OMC: les prolongations arrangent la Suisse
Ultra-libéraux et modérés ne parviennent pas à se mettre d'accord sur le dossier agricole au sein de l'Organisation mondiale du commerce (OMC).
La prolongation des négociations arrange la Suisse. Qui défend les spécificités de son marché. Sans sacrifier ses paysans.
L’OMC ne parvient pas à faire l’unanimité dans ses rangs sur le dossier agricole. En effet, les 145 délégations réunies à Genève se sont quittées cette semaine sans être parvenues à un accord.
Certains champs de négociations demeurent pourtant exploitables. «Des progrès sont encore possibles dans les négociations lancées en novembre 2001 à Doha, si les gouvernements travaillent à surmonter leurs divergences», estime le directeur général de l’OMC, Supachai Panitchpakdi.
De nouvelles rencontres avant l’été
Comme le confirme Christophe Eggenschwiler, collaborateur de l’Office fédéral de l’agriculture (OFAG), «les prises de décision au sein de l’OMC découlent du consensus entre les parties. A elles d’entamer un processus de rapprochement permettant une décision lors de la Conférence ministérielle de Cancun en septembre».
Pour l’heure, des divergences trop marquées empêchent les parties de s’entendre sur le cadre général qui présidera à la négociation de l’accord.
Elles soulignent les carences du compromis présenté en février par Stuart Harbinson, le chef des négociations sur l’agriculture à l’OMC.
Dans ses grandes lignes, l’accord qui a servi de base de travail prévoyait que les pays développés diminuent leurs aides à l’exportation de biens agricoles de moitié dans les cinq ans suivant l’accord et le solde au terme de neuf ans.
Il prévoyait également une réduction de 60% des droits de douane les plus élevés et une réduction de 40% de ceux qui sont déjà relativement bas. Le soutien interne lié à la production devait pour sa part être réduit de 60%.
«Le projet proposé par Stuart Harbinson s’appuie trop sur les positions des pays du groupe de Cairns qui défendent les positions les plus libérales», explique Christophe Eggenschwiler. Sans pour autant signifier que la Suisse est hostile à un accord.
La Suisse prête à faire des concessions
En proposant un abaissement de 36% des droits de douane, la Suisse, souvent accusée d’avoir le secteur agricole le plus protégé du monde, a démontré qu’elle était prête à faire des concessions.
Concrètement, la Suisse souhaite que l’accord puisse intégrer des préoccupations écologiques, sociales ou davantage liées aux spécificités régionales dans des proportions plus importantes que le «projet Harbinson».
Il s’agit principalement des prestations «autres que d’ordre commercial» qui concernent le bien-être animal, les indications géographiques (appellations d’origine contrôlée: AOC), le développement rural et d’autres éléments similaires.
«La Suisse n’étaiera son offre qu’à la condition d’une meilleure prise en compte de ses spécificités agricoles», explique Christophe Eggenschwiler.
Six pays déterminés
Et la Suisse n’est pas seule à défendre ces prestations pourtant garanties par l’article 20 de l’accord OMC. Elle a trouvé ses alliés, notamment au sein du groupe des multifonctionnalistes (MF6), composé de l’Union européenne, du Japon, de la Norvège, de la Corée et de l’île Maurice.
A l’autre bout du spectre, on trouve les pays du groupe de Cairns. Les 17 pays exportateurs de produits agricoles qui le composent demandent aux pays développés une réduction de 45% de leurs subventions à l’exportation, de 55% du soutien aux produits agricoles et une réduction de 36% des droits de douane.
Ils voient dans les doléances du MF6 un refus marqué d’ouvrir davantage leur marché intérieur aux échanges de produits agricoles et une volonté délibérée de saper le cycle des négociations commerciales de Doha.
Le cycle de Doha menacé?
Une situation que la Banque mondiale pointe du doigt. L’instance internationale estimant qu’en période de ralentissement conjoncturel mondial, la réduction des subventions agricoles constituerait le meilleur moyen d’aider les pays en voie de développement.
Au-delà du simple chapitre agricole, ce nouvel échec remet en question l’ensemble du calendrier du cycle de négociations de Doha. Des chapitres comme la libéralisation des services postaux ou des transports maritime et aérien pourraient également prendre du retard.
Une situation dont la Suisse ne se formalise pas outre mesure puisqu’elle campe sur ses positions. «Nous ne sacrifierons pas le dossier agricole contre un autre secteur», conclut Christophe Eggenschwiler.
swissinfo, Jean-Didier Revoin
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