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Swiss adopte la tactique du salami

Les réductions de personnel affecteront les pilotes de l’ancienne Crossair. Keystone

La nouvelle compagnie aérienne réduit sa flotte, son réseau et ses effectifs. 300 postes seront supprimés, dont 140 chez les pilotes.

Les analystes estiment déjà que cela ne suffira pas et les syndicats dénoncent cette «tactique du salami.»

Pour Urs Eicher, co-président du syndicat du personnel de cabine Kapers, la cause est entendue. Si la direction de Swiss renonce pour l’heure à des mesures plus sévères – qui seraient économiquement réalistes -, c’est uniquement pour des raisons de bienséance politique.

Le syndicat se demande avec angoisse si ce programme d’économies n’est pas simplement «la première tranche d’une tactique du salami.»

L’image rejoint celle utilisée par Christoph Bohli, analyste à la Banque Sarasin. Pour lui, la direction de Swiss, au lieu de mettre une fois pour toutes de l’ordre dans la maison, «choisit de réduire la voilure progressivement, tranche par tranche.»

Moins de pilotes, moins d’avions

Dans les faits, Swiss affiche au troisième trimestre 2002 une perte de 135 millions de francs. Depuis son décollage, la nouvelle compagnie a déjà perdu 582 millions, pour un chiffre d’affaires d’un peu plus de 3 milliards.

Cette perte est certes moins importante (de 300 millions) que ce que prévoyait le business plan, mais la compagnie doit absolument économiser 400 millions si elle veut voir ses chiffres s’inscrire en noir l’année prochaine.

Parallèlement, Swiss réduit également sa flotte (de huit appareils sur 133) et va renoncer à certaines destinations clairement peu rentables. Lesquelles? On ne le saura que l’année prochaine, à l’entrée en vigueur du nouvel horaire.

Cela ne suffira pas

Ce redimensionnement sera-t-il suffisant pour assurer la survie de la compagnie? Rejoignant les craintes des syndicats, analystes financiers et observateurs du secteur aérien qui se sont exprimés mardi sont unanimes: c’est non.

«Les mesures prises me paraissent bien timides, elles ne seront pas suffisantes», affirme Pierre Condom, directeur de la revue Interavia.

Un avis repris comme en écho par Sepp Moser, journaliste spécialisé dans l’aviation. Pour lui, si Swiss veut encore exister dans cinq ans, la compagnie devra être «beaucoup plus petite qu’aujourd’hui, surtout dans le secteur des vols long courrier.»

Encore trop d’avions

A peine moins catégorique, François Savary, analyste financier indépendant, salue la réaction de la compagnie, qui accepte de se redimensionner, mais se dit persuadé que d’autres mesures de restructuration seront nécessaires.

«Une étude réalisée il y a deux ans et demi, du temps de l’ancienne Swissair, concluait déjà que la compagnie aurait dû abandonner les deux tiers de sa flotte», rappelle Sepp Moser.

Une flotte qui est actuellement la quatrième plus grande d’Europe, après celles de British Airways, de Lufthansa et d’Air France. La petite Suisse continuerait-elle d’avoir les yeux plus gros que le ventre?

Pour Christoph Bohli, la nouvelle compagnie n’a pas encore réussi à se défaire de la culture un peu mégalomane de l’ancienne. Et n’a pas vraiment réalisé que le secteur aérien est en pleine crise.

Rien que pour cette année, l’Association internationale du transport aérien (IATA) prévoit des pertes globales de 5 à 7 milliards de dollars au niveau mondial.

Une alliance à trouver

«C’est une simple réalité arithmétique, explique Christoph Bohli. Swiss aurait besoin de plus de passagers, qui payent leur ticket plus cher. Or avec la concurrence et le succès des compagnies à bas prix, cela est tout simplement impossible.»

L’avenir de Swiss passe donc par une alliance. De préférence avec Oneworld, dont les poids lourds sont American Airlines et British Airways.

Mais pour entrer dans la famille, la compagnie helvétique devra encore réduire sa voilure. «Actuellement, British Airways considère Swiss davantage comme un concurrent que comme un partenaire», rappelle Pierre Condom.

Trois compagnies pour toute l’Europe

A plus long terme, le directeur d’Interavia ne voit guère plus de trois compagnies aériennes survivre en Europe. Après le temps des alliances viendra celui des fusions, que la législation de l’Union européenne devrait autoriser d’ici quelques années.

«D’ici 25 ou 30 ans, on pourrait bien n’avoir plus que trois méga-compagnies, issues de British Airways, de Lufthansa et d’Air France, prédit Pierre Condom. Croire aujourd’hui en un pôle de transport aérien basé en Suisse est une utopie totale. C’est même du domaine de l’absurde.»

La Suisse n’en a pas moins sa carte à jouer dans l’élaboration de ce futur paysage aéronautique européen.

«Si Swiss réussit son coup, elle deviendra un partenaire de valeur, puis un actionnaire de poids dans une de ces futures compagnies» explique Pierre Condom.

Et de conclure par cet avertissement: «Si par contre elle se casse la figure, le transport aérien en Suisse ne dépendra plus que du bon vouloir des compagnies survivantes et des lois du marché.»

swissinfo

Swiss, la compagnie issue des anciennes Swissair et Crossair, a perdu 582 millions de francs depuis son démarrage au mois d’avril
La compagnie veut économiser 400 millions l’année prochaine
Elle supprime 140 postes de pilote et 160 postes au sol et en cabine
Elle réduit sa flotte de huit appareils sur 133
Les analystes estiment que d’autres réductions de voilure seront indispensables

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