Le Salon de l’auto de Genève veut chasser la morosité
C'est un Salon de l'auto aminci et plus écologique qui s'ouvre jeudi à Genève dans un climat sombre, où ventes en chutes libres, pertes d'emplois et appels à l'aide de l'Etat font planer un futur incertain sur la branche automobile.
En ces temps difficiles, les organisateurs mettent tout en oeuvre pour chasser les ténèbres et espèrent que près de 700’000 amateurs de belles voitures viennent visiter les nombreux nouveaux modèles exposés cette année à Genève.
Malgré l’absence annoncée du fabricant de pneus Michelin, des sociétés chinoises et sud-coréennes BYK et SsangYong, ainsi que la division par deux de la surface dévolue à General Motors, les organisateurs minimisent l’impact de la crise économique sur le salon.
«La tempête qui affecte l’industrie automobile est passée à côté de Genève», affirme Rolf Studer, directeur général du salon de l’auto.
Nouveaux modèles
Aucune firme majeur n’a annulé sa présence à Genève, contrairement à ce qui s’était passé à Detroit début janvier, où plusieurs marques, incluant Land Rover, Ferrari, Rolls Roys, Nissan, Suzuki et Porsche s’étaient désistées.
«Toutes les grandes entreprises sont présentes avec des stands magnifiques. Je pense que c’est particulièrement important que l’industrie automobile montre aux clients ce qu’elle est capable de réaliser malgré la crise financière», lance Rolf Studer.
Parce que les marques de voiture n’ont jamais eu autant besoin d’attirer des clients et qu’une myriade de bonnes idées ont été mises sur papier avant le véritable début de la crise, beaucoup de nouveaux modèles – onéreux et modestes – vont être présentés à Genève.
Voitures vertes
Les points forts de la 79e édition du Salon de l’auto incluent la nouvelle Golf GTI de Volkswagen et le lever de rideau européen de la Toyota Prius de 3e génération. Rolls Roys veut introduire une nouvelle «voiture compacte» pour les riches et Bentley va présenter un véhicule capable de rouler aux biocarburants.
Mercedez Benz va exposer sa nouvelle classe E et Renault ses nouveaux modèles Clio, Scenic et Grand Scenic.
Le salon consacre un pavillon entier aux voitures vertes. Il ne s’agit pas seulement d’exposer des voitures qui consomment moins d’essence, mais de présenter au public toutes les nouvelles technologies existantes, de l’hybride aux piles à combustion.
Le meilleur salon
Le salon de l’auto de Genève reste attractif pour de nombreux constructeurs, fournisseurs et entreprises de design, parce qu’il est organisé dans un pays neutre, qui n’a pas de constructeur local qui puisse être avantagé par un salon à domicile.
Mais ce pourrait toutefois être le dernier salon de l’auto aussi onéreux pour des années. Trois constructeurs ont déjà fait savoir qu’ils feraient l’impasse sur le salon de Francfort en septembre.
«Genève reste le meilleur salon», affirme Richard Milne, journaliste au Financial Times. «Mais l’industrie est en plein changement et le public se concentre moins sur les voitures».
Un contraste surréaliste
Le contraste entre le faste et l’éclat des modèles affichés dans les stands genevois et la dure réalité du monde extérieur est quelque peu surréaliste.
Les fabricants automobiles vivent la pire récession depuis 35 à 50 ans, des millions d’emplois sont menacés, plusieurs compagnies sont en péril et des dizaines d’usines vont fermer pour toujours.
«L’industrie automobile est profondément affectée. Elle réalise l’ampleur du problème mais elle ne sait pas quand tout cela va s’arrêter et n’a aucune idée de quoi sera fait le futur de la branche», affirme Richard Milne.
Ventes en chute libre
La demande pour les nouvelles voitures continue de chuter au niveau mondial. Aux Etats-Unis, les ventes ont diminué de 49% chez General Motors et de 40% chez Ford en février en comparaison avec le même mois de 2008.
Au Japon, patrie de Toyota, plus grand constructeur au monde, ainsi que de Honda et Nissan, les ventes de voiture se sont effondrées de 32,4% en février – après une baisse de 28% en janvier, soit le pire recul depuis 1974.
