Les CFF en ont marre
Vandalisme, agressions et resquille. Les Chemins de fer fédéraux (CFF) en ont plus qu'assez. Ils ont décidé de réagir. Même si leurs moyens sont limités.
Dimanche 14 juillet, 22 h30. Pour avoir simplement oublié de verrouiller la porte, une jeune fille de 16 ans se fait violer dans les toilettes d’un wagon de la S-Bahn zurichoise.
Un fait divers choquant. Qui relance le débat sur la sécurité dans les trains suisses. D’autant que la violence ne s’exerce pas uniquement contre les passagers.
En 2001, en effet, pas moins de 200 agressions, verbales ou physiques ont été recensées à l’encontre du seul personnel des CFF.
En mars, le syndicat suisse du personnel des transports réclamait à nouveau une augmentation des effectifs.
L’ex-régie fédérale fait ce qu’elle peut avec les moyens dont elle dispose. Comme il n’est pas question de réengager des contrôleurs, elle a créé une police ferroviaire.
Sur certaines lignes, les agents de train sont accompagnés par des Securitas. Et la direction des CFF vient d’offrir à tout son personnel un cours de gestion des conflits et d’autodéfense
Les trains restent sûrs
«Ce n’est quand même pas le Far West, relativise René Baumann, porte-parole des CFF. Bien sûr, ce viol est tragique et nous ferons tout pour que cela ne se reproduise pas.»
«Mais, ajoute-t-il, on n’assiste pas à une explosion de la violence dans les trains. Voyager par rail reste malgré tout plus sûr que de simplement se promener dans une ville suisse.»
Et de rappeler qu’au cours du premier semestre 2002, les CFF ont dû dénoncer un peu plus de 100 personnes à la police. Sur 180 millions de passagers transportés au cours de la période, ce n’est effectivement pas énorme.
15 millions de francs par an
Si la violence pure et dure reste exceptionnelle, le vandalisme, par contre, est relativement fréquent. «Le phénomène ne date pas d’hier, note Jean-Louis Scherz, autre porte-parole des CFF. Mais il a pris une ampleur particulière depuis cinq ou six ans.»
Les déprédations et les tags, que se soit dans les trains ou dans les gares, coûtent ensemble près de 15 millions de francs par an aux CFF. Un chiffre qui est resté stable au cours des trois dernières années.
Pas de quoi étonner l’ancienne régie fédérale. «La violence fait de plus en plus partie de la société, résume René Baumann. et nous transportons une partie de la société.»
Les vandales sous surveillance vidéo
Pour tenter de l’enrayer, les CFF ont mis sur pied au printemps 2001 un projet pilote. Un train de six wagons – munis chacun de quatre caméras vidéos de surveillance – circule sur la ligne Lausanne-Genève, avec quelques incursions sur la ligne de Vallorbe.
L’effet préventif est impressionnant. «Nous avons constaté jusqu’à 80% d’actes de vandalisme en moins», se réjouit Jean-Louis Scherz.
«En outre, poursuit-il, depuis que ces caméras ont été installées, nous n’avons eu dans ce train aucun acte suffisamment grave pour mériter une dénonciation à la police.»
L’expérience coûte aux CFF plus de 450 000 francs. Autant dire que son extension à l’ensemble du réseau n’est pas pour demain.
Certes, en augmentant le nombre de trains équipés, le coût à l’unité baisserait. Mais il resterait encore trop cher.
Un précurseur privé
Cela dit, la petite compagnie Bière-Apples-Morges (BAM) n’a pas attendu les expériences des CFF pour se lancer dans la vidéosurveillance. Depuis un peu plus de deux ans, tous ses trains sont équipés de caméras.
Et comme le BAM exploite aussi les transports urbains de l’agglomération de Morges, la compagnie en a aussi placé dans les bus.
«Nous venions de rénover notre matériel roulant, explique simplement Pierre Gaillard, directeur du BAM. Et nous ne voulions pas que nos wagons tous neuf soient endommagés par les vandales.»
Un moyen de prévention, venu de l’étranger, qui a fait école à Genève aussi. Dès cet été, 25 véhicules des Transports publics genevois (TPG) devraient en effet à leur tout être équipés de caméras.
Attention aux dérapages
Toutefois, qu’il s’agisse du BAM, des TPG ou des CFF, la vidéosurveillance est soumise à certaines règles. La protection de la sphère privée et la liberté de mouvement doivent en effet rester garanties.
Au vu des résultats du projet pilote des CFF, le Préposé à la protection des données examinera à l’automne si la surveillance vidéo est vraiment utile. Et si elle constitue une réponse proportionnée au problème posé.
«Il s’agira pour nous de savoir qui a accès aux bandes vidéos, dit Kosmas Tsiraktopulos, porte-parole du Préposé à la protection des données. et combien de temps on a le droit de les garder.»
A la seconde question, les CFF ont déjà apporté leur réponse. S’ils ne sont pas appelés à être utilisées pour identifier une personne, les enregistrements sont détruits au bout de 24 heures.
Au BAM, on avoue des temps de conservation un peu plus longs. En ajoutant qu’un seul employé de la petite compagnie a le droit de regarder les images.
Pourvu que ça dure
La surveillance vidéo n’est pas pour autant la panacée. Après tout, elle ne fait que de montrer la violence, sans s’attaquer à ses causes. Et son effet pourrait bien être limité dans le temps.
«En Angleterre, une étude a montré que la surveillance vidéo dans les rues a d’abord entraîné une chute rapide de la violence, dit Kosmas Tsiraktopulos. Mais elle montre aussi que cette délinquance est revenue. Et qu’il en y en a maintenant autant qu’avant,»
Les resquilleurs aussi
Et il n’y a pas que la violence et le vandalisme. Depuis la disparition des contrôleurs sur les lignes régionales, de plus en plus de gens prennent le train sans billet.
Actuellement, sur le nombre total des voyageurs, les CFF estiment à 3,2% la proportion de resquilleurs. Sur certaines lignes en Suisse romande, ce taux atteindrait même 10%. Une resquille qui coûte presque 40 millions de francs par année.
Vendredi, la direction des CFF a annoncé qu’elle envisageait d’augmenter les amendes (qui sont actuellement de 60 francs). Et qu’elle projetait même de dénoncer les récidivistes à la justice.
Mais, là, les caméras ne servent à rien. Seuls les contrôles effectués par des agents de terrain sont efficaces.
swissinfo
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