Lettres: vers la fin du monopole de La Poste
Une étude mandatée par le Département de la communication montre que La Poste n'a rien à craindre d'une libéralisation partielle du marché des lettres.
Si le gouvernement suisse donne son aval le mois prochain, le Géant jaune perdra son monopole sur les lettres de plus de 100g en janvier 2006. Les syndicats s’inquiètent.
Selon l’entreprise allemande WIK-Consult – mandatée par le Département fédéral des transports de l’énergie et des communications (DETEEC) – la libéralisation du marché postal des lettres de plus de 100g prévue en 2006 ne menacera pas le service universel.
Cette conclusion d’un bureau d’étude indépendant, publiée jeudi, apporte de l’eau au moulin du Conseil fédéral (gouvernement) qui doit confirmer le mois prochain une décision de principe, prise il y a trois ans, sur la poursuite de la libéralisation du marché postal.
Une nouvelle étape… et une autre
Suivant le mouvement européen, bien plus avancé, la Suisse devrait franchir une nouvelle étape en janvier, après avoir ouvert totalement le marché des colis en 2004.
Actuellement, les envois de lettres adressés en Suisse reste un secteur réservé de la Poste. Seuls les envois vers l’étranger et ceux dont le transport coûte plus de 5 francs (5 fois le prix standard) sont soumis à la concurrence.
Dès 2006, le monopole du Géant jaune ne devrait plus porter que sur les lettres jusqu’à 100 gr. Et la limite pour le coût devrait être abaissée de près de trois fois le prix standard (3 francs). Cette libéralisation concerne une lettre sur dix, soit une part de 17% du chiffre d’affaires de 2,23 milliards réalisé en 2004 dans ce secteur.
La prochaine étape sera vraisemblablement l’abaissement du monopole des lettres à 50 grammes, réclamé par les milieux économiques. Un sujet sur lequel la discussion sera inévitable ces prochaines années.
De fait, Economiesuisse a profité de la publication de cette étude pour réitérer sa demande d’ouverture intégrale du marché postal. «Seule une concurrence sans distorsions permettra d’abaisser enfin les prix surfaits issus du monopole de La Poste», souligne l’association faîtière des milieux économiques.
Les syndicats inquiets
De leur côté, les syndicats estiment que le rapport «est malheureusement avant tout un plaidoyer pour une libéralisation plus poussée», faisant l’impasse sur les conditions de travail et les hausses de prix.
Pour le syndicat Transfair, l’abaissement du monopole des lettres à 100 grammes constitue au contraire «l’extrême limite.» Toute ouverture supplémentaire mettrait en danger le service universel.
«De toute façon, les intérêts du consommateur sont mieux protégés dans le cadre d’un monopole», souligne de son côté l’Union syndicale suisse (USS). La fin du monopole signifie en effet la fin des contrôles étatiques, donc la hausse probable des coûts postaux.
Peu des risques pour la Poste
Reste que selon l’étude, et au vu de l’expérience européenne, la concurrence se développe très lentement dans ce domaine. Une preuve avec la Poste suédoise, dans un marché entièrement libéralisé depuis plus de 10 ans, qui transporte encore plus de 90% des envois.
En Suisse, l’étude estime que la concurrence devrait conquérir 5 à 10% du marché des lettres de plus de 100g, soit 0,5 à 1% de l’ensemble du segment du courrier. Elle ne dispose pas des nombreux atouts dont bénéficie le géant jaune.
Les concurrents de La Poste devront obtenir une concession si leur chiffre d’affaires dépasse 100 000 francs. Ils n’ont pas comme l’ex-régie, qui distribue plus de 500 envois par habitant par an, un réseau qui leur permet de réaliser d’importantes économies d’échelle.
Le géant jaune est en outre mieux connu de la population et a bonne réputation. De plus, il dispose de privilèges en tant que prestataire du service universel (exceptions à l’interdiction de circuler la nuit et le dimanche, formalités douanières simplifiées, pas d’impôt sur le bénéfice).
Selon l’étude, les sociétés spécialisées dans le transport de colis ou de journaux et disposant déjà d’une infrastructure se lanceront en premier lieu dans la course.
swisinfo et les agences
– L’ouverture totale du marché des colis en Suisse date de 2004.
– Le monopole sur les lettres devrait être assoupli à partir de janvier 2006.
– Selon une étude mandatée par le Département fédéral des transports de l’énergie et des communications (DETEC), la stimulation de la concurrence contribuerait à améliorer le service à la clientèle et à créer de nouveau postes de travail.
– De leur côté, les syndicats s’inquiètent et estime que toute ouverture supplémentaire mettrait en danger le service universel.
En conformité avec les normes du JTI
Plus: SWI swissinfo.ch certifiée par la Journalism Trust Initiative
Vous pouvez trouver un aperçu des conversations en cours avec nos journalistes ici. Rejoignez-nous !
Si vous souhaitez entamer une conversation sur un sujet abordé dans cet article ou si vous voulez signaler des erreurs factuelles, envoyez-nous un courriel à french@swissinfo.ch.