Toyota, qui expose à Genève plusieurs nouveaux modèles en première européenne, s’attend à une baisse générale de 30% des ventes sur le marché européen cette année.
Ajuster la production
Mais malgré la morosité, les patrons de la branche sont combatifs. «C’est une dépression très sévère, mais ce n’est ni la première, ni la dernière», affirme Graham Smith, vice-président de Toyota Motor en Europe. «L’industrie vit une mauvaise période et nous devons donc ajuster la production, particulièrement en Europe. Nous le faisons de la manière la plus flexible possible afin que nous soyons prêts pour la reprise».
Dans le même temps, les entreprises continuent de faire appel aux gouvernements pour des aides financières. Le directeur général de Renault Carlos Ghosn a averti en janvier que l’industrie automobile européenne risquait l’effondrement sans intervention rapide de l’Etat.
Des responsables de General Motors ont affirmé devant des journalistes mardi à Genève que GM Europe, dont les filiales sont l’allemand Adam Opel GmbH, le britannique Vauxhall et le Suédois Saab, était en train de négocier avec l’Espagne, la Grande-Bretagne et d’autres gouvernements européens au-delà de l’Allemagne afin d’obtenir 4,2 millards de dollars nécessaires à son fonctionnement.
Un avenir sombre
Mais dans le même temps, l’économiste en chef de l’OCDE Klaus Schmidt-Hebbel a déclaré que les gouvernements du monde entier devaient résister à la tentation de renflouer des constructeurs automobiles, des producteurs d’acier ou n’importe quel secteur autre que celui de la finance.
Ca n’aurait pas de sens du point de vue économique, parce que l’industrie automobile a produit pendant trop longtemps trop de voitures et qu’elle devra rétrécir dans les années à venir. Pas en raison de la récession, mais de la surcapacité de la branche, a déclaré Klaus Schmidt-Hebbel.
Selon le consultant spécialisé CSM Worldwide, l’industrie automobile a la capacité de produire 94 millions de voitures par année, soit 34 millions de trop en se basant sur les ventes actuelles.
L’avenir s’annonce donc plutôt sombre. Au mois de décembre, Sergio Marchionne, directeur général de Fiat, a indiqué qu’il ne resterait plus qu’une demi-douzaine d’entreprises automobiles mondiales d’ici 5 ans. Le gouvernement français parle de 6 à 8.
swissinfo, Simon Bradley à Genève
(Traduction de l’anglais: Samuel Jaberg)
310 entreprises suisses, employant 34’000 personnes, sont dépendantes de l’industrie automobile. Elles sont principalement concentrées dans le nord, l’est et la partie centrale du pays.
Chiffre d’affaires. Ces entreprises ne produisent pas seulement des pièces de véhicules, mais également des systèmes d’assemblage et des logiciels pour les constructeurs ou d’autres fournisseurs. Elles ont généré un chiffre d’affaires de 16 milliards de dollars en 2008.
Crise. Le secteur a été particulièrement affecté par la crise et a déjà commencé à réduire ses effectifs. Les entreprises suisses fournissent également des services de consulting, développement ou marketing.
2009 (en comparaison à l’année précédente)
Europe: -27% (janvier)
USA: -41% (février)
Japon : -32% (février)
Suisse : -18% (janvier)
2008 (comparé à 2007)
USA: -18%
Europe: – 8%
Japon: -6%
Suisse: +1,4%
Dizaine. Le président de la Confédération Hans-Rudolf Merz a donné le coup d’envoi du 79e Salon international de l’automobile de Genève, qui dure du 5 au 15 mars. 700’000 visiteurs sont attendus.
Premières. Près de 85 premières mondiales et européennes sont annoncées, dont 15 dédiées uniquement aux voitures électriques. Environ 40% des visiteurs viennent d’autres pays que la Suisse, principalement de l’Allemagne, la France ou l’Italie.
Retombées. Les organisateurs affirment que le salon de l’auto de Genève génère des retombées économiques directes et indirectes de l’ordre de 300 millions de francs suisses.
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