Les Suisses, grands lecteurs de la presse dominicale
L'hebdomadaire zurichois «SonntagsZeitung» fête ses 20 ans. Il a résussi à se tailler une place toujours plus importante dans le florissant marché de la presse dominicale.
Même si les Suisses figurent parmi les lecteurs du dimanche les plus assidus d’Europe, ce marché n’est pas encore saturé à en croire les experts.
Le 11 janvier 1987, la maison d’édition Tamedia de Zurich lançait un nouveau défi au monde de la presse, en donnant naissance au premier numéro de l’hebdomadaire «SonntagsZeitung».
L’initiative avait provoqué un petit tremblement de terre en Suisse alémanique où, depuis 1969, le «SonntagsBlick» édité par le groupe Ringier régnait en maître sur le traditionnel jour de repos.
La décision de Tarmedia s’est révélée gagnante. Les chiffres parlent d’eux-mêmes: alors qu’à ses débuts, le tirage de la «SonntagsZeitung» (SZ) était de 86’000 exemplaires, vingt ans plus tard il a grimpé à 202’600, ce qui représente un potentiel d’environ 809’000 lecteurs.
La concurrence se fait plus rude en 2002 lorsque la prestigieuse «Neue Zürcher Zeitung» fait son entrée sur le marché du dimanche avec «NZZ am Sonntag». En mai dernier, le quotidien des Grisons «Südostschweiz» lance à son tour une édition du dimanche.
Et ce n’est pas terminé. Un nouveau journal dominical est prévu pour septembre prochain, fruit d’une collaboration entre l’«Aargauer Zeitung» et la «Mittelland Zeitung».
Un pari gagnant
«Durant les années 80, le lancement de la SZ était un véritable pari», explique à swissinfo Roger Blum, directeur de l’Institut des sciences de la communication de l’Université de Berne.
En fait, à l’époque, les Suisses ne lisaient pas particulièrement la presse dominicale. «Le dimanche était le jour férié par excellence et les gens préféraient rester à la maison et ne sortaient même pas acheter le journal.»
Les éditeurs de la SZ ont cependant eu une idée qui a fait basculer la situation: faire arriver le journal directement chez le lecteur, tout au moins dans les centres urbains.
«Grâce à ce choix, Tamedia a provoqué une inversion de tendance. En recevant l’hebdomadaire à la maison, les gens se sont mis à lire aussi le dimanche», précise Roger Blum.
D’autres titres dominicaux font entre temps leur apparition en Suisse italienne aussi: d’abord «Il Mattino della domenica», en 1991, organe de presse de la Lega des Tessinois, puis «Il Caffè» en 1998.
En Suisse romande, «Dimanche.ch» n’a résisté que quatre ans, de 1999 à 2003, dans un marché dominé par «Le Matin Dimanche».
En l’espace de quelques années seulement, le marché des hebdomadaires dominicaux suisses a augmenté au-delà de toute attente. A tel point qu’aujourd’hui, plus de 40% des Suisses déclarent de lire un journal le dimanche. Il s’agit d’une proportion particulièrement élevée. En Europe, seule la Grande Bretagne peut s’enorgueillir de tels chiffres.
Un triomphe du marketing
Pour le spécialiste des médias, Karl Lüönd, une astucieuse manœuvre de marketing a fait de la lecture dominicale, un rendez-vous fixe. «Un besoin a été créé là où il n’existait pas», affirme-t-il.
Les journalistes ont compris qu’un tel besoin n’était pas le même que celui ressenti durant le reste de la semaine. Ils ont ainsi forgé un nouveau produit, expressément conçu pour le dimanche.
Durant le jour de repos, les gens consacrent davantage de temps à la lecture. Ainsi, outre l’actualité, place a été faite aux articles plus approfondis à lire calmement couché sur le divan, au journalisme d’enquête, mais aussi aux textes plus frivoles. De quoi contenter tous les genres de lecteurs.
Les articles à sensation ne manquent pas. Selon Roger Blum, «cette chasse au scoop a surtout pour but d’attirer les acheteurs potentiels soit ceux qui ne sont pas abonnés au journal, grâce aux titres chocs des manchettes».
«Les nouvelles de sport sont aussi un point fort de l’hebdomadaire du dimanche et elles répondent à une importante requête de la part des lecteurs», souligne encore Roger Blum.
Ce n’est pas le cas dans d’autres pays où le sport peut compter sur une presse spécialisée comme «La Gazzetta dello Sport» en Italie ou «L’Equipe» en France.
Nouveaux lecteurs potentiels
Même si en 2006 la presse du dimanche a perdu quelques lecteurs, le secteur reste cependant fructueux et «en pleine expansion», précise Karl Lüönd.
Les revenus publicitaires réalisés l’année dernière par plusieurs journaux attestent ses dires: 73 millions de francs pour la «SonntagsZeitung», 48 millions pour le «SonntagsBlick» et 29,5 millions pour la «NZZ am Sonntag».
«Nous ne sommes pas encore parvenus à la saturation, rassure Roger Blum. Mais si nous voulons conquérir de nouveaux lecteurs, nous devrons trouver les ressources nécessaires. Il s’agit de développer les rédactions de manière à pouvoir offrir un contenu plus riche, comme doit l’être le contenu d’un journal du dimanche.»
swissinfo, Anna Passera
Traduction de l’italien, Gemma d’Urso
D’après une étude réalisée par l’Institut de recherche et d’études des médias publicitaires (Wempf/Remp), en une année, soit d’avril 2005 à mars 2006, le plus lu des journaux suisses du dimanche est le «SonntagsBlick» avec 997’000 lecteurs.
Il est suivi par la «SonntagsZeitung» avec 809’000 lecteurs et par la «NZZ am Sonntag» qui en compte 453’000.
En Suisse romande, «Le Matin Dimanche» galope en tête avec 581’000 lecteurs.
Au Tessin, «Il Caffè», avec 120’000 lecteurs, devance «Il Mattino della Domenica» avec 83’000 lecteurs.
Plus de 43,5% des Suisses lisent un journal le dimanche
42% des hebdomadaires dominicaux sont distribués sur abonnement
58% sont achetés chez les marchands de journaux ou dans les cassettes de distribution
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