Secret bancaire: décision de Berne imminente?
C'est en principe vendredi que le gouvernement devrait esquisser les mesures qu'il entend prendre pour «polir» l'image de la Suisse en ce qui concerne le secret bancaire. Vu l'intensité des pressions internationales, on ne peut exclure une décision spectaculaire.
Ce ne serait pas la première fois que la Suisse modifie profondément son ordre juridique en la matière suite à des pressions de l’étranger.
Historiquement, le premier assouplissement du secret bancaire suisse en matière fiscale il y a 32 ans est d’ailleurs le résultat d’une requête insistante… des Etats-Unis. L’histoire visiblement se répète.
En l’occurrence, la question est de savoir si Berne frappera un grand coup en prenant une ou plusieurs décisions audacieuses pour impressionner et si possible désarçonner les critiques de la Suisse. Ou si elle se contentera de demi-mesures sous forme de promesses, de programmes ou d’offres de négociations.
Entraide judiciaire
Concrètement, la discussion devrait notamment porter sur l’extension à tous les délits fiscaux de l’entraide judiciaire que la Suisse est prête à accorder aux autorités étrangères qui soupçonnent un contribuable de cacher des avoirs ou des revenus dans ses banques.
Cela entraînerait la levée du secret bancaire (et donc la livraison de données personnelles) non seulement, comme c’est déjà possible aujourd’hui, en cas de soupçon d’escroquerie fiscale: le contribuable fournit des documents faux, falsifiés ou inexacts. Mais également en cas de soupçon de soustraction fiscale: le contribuable oublie – ou ‘oublie’… – (soustraction ‘par négligence’ ou ‘intentionnelle’) de déclarer certains éléments de sa richesse.
Techniquement, une telle mesure serait relativement simple à mettre en œuvre. Il suffirait de modifier un seul paragraphe d’une loi fédérale, celle sur l’entraide internationale en matière pénale.
Actuellement, l’article 3 de cette loi stipule que la demande d’entraide est irrecevable si elle vise «un acte qui paraît tendre à diminuer des recettes fiscales». Dans la phrase suivante, on précise qu’il peut néanmoins être donné suite à une demande lorsque la procédure vise une escroquerie fiscale. Il s’agirait donc de supprimer dans cet article toute mention d’irrecevabilité des demandes dans le domaine fiscal.
Pour le contribuable suisse, la distinction resterait pleinement valable. La soustraction fiscale – contrairement à l’escroquerie – continuerait à ne PAS être considérée comme un délit pénal. Elle resterait donc passible uniquement de peines d’amende et la levée du secret bancaire resterait interdite.
Evidemment, le risque que des citoyens réclament un référendum sur cette réforme ne serait pas exclu. Mais la mesure aurait l’avantage d’être claire et elle donnerait à la Suisse une nouvelle légitimité juridique et morale.
Cela lui permettrait de se battre avec plus d’efficacité contre le système de l’échange «automatique» d’informations entre autorités fiscales, réclamé notamment par l’Union européenne. Mais aussi contre les velléités de certains (G20) de mettre la Suisse sur des listes noires de pays «non-coopératifs» en matière fiscale.
A quel rythme?
A voir maintenant si, politiquement, le Conseil fédéral est prêt à aller si loin du premier coup. Ou s’il préfèrera agir «graduellement». En proposant par exemple la levée du secret bancaire uniquement en cas de soustraction fiscale «grave», notion qui resterait à définir.
Mais plusieurs experts – notamment Peter Kunz, professeur de droit commercial à l’Université de Berne et spécialiste des Etats-Unis – sont d’avis que des réformes partielles de ce type «n’impressionneraient guère les critiques de la Suisse».
Même la ministre suisse de la Justice, Eveline Widmer-Schlumpf, reconnaît d’ailleurs que la distinction entre soustraction et fraude fiscale est très difficile à gérer en pratique. C’est ce qu’elle a déclaré dimanche au journal NZZ am Sonntag.
Pour sa part, le Tribunal administratif fédéral a souligné la semaine dernière qu’à l’étranger, on avait «bien de la peine à comprendre cette distinction» et qu’il appartenait au Parlement de procéder aux éventuelles modifications qui s’imposent…
swissinfo, Michel Walter
Après le Liechtenstein, Andorre s’engage sur la voie d’un assouplissement de son secret bancaire. Le gouvernement de la principauté va proposer d’ici novembre une législation prévoyant l’échange d’informations dans les cas de fraude fiscale.
La mesure annoncée jeudi s’inscrit dans le cadre de la politique andorrane visant à faire sortir le petit pays de la liste des paradis fiscaux de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), sur laquelle il figure en compagnie du Liechtenstein et de Monaco.
Jeudi aussi, le Liechtenstein a fait connaître sa disposition à conclure des accords de coopération bilatéraux pour accroître la transparence et l’échanges d’informations dans les cas de fraude fiscale. Sans pour autant abandonner purement et simplement le secret bancaire.
Troisième pays à lâcher du lest, la Belgique va dès l’année prochaine échanger des informations pour tout ce qui concerne la fiscalité de l’épargne.
Années 30: les Etats-Unis se plaignent du fait qu’en raison notamment de son secret bancaire, la Suisse ne collaborerait pas suffisamment avec Washington en matière de lutte contre la mafia.
1977: en violation flagrante de ses lois et de sa doctrine «jamais d’entraide judiciaire en matière fiscale», la Suisse doit accepter la levée du secret bancaire – c’est une première – chaque fois que les Etats-Unis supposent qu’une personne «soupçonnée d’appartenir à l’échelon supérieur d’un groupe de criminels organisés» n’a pas déclaré au fisc américain des revenus déposés en Suisse.
1983: le Parlement suisse assouplit, cette fois pour le monde entier, ce que Berne appelle alors «le privilège consenti en matière de délits fiscaux». Il introduit la possibilité d’accorder à une autorité étrangère l’entraide judiciaire (et donc la levée du secret bancaire) en cas d’escroquerie fiscale – mais pas en cas de soustraction (‘évasion’).
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