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Les banques suisses doivent miser sur la qualité

Selon les auteurs, les banques suisses sont allées trop loin dans l'américanisation. Keystone

Les banques suisses sont à un tournant. Si elles veulent retrouver leur gloire passée, elles doivent se concentrer sur la qualité et présenter de nouveaux visages. C'est l'appel que lancent un banquier et un journaliste dans un livre (en allemand) qui vient de sortir de presse.

Les banques devront se concentrer sur leurs propres modèles d’affaires et cibler leur marketing de manière plus efficace, comme l’explique à swissinfo le journaliste économique Claude Baumann, l’un des auteurs.

Ecrit avec le banquier Werner E. Rutsch, son livre souligne les succès de l’industrie bancaire suisse dans les 50 dernières années et pointe le doigt sur les erreurs récentes, avant de suggérer des moyens d’améliorer la situation.

Sous le titre «Swiss Banking – wie weiter ?», l’ouvrage analyse les causes de la crise actuelle, parmi lesquelles l’orientation des grandes banques vers la croissance à tout prix.

«Les banques étaient très concentrées sur l’augmentation de leurs gains et en sont venues à négliger la clientèle. Elles ont également investi elles-mêmes une bonne part de leurs fonds propres dans des opérations purement spéculatives en vue de faire du profit», explique Claude Baumann

«Et on voit qu’une banque ne peut pas limiter sa stratégie à cela, poursuit le journaliste. Augmenter les profits, ce n’est pas suffisant comme modèle d’affaires, il doit quand même y avoir autre chose».

Américanisation ratée

Ainsi, les banques suisses pourraient par exemple s’efforcer d’être meilleur marché et plus efficaces que les autres. Ou alors prendre le leadership dans des secteurs spécifiques comme le banque en ligne ou les services aux personnes fortunées.

«Il est important qu’une banque, quelle qu’elle soit, ait une orientation claire vers un modèle d’affaires spécifique», souligne Claude Baumann.

Selon lui, certaines des qualités qui faisaient le génie de la banque suisse ont souffert de la globalisation. Les banques helvétiques se sont américanisées et cela ne leur a pas réussi.

«Faire du business aux Etats-Unis ou dans les pays anglo-saxons, c’est très différent de faire du business ou de la banque en Suisse, note le journaliste. Là-bas, on beaucoup plus orienté vers le résultat à court terme qu’ici».

Besoin de sang frais

Ainsi, la tradition suisse voulait que l’on se soucie d’abord de préserver l’argent du client avant de se lancer dans des opérations visant à maximiser le profit.

«Il faut bien se rendre compte que Credit Suisse et UBS ont risqué des sommes considérables uniquement pour être dans le jeu de la banque d’investissement, mais qu’en quelque sorte, elles n’en ont jamais tiré les bénéfices», ajoute Claude Baumann.

«Si nous regardons dans le passé, nous avons eu de très grands banquiers en Suisse, qui ne représentaient pas seulement leur secteur, mais même le pays tout entier, rappelle le journaliste. Ces gens avaient aussi une position importante dans la société… et tout cela a disparu dans les dix dernières années».

Si le secteur bancaire suisse veut regagner en crédibilité, il a besoin de sang frais, estime par conséquent Claude Baumann.

L’arrogance des banquiers

«Récemment, la branche n’a fait parler d’elle que pour ses aspects négatifs, comme les gros salaires et l’arrogance des banquiers, déplore le journaliste. Cela doit changer. Ces nouvelles têtes devront redécouvrir le rôle du vrai banquier suisse».

Pour les auteurs du livre, il est également nécessaire d’améliorer l’environnement dans lequel opèrent les banques suisses. Ainsi, certains secteurs d’activité comme le commerce de l’or ou le marché des Eurobons ont quitté la Suisse pour Londres ou le Luxembourg pour des raisons de taxes et de droits de timbre.

Malgré les «très fortes pressions» pour réclamer plus de contrôles et de régulations, Claude Baumann estime important de ne pas laisser la situation se détériorer davantage.

«Nous ne devrions pas avoir des règles plus strictes ou plus dures que les autres pays, car cela nous désavantagerait, plaide-t-il. Nous devrions avoir des règles qui donnent plus de crédibilité à tout le système, mais elles devraient toujours être similaires à celles de l’étranger».

Soutien politique

Sans surprises, le livre appelle les politiques à améliorer les conditions-cadre pour l’industrie bancaire et à la soutenir, tant dans ses activités domestiques qu’à l’étranger.

«Nous ne sommes pas très unis lorsqu’il s’agit de défendre la place financière suisse, note Claude Baumann. Si je compare avec Londres, vous avez toute la City, les politiciens, les banquiers, les autorités de régulation et tous ces gens tirent à la même corde. Ensemble, ils ont un gros potentiel de pression».

«En Suisse, poursuit-il, beaucoup de gens regardent encore le secteur bancaire comme quelque chose qui est simplement là, dont nous avons besoin pour maintenir notre richesse, et rien de plus. Alors qu’en fait, c’est une industrie qui bouge beaucoup et qui doit être encouragée et développée».

Quant à l’éternelle question du secret bancaire, Claude Baumann estime que la protection de la confidentialité est très importante pour l’avenir de l’industrie bancaire suisse.

Selon lui, de nombreuses personnes ne sont simplement pas au courant de la législation très stricte que la Suisse a mis en place pour combattre le blanchiment d’argent.

Et dans ce domaine aussi, le journaliste estime que l’industrie bancaire a de gros efforts de marketing à faire. Et de conclure que ces efforts visant à souligner les points forts de la place financière suisse «lui apporteraient de grands avantages».

swissinfo, Robert Brookes à Zurich
(Traduction et adaptation de l’anglais: Marc-André Miserez)

Journaliste économique à l’hebdomadaire Die Weltwoche, il a travaillé auparavant pour le magazine Finanz und Wirtschaft et pour l’Agence télégraphique suisse (ats). Ses articles lui ont valu nombre des récompenses

«Swiss Banking – wie weiter ?» est son troisième livre, après «La chute de l’empire Andersen: Crise, responsabilité et gouvernement d’entreprise», publié en 2003 avec sa consoeur May Piaget et «Ausgewaschen. Die Schweizer Banken am Wendepunkt», sorti en 2006.

Il vient de lancer avec deux collègues finews.ch, un site internet en allemand sur l’industrie bancaire suisse.

Directeur de Clariden Leu Bank à Zurich, il est depuis 15 ans dans le secteur bancaire. De 2001 à fin 2006, il a été à la tête des investissements de la banque Hofmann, après être passé par Credit Suisse et UBS.

Il a publié de nombreux articles et présenté de nombreux exposés sur les problèmes économiques et en particulier sur le marketing et la communication bancaires.

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