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Les banquiers privés attaquent le gouvernement

Yvan Pictet (au centre), président de la Fondation Genève Place Financière. Keystone

Les banquiers privés menacent. Si la Suisse accepte de faire de nouvelles concessions à l'Union européenne sur la fiscalité de l'épargne, ils lanceront un référendum.

Ce dossier très controversé est en discussion dans le cadre des bilatérales bis.

«Le gouvernement sait que s’il va au-delà de ce qui est acceptable pour le secteur financier, il y aura référendum», clame Ivan Pictet, associé de la Banque privée Pictet & Cie.

«Il n’a certainement pas oublié que 72% des Suisses ont voté contre une adhésion à l’UE dans sa forme actuelle. Dans une démocratie directe comme la nôtre, je ne suis pas sûr que le gouvernement ait beaucoup de latitude pour aller au-delà de ce que la population veut réellement», ajoute le banquier genevois.

Le tabou du secret bancaire

Mardi prochain, les ministres des Finances de l’Union européenne (UE) se rencontrent pour tenter de boucler le dossier sur la fiscalité de l’épargne. Non seulement entre eux, mais également avec les pays tiers, comme la Suisse.

Berne a proposé un taux d’imposition à la source de 35% sur les intérêts des avoirs des citoyens européens déposés dans les banques suisses. Par contre, la Suisse est restée jusqu’ici intraitable sur le respect de son secret bancaire.

Ne pas céder aux pressions

«Nous devons nous demander si les négociateurs suisses à Bruxelles ne sont pas déjà allés au-delà que ce que nous considérons comme la limite à ne pas dépasser», déclare pour sa part Michel Dérobert, secrétaire général de l’Association suisse des banquiers privés (ABPS) devant les journalistes qu’elle a convoqués jeudi à Berne.

Pour Michel Dérobert, la Suisse ne doit pas céder aux pressions, sous peine de perdre sa crédibilité dans les négociations futures. Pour le banquier, il en va carrément de la souveraineté du pays.

«La chose la plus importante, si nous trouvons un accord avec l’UE, c’est que celui-ci soit négocié de bonne foi et qu’il puisse être durable, ajoute l’intéressé. Ainsi, nous devons nous assurer que l’UE ne va pas revenir ensuite à la charge via une autre organisation, comme l’OCDE.»

«La Suisse doit pouvoir négocier sans se laisser impressionner par l’UE ni par aucun de ses membres qui lui demanderait de suivre la même voie que lui», conclut Michel Dérobert.

Un système bien rôdé

Ivan Pictet, de son côté, qualifie de «généreuse» l’offre faite par les négociateurs suisses à Bruxelles.

«Si l’accord n’est pas encore signé, c’est parce que les pays de l’UE n’arrivent pas à s’entendre entre eux. La Suisse, quant à elle, est prête à coopérer partout où cela est possible», estime le banquier genevois.

«Avec son taux de 35%, la Suisse a la taxation à la source la plus élevée du monde. Et il n’y a que très peu d’évasion fiscale dans ce pays. Notre système est bien accepté par la population. Alors pourquoi adopter celui des autres pays, sachant en outre qu’il ne fonctionne pas?», s’interroge Ivan Pictet.

Sentiment d’injustice

Au mois de décembre dernier, Michel Dérobert écrivait dans la Lettre de l’ABPS que la menace de sanctions européennes contre la Suisse ne faisait que renforcer un certain sentiment d’injustice.

Pour lui, il est faux de prétendre que le projet de directive européenne sur l’harmonisation fiscale constituerait un outil efficace pour lutter contre l’évasion fiscale – qui d’ailleurs n’est pas considérée comme un délit pénal en Suisse.

Michel Dérobert ajoutait que le texte concocté à Bruxelles ne répondait pas à des impératifs de justice fiscale, mais bien plutôt au souci de défendre les intérêts commerciaux des places financières européennes.

Trois scénarios possibles

Interrogé jeudi sur l’issue possible de ce bras de fer, Michel Dérobert envisage trois scénarios: «Le mieux serait d’arriver rapidement à un accord, mais je pense que ça ne sera pas facile. Si c’est impossible, nous préférerions qu’aucun accord n’aboutisse. Car le pire pour nous serait un mauvais accord, contre lequel nous devrions nous battre», résume le secrétaire général de l’ABPS.

swissinfo, Robert Brookes
Traduction: Marc-André Miserez

En 2001, les bénéfices des banques privées ont chuté de 35%, la chute a été de 20 à 30% l’an dernier.
L’an dernier toujours, l’ensemble du secteur bancaire suisse a perdu 10’000 emplois sur 120’000
Aux dires des spécialistes, les perspectives restent sombres.

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