Rolf Kesselring: En avoir ou pas…
«Cartes postales» de créateurs suisses expatriés... Rolf Kesselring, écrivain, ancien éditeur, nous adresse son courrier de la région de Nîmes.
Depuis la nuit des temps, il y en a qui en ont et d’autres qui n’en ont pas. Hemingway, lorsqu’il intitula son bouquin de cette expression triviale ne savait pas encore tout le sel que prendrait celle-ci avec le temps.
Tenez, depuis quelques temps, la santé est devenue un problème crucial, immédiat, absolu. Vous me direz qu’avec tout ce que clament le corps médical et les scientifiques à propos des cancers qui nous guettent, du retour de la tuberculose, sans parler du choléra et de la peste qui guettent quelque part, il ne nous reste qu’à nous asseoir le cul par terre et à attendre notre fin. Et dire qu’on songeait déjà à l’immortalité!
Mort imminente annoncée
Il ne se passe pas un matin sans qu’on nous annonce une catastrophe meurtrière. La mort nous guette partout, dans l’escalier, dans les cabinets, au bistrot, dans la cuisine, à l’école ou même à l’hôpital. Il y a le sida, l’encéphalite spongiforme, les pesticides, les eaux troubles et empoissonnée, de l’autre, des terroristes meurtriers qui cherchent à nous descendre par tous les moyens possibles.
Tous veulent notre peau… Et je ne parle pas du chocolat ou de la fondue. Il paraît, selon mon plombier, qu’ils ne sont pas nets non plus. Bref, c’est l’enfer! On ne vit que pour mourir. Inévitablement! Fatalement!
Le sel de la vie
Aux dernières nouvelles, il paraît que l’assassin qui nous traque, c’est le sel. Il y en aurait beaucoup trop dans les plats cuisinés, trop dans l’alimentation industrielle, trop dans ma soupe, trop dans notre vie. Des gens autorisés, les mêmes qui nous angoissaient le mois précédent avec le diabète (donc avec le trop-plein de sucre dans notre sang), nous avertissent qu’une fois de plus, nous sommes en danger de mort à cause de lui.
Le sel! Les hommes se sont battus pour lui. C’était une richesse. Il donnait du relief à notre vie et voilà qu’on nous révèle qu’il fiche en l’air notre tension artérielle et provoque des problèmes de circulation sanguine. En tout cas, c’est ce que disent les inquiéteurs patentés des systèmes de santé de nos pays trop riches, trop bien nourris. Il paraît que la note risque d’être… très salée.
Avoir de l’espoir ou pas?
Candide, je venais de découvrir le livre de Pierre Lazlo («Chemins et Savoir du sel», Editions Hachette). Avec ce bouquin, j’avais jubilé sur l’histoire et l’aventure du sel. Grâce à lui, je venais de découvrir que ces petits cristaux insignifiants étaient un des fondements de notre culture planétaire.
Sans le sel, moins de vie, moins d’intelligence, moins de saveurs. Perdu dans sa passion saline, Lazlo m’avait fait voyager des vieux traités alchimistes à nos modernes laboratoires de chimie. Avec lui, j’avais arpenté toutes les routes du sel…
Le sel de la mort
Le coup fut terrible! Ils me descendaient au beau milieu de mon imaginaire salin. Avec leurs bulletins de santé, ils parvenaient à m’empoisonner les neurones. Ils me racontaient une histoire à mourir debout. Puis, peu à peu l’humour et l’espoir revinrent.
Je venais de songer que, si nous, en Occident, nous mettions trop de sel dans notre abondante nourriture, il existait des pays – en Afrique par exemple – où les humains possédaient du sel à profusion, mais pas d’aliments pour le mettre dedans. Alors, je me suis dit que ceux-là, au moins, ne risquaient rien… sinon de mourir de faim.
Rolf Kesselring
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