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Payot disparaît totalement de Zurich

Philippe Dutoit/RDB

L'offre de livres en français se réduit encore à Zurich. Orell Füssli, qui abritait l'enseigne Payot dans une librairie d'architecture et de design de la métropole alémanique, a drastiquement réduit l'assortiment et effacé le nom de la marque d'origine romande.

Abritée depuis 2005 chez Orell Füssli, groupe d’édition et de librairies alémaniques, la marque Payot est définitivement abandonnée à Zurich. Mardi matin, les nettoyeurs enlevaient toute trace du nom sur les façades du magasin, situé dans le Niederdorf, le quartier historique.

Les rayons ont également été réordonnés, l’assortiment modifié et axé sur des domaines suisses, et le tout a été inauguré mardi soir.

Si le nom «Payot bei Orell Füssli» disparaît, il reste un «coin» de livres français, réduit de deux tiers par rapport à l’assortiment précédent. «Notre cœur continue à être français», lâche l’enthousiaste – et un peu désolée – directrice de la filiale Salomé Mangles.

Une libraire a été licenciée et une autre déplacée vers le magasin du centre commercial Westside à Berne, qui continue à se nommer «Payot bei Orell Füssli». Il reste trois libraires.

Regrets, mais pas d’autre solution

Par la voix du directeur des filiales Giulio Pè, Orell Füssli regrette avoir dû prendre cette mesure: «Les synergies espérées entre les publics francophones et non francophones n’ont pas fonctionné», explique-t-il.

«Nous n’avions pas les ouvrages demandés, poursuit-il, et les touristes étaient une minorité, contrairement à ce que nous avions pensé initialement. De plus, la clientèle de l’ancienne librairie Payot, à la Bahnhofstrasse, n’a pas toujours suivi le déménagement.»

Pour le directeur général de Payot Pascal Vandenberghe, la disparition de la marque à Zurich – qui n’était déjà plus propriété du groupe romand – est «embêtante, car nous étions heureux de pouvoir garder une présence, mais compréhensible.»

Suisse alémanique «moins stratégique»

«Nous ne sommes pas des bibliothèques, nous ne sommes pas subventionnés et le marché est difficile, je compends bien Orell Füssli, ajoute le directeur. Et puis, pour nous, la Suisse alémanique est beaucoup moins stratégique qu’il y a vingt ans.»

Payot avait ainsi fermé son enseigne bâloise en 1995 et bernoise en 1997, avant d’y revenir, l’an dernier, également avec Orell Füssli, au centre commercial West Side. La gestion opérationnelle était confiée au groupe alémanique, mais, contrairement à Zurich, le mobilier est celui des Payot «classiques» de Suisse romande.

Population francophone en légère baisse

Le livre français à Zurich aura vécu d’innombrables soubresauts, indépendants de l’importance, en légère baisse, de la communauté francophone au bord de la Limmat. Selon les statistiques officielles, celle-ci compte 7700 francophones en ville et à peu près 10’000 autres sur le territoire cantonal.

Après le déménagement de Payot de la Bahnhofstrasse chez Orell Füssli en 2005, une petite librairie «Du côté de chez Swann», avait aussi fermé, de même qu’une librairie-galerie. Il reste encore Romanica, spécialisée en français, espagnol et italien, et qui travaille avec les enseignants.

Moins d’Alémaniques francophiles

«Je pense qu’il y a moins de francophones à Zurich, dit encore Pascal Vandenberghe, mais aussi que l’amour des Alémaniques pour le français a fortement reculé.» Un recul que confirme Sandrine Charlot Zinsli, co-responsable du site d’actualité culturelle francophone «auxartsetc.ch».

«La saison française de théâtre à Zurich a disparu et à Winterthour, le nombre de pièces à diminué de 5 à 3.» Les responsables d’Orell Füssli estiment que, depuis le déménagement de 2005, beaucoup de francophones achètent leurs livres quand ils vont en Suisse romande ou en France – ou sur internet.

Plus facile pour les étrangers à Genève?

Cette cliente, francophone, sortant de la librairie, se dit frappée de la difficulté de trouver des livres français à Zurich. «J’ai vécu près de Genève et il était plus facile de trouver des livres en allemand et en italien que des des ouvrages en français ici», dit-il.

Chez Literart Freihofer, à Genève, on confirme pouvoir compter sur une clientèle fidèle depuis 20 ans. «Notre but est de servir les germanophones de toute la Suisse romande», indique Anita Sahli.

Payot compte également des assortiments de livres en allemand, «mais le chiffre d’affaires de ce rayon est quatre à cinq fois plus faible que celui des livres anglais… De toute façon, on peut se demander quelle langue on parlera à Zurich dans dix ans, ce ne sera peut-être ni l’allemand ni le français…»

Zurich, Ariane Gigon, swissinfo.ch

La librairie Payot de la Bahnhofstrasse de Zurich avait fermé ses portes en 2005. Orell Füssli, groupe de librairies et d’édition alémanique, avait gardé le nom, qui n’était plus rattaché à Payot, sous la marque «Payot bei Orell Füssli».

Ce «faux Payot» était situé à l’étage d’un magasin Orell Füssli abritant aussi l’assortiment de livres d’architecture, de photos et de beaux-arts de Krauthammer, racheté par Orell Füssli.

Quatre ans après le déménagement, l’expérience est jugée non concluante. Orell Füssli décide de ne pas garder «Payot bei Orell Füssli». L’assortiment de livres français est réduit de deux tiers. A Zurich, au moins trois librairies francophones ont fermé leurs portes ces dernières années. Il reste «Romanica», qui vend aussi des ouvrages en espagnol et en italien.

Orell Füssli a en outre revu l’assortiment du magasin, situé dans le quartier historique du Niederdorf. Le rez-de-chaussée est désormais axé sur les livres consacrés à la Suisse. Originalité: les versions allemandes et francophones des auteurs suisses sont classées ensemble et non séparées selon la langue.

L’enseigne Payot est apparue en 1875, lorsque la librairie Imer de Lausanne s’attache les services d’un jeune collaborateur, Fritz Payot. Après Lausanne, différentes succursales sont ouvertes en Suisse romande. Montreux (1918), Vevey (1918), Genève (1919), Berne (1921) et Neuchâtel (1923).

En 1923, les éditions Payot à Paris deviennent autonomes. En 1986, Jean-Marc Payot décide de vendre la société au groupe Edipresse de la famille Lamunière.

En 1992, Hachette Distribution Service, filiale du groupe Lagardère Média, entre majoritairement dans le capital de Payot. La société devient «Payot Libraire». La branche édition continue, mais de manière autonome. (Source: site internet de Payot).

Avec la disparition de «Payot bei Orell Füssli» à Zurich, il reste 12 librairies en Suisse, dont celle d’Orell Füssli à Berne.

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