Ueli Maurer jubile. Le président de l’Union démocratique du centre (droite dure) se dit étonné que le moratoire ait été aussi largement rejeté. Et de souligner qu’il s’agit d’ «une énorme claque» pour la gauche.

Selon Ueli Maurer, le peuple suisse ne s’est pas laissé prendre aux arguments émotionnels. Il a voté avec pragmatisme. La loi sur l’énergie permettra de trouver un réel compromis suisse.

Même son de cloche du côté d’économiesuisse pour qui «le peuple suisse a dit non au sous-développement durable».

«Nous sommes extrêmement satisfaits», déclare son porte-parole Patrick Eperon, «c’est une grande victoire pour l’économie suisse». Ce double non permettra de relancer la croissance.

La gauche grimace

«C’est une défaite de la démocratie et une victoire de l’argent», déplorent les initiants des deux initiatives anti-nucléaires.

«La différence de moyens financiers durant la campagne était telle qu’il n’est pas étonnant que le peuple suisse ait voté contre ses propres intérêts», estime Christian van Singer, co-président du comité «Sortir du nucléaire». «Espérons, ajoute-t-il, que nous n’aurons jamais à regretter ce vote».

La déception est aussi grande du côté du Parti socialiste qui espérait au moins le moratoire passe. «Le moratoire, déplore sa présidente Christiane Brunner, était le seul espoir pour les énergies renouvelables.»

Il s’agissait d’un texte mesuré avec des perspectives encourageantes pour toutes les entreprises qui investissent dans les énergies non-polluantes. «Aujourd’hui, regrette-t-elle, la Suisse n’est pas devenue plus écologique.»

Avec le nombre d’objets soumis en votations, la population a, sans doute, mélangé les deux initiatives anti-nucléaires, avance le député socialiste bâlois Rudolf Rechsteiner pour expliquer le rejet du moratoire.

Le non de la Suisse romande le surprend tout particulièrement. De nouveaux conflits sont programmés dans le cadre des débats sur la nouvelle loi sur l’énergie.


swissinfo, Olivier Pauchard et les agences

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