Les bases de l’après-fonds Abacha sont jetées
Les présidents suisse et nigérien ont salué jeudi à Berne la coopération de leurs deux pays dans l'affaire des fonds de l'ex-dictateur.
Berne et Abuja souhaitent désormais négocier plusieurs accords bilatéraux.
«Un exemple» de résolution de problèmes par les institutions des deux pays, c’est le mot employé jeudi par Moritz Leuenberger, président de la Confédération.
Olusegun Obasanjo a lui aussi évoqué un «modèle» de gestion. Même si «cela a pris un peu de temps». Mais après le début de la restitution des fonds, «tout s’est bien déroulé», a-t-il insisté.
Le fait est à souligner alors que par le passé, les autorités d’Abuja s’étaient montrées moins diplomates et avaient critiqué les lenteurs de la procédure.
Contre la corruption
En restituant cet argent, la Suisse a contribué à la lutte contre la corruption au Nigeria, a précisé Olusegun Obasanjo.
Le Nigeria accusait l’ancien dictateur Sani Abacha d’avoir mis sur pied une organisation criminelle et d’avoir soutiré plus de 2,2 milliards de dollars des caisses publiques.
Après sa mort en 1998, près de 700 millions de dollars ont été bloqués sur des comptes ouverts dans des banques suisses. Le conflit s’est aplani en février 2005, lorsque le Tribunal fédéral (cour suprême) a rejeté les derniers recours de la famille Abacha.
Dans cette affaire, la Suisse a restitué 99% des fonds de l’ancien dictateur bloqués en Suisse. Seuls 7 millions de dollars font encore l’objet d’une procédure judiciaire qui doit révéler s’ils sont d’origine criminelle.
Imposition et trafic aérien
A l’occasion de la visite officielle de son homologue, Moritz Leuenberger a indiqué vouloir faire de l’Afrique l’un des «points forts» de son année présidentielle.
Berne et Abuja souhaitent négocier des accords bilatéraux sur la double imposition et le trafic aérien, ont du reste annoncé les deux présidents.
Un texte sur la protection des investissements est déjà en vigueur et un autre sur le retour des migrants doit encore être ratifié par le Nigeria.
Coopération nécessaire
Outre les relations bilatérales, les deux hommes ont notamment évoqué la question des droits de l’homme et la lutte contre le fossé numérique.
Autre point discuté: l’importance de la coopération au sein des institutions multilatérales, comme l’ONU ou l’Union africaine (UA).
Les deux hommes ont aussi évoqué la résolution des récentes crises en Sierra Leone, au Togo, en Guinée-Bissau et au Liberia. Et «ce que nous allons faire» en Côte d’Ivoire, dixit Olusegun Obasanjo.
«Lorsque nous aurons la paix et la sécurité dans la région, nous devrons passer au stade du développement économique et social», a expliqué le président nigérien tout en reconnaissant certaines difficultés, liées notamment à la corruption.
La question tchadienne
«Le Tchad a besoin de paix et de sécurité, a aussi déclaré à Berne Olusegun Obasanjo. Nous ne devons pas abandonner» ce pays…
Interrogé sur la possibilité d’un rôle de la Suisse dans la résolution de ce type de crise, il a souhaité une gestion par les Africains eux-mêmes.
Mais il a toutefois souligné l’importance d’un «soutien de nos amis» dans cette tâche.
Outre sa rencontre de deux heures avec Moritz Leuenberger, le président nigérien s’est entretenu avec le ministre de la justice Christoph Blocher et la ministre des affaires étrangères Micheline Calmy-Rey.
swissinfo et les agences
Le Nigeria est le troisième partenaire commercial africain de la Suisse (derrière l’Afrique du Sud et la Libye)
Le Nigeria est son deuxième fournisseur en pétrole, derrière la Libye
Sur le versant exportations, le Nigeria est le premier marché africain pour les textiles suisses et le second marché d’Afrique noire pour toute une série de secteurs comme la chimie, les machines, les instruments de précision
Sa richesse en ressources pétrolières permet au Nigeria d’enregistrer un excédent commercial face à la Suisse depuis de nombreuses années
– Entre 1993 et 1998, Sani Abacha a profité de son pouvoir absolu sur le Nigeria pour détourner plus de 2,2 milliards de dollars (2,8 milliards de francs suisses) de fonds publics.
– En 1999, près de 700 millions de dollars ont été retrouvés et gelés sur des comptes en Suisse.
– En décembre 2003, la Suisse a restitué au Nigeria une première tranche de 200 millions de dollars.
– En février 2005, la cour suprême helvétique a décidé que 458 autres millions de dollars devaient encore être restitués.
– En septembre, la Banque Mondiale a confirmé la restitution de 290 millions de dollars supplémentaires.
– En novembre, la Suisse a annoncé la restitution de la dernière tranche des montants bloqués en Suisse, soit 170 millions de dollars.
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