Les paysans se disent toujours plus pauvres
Une exploitation agricole sur deux est menacée et un quart des paysans vivent même en dessous du seuil de pauvreté, selon l'Union suisse des paysans (USP).
A l’Office fédéral de l’agriculture (OFAG), on relativise les chiffres avancés.
L’Union suisse des paysans (USP) a tiré la sonnette d’alarme en présentant son rapport annuel 2006, jeudi à Walperswil, dans la campagne bernoise.
«Le peuple suisse et ses représentants se trouvent à un tournant», a expliqué le président de l’USP, le conseiller national (député) Hansjörg Walter.
Même sans pression supplémentaire de la politique agricole 2011 et sans accord de libre-échange de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), il faut s’attendre à ce qu’une moitié des exploitations agricoles disparaisse d’ici dix à quinze ans.
Evolution angoissante
Pour le monde paysan, cette évolution est angoissante. La question se pose: le pays doit décider s’il veut maintenir une agriculture multifonctionnelle et des exploitations familiales dans tout le pays, ou au contraire de faire une Suisse à la «scandinave» recouverte d’étendues forestières, a souligné Hansjörg Walter.
La durabilité et la qualité des produits plaident pour une agriculture suisse, alors que l’importation d’aliments est à l’origine de problèmes écologiques et sociaux. L’économie alimentaire globalisée représente une charge significative pour l’environnement dans le monde, a plaidé M. Walter, appelant au soutien des consommateurs suisses.
Nouvelle baisse
«Le revenu annuel par unité de main-d’oeuvre familiale dans l’agriculture a chuté de 36’700 à 33’800 francs en une année», a relevé Jacques Bourgeois, directeur de l’USP. Or, ce montant représente la moitié du revenu moyen des autres secteurs, soit 67.200 francs.
«Le fait est qu’environ un quart des familles paysannes ne peuvent plus couvrir leurs besoins élémentaires», a-t-il affirmé. Ces exploitations ne sont plus en mesure de procéder à des investissements ou de constituer des réserves pour la prévoyance vieillesse.
En conséquence, l’agriculture suisse possède une proportion de «working poor» particulièrement élevée. Les personnes, qui se trouvent au-dessous du seuil de pauvreté après déduction des impôts et des assurances sociales, représentaient 6,7% de la population en moyenne en 2004. Dans l’agriculture, ce taux varie entre 20% et 30%, a déploré Jacques Bourgeois.
«Chiffres à relativiser»
A Berne, l’Office fédéral de l’agriculture (OFAG) relativise les chiffres de l’USP. Cela pose des problèmes de comparer le revenu paysan à celui d’autres catégories de la population, a expliqué Eduard Hofer, son vice-directeur.
Selon lui, malgré des revenus modestes, les exploitations agricoles disposent de suffisamment de moyens pour vivre. Leur comptabilité arrive cependant à de faibles revenus à cause des amortissements.
Selon Eduard Hofer, cette forte proportion de «working poor» est également l’expression d’un changement structurel auquel on ne peut résister. Il ne pense pas qu’une augmentation du soutien de la Confédération apporterait une solution: «ce ne serait qu’un soulagement à court terme».
Le Parlement doit se prononcer
Lors de la session d’hiver des Chambres fédérales, le Conseil des Etats (Chambre des cantons) avait accepté de mettre 150 millions de francs de plus dans le budget de la politique agricole 2011, contre l’avis du gouvernement.
Le Conseil national (Chambre du peuple) doit encore se prononcer.
swissinfo et les agences
En 2005, le secteur agricole employait 188’000 personnes, contre 254’600 en 1990.
Dans le même laps de temps, 30’000 exploitations agricoles ont cessé leur activité.
En quinze ans, les dépenses de la Confédération pour l’agriculture sont passées de 2,6 à 3,7 milliards par an.
En 2005, la part de l’agriculture au produit intérieur brut (PIB) atteignait 1%.
Le revenu annuel par exploitation a chuté de 36’700 à 33’800 francs entre 2004 et 2005, alors que le revenu moyen suisse atteint le double, soit 67’200 francs.
Entre 2004 et 2007, la Confédération aura dépensé 14’092 milliards de francs pour l’agriculture, soit 8,5% des dépenses totales en 1990, contre 7,1% en 2006.
L’élément central de la réforme de la politique agricole PA 2011 est la réallocation aux paiements directs non liés à la production des fonds destinés actuellement au soutien au marché.
Le gouvernement souhaite aussi limiter l’enveloppe de l’agriculture à 13,5 milliards de francs pour 2008-2011.
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