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Le Parlement veut assainir l’assurance-invalidité

L'accès à la rende-invalidité sera de plus en plus ardu. Keystone

Après les députés, les sénateurs ont approuvé jeudi l'essentiel de la 5e révision qui vise à assainir l'assurance-invalidité (AI). Le versement des rentes sera plus restrictif et la réinsertion privilégiée.

En revanche, les sénateurs ont refusé que les rentes versées à l’étranger soient ajustées au pouvoir d’achat du pays de résidence.

Par 25 voix contre 6 issues de la gauche, le Conseil des Etats (Chambre haute du Parlement) a approuvé jeudi la 5e révision de l’AI, avec à la clé notamment une définition plus stricte de l’invalidité.

La réforme, placée sous le précepte «la réinsertion avant la rente», vise à réduire le nombre des nouveaux rentiers. La cible est désormais une baisse de 30 % par rapport à 2003, un recul de 18 % ayant déjà été enregistré depuis deux ans.

La diminution escomptée est fondée sur un dispositif de détection et d’intervention précoces, censé entrer en vigueur à partir de 2007. Objectif: éviter qu’une personne en incapacité de travail devienne invalide et doive quitter la vie active.

Les sénateurs, qui ne se sont guères distanciés du Conseil national (Chambre du peuple), ont salué le projet. Une adaptation du système a été jugée urgente vu la progression des rentes, notamment pour causes psychiques, et la dégradation de la situation financière de l’assurance invalidité. Son trou se creuse de 4 millions de francs par jour, le déficit annuel se monte à 1,5 milliard.

Financement plus tard

Le Conseil des Etats a néanmoins suivi le National et reporté à plus tard la discussion sur la hausse des cotisations de 1,4 à 1,5 %. La question d’une augmentation de la TVA de 0,8 point prônée par le gouvernement reste aussi en suspens.

Dans l’immédiat, les modalités d’octroi des prestations seront revues. Une rente ne sera versée que si les mesures de réadaptation ne peuvent pas assurer le maintien ou le retour à la vie professionnelle.

Le droit à la rente prendra naissance au plus tôt six mois après le dépôt de la demande de prestations. L’intéressé devra savoir au plus tard un an après avoir fait cette requête si une rente lui est octroyée ou non.

Le Sénat a introduit ce délai afin de limiter la «réintégration à gogo». En attendant d’être fixé sur leur sort, les assurés recevront des indemnités journalières.

Compléments biffés

Est aussi passé au Conseil des Etats l’abandon des rentes complémentaires versées aux conjoints de bénéficiaires, actuels ou futurs, de l’AI (23 voix contre 11).

Le supplément de carrière a également été biffé sans état d’âme (21 voix contre 7). La rente sera calculée à l’avenir sur la base du dernier gain réalisé, sans tenir compte des perspectives professionnelles.

En revanche, une fleur a été faite aux jeunes jusqu’à 20 ans, qui conserveront leur droit au remboursement par l’AI des mesures médicales nécessaires à la réadaptation.

Les Etats ont cependant pris le contre-pied de l’autre conseil concernant l’adaptation des rentes versées à l’étranger au pouvoir d’achat local: ils ont refusé cette pratique, jugée impraticable notamment dans l’Union européenne.

La coopération des employeurs

Les entreprises devront aussi mettre du leur, mais la coercition ou des quotas ont été jugés contreproductifs. La Chambre des cantons s’est ainsi contentée de préciser que l’employeur «coopère activement» avec les offices AI afin de trouver une solution appropriée, par exemple en aménageant le poste de travail, pour les personnes atteintes dans leur santé.

Une coalition PDC/PS (Parti socialiste / Parti démocrate-chrétien, centre) a par ailleurs réussi à introduire la possibilité de récompenser les entreprises qui gardent un salarié limité dans sa capacité de travail depuis plusieurs mois en leur versant une contribution.

Cette incitation risque de rater sa cible en créant des effets pervers, ont averti sans succès ses adversaires, y compris Pascal Couchepin, le ministre de l’Intérieur.

«Etape importante»

«Si on réussit cette réforme, on aura franchi une étape importante», a fait valoir le conseiller fédéral. Il a battu en brèche les critiques, affirmant en particulier que la Suisse est le pays de l’OCDE possédant le meilleur taux d’intégration professionnelle des invalides.

Quant à la diminution des rentes ambitionnée, elle ne signifiera pas un report de charges sur l’aide sociale, selon lui.

En fin de compte, cette révision devrait apporter un mieux d’environ 300 millions pour les caisses de l’AI et pour celles de l’Etat. Le dossier retourne au Conseil national pour l’élimination des divergences.

swissinfo et les agences

En 2004, 5,2% de la population active était au bénéfice d’une rente invalidité, contre 3,2% en 1992.
L’exercice 2005 s’est soldé par une perte de 1,738 milliard de francs.
Au rythme actuel, c’est-à-dire une perte d’environ 1,5 milliard par an, l’AI pourrait devenir insolvable vers 2011.

– L’Assurance invalidité (AI) a été créée en 1959. Elle est obligatoire pour toute personne domiciliée en Suisse ou qui y exerce une activité lucrative.

– Elle est financée par une cotisation de 1,4% prélevée sur les salaires. La Confédération fournit par ailleurs un financement additionnel.

– L’AI s’enfonce dans les chiffres rouges depuis le début des années 90, notamment en raison de l’explosion du nombre des bénéficiaires.

– Le gouvernement a souhaité relever la TVA de 1% pour assainir la situation. Mais cette proposition a été refusée en votation populaire le 16 mai 2004.

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