Swiss casse ses tarifs en Europe
La compagnie aérienne lance une offensive face aux compagnies à bas prix, avec des tarifs plus transparents et la fin des repas gratuits en classe économique.
Swiss s’est refusée à confirmer une éventuelle avancée des discussions avec British Airways.
Barcelone, Hambourg ou Berlin pour 49 francs, aller simple et taxes non comprises: la compagnie aérienne Swiss a décidé de casser ses prix sur 41 destinations européennes.
Ces tarifs planchers ne sont toutefois disponibles qu’à certaines conditions: pour les obtenir, il faut avoir réservé suffisamment à l’avance et ne pas être trop exigeant quant aux heures et aux dates de vol.
Autre nouveauté de ce remaniement tarifaire: la transparence fournie par la compagnie. Un nouveau programme de réservation sur Internet permet en effet au voyageur de rechercher son ticket selon ses critères de choix (prix, date ou classe).
Il peut ainsi voir les différences de prix d’un jour à l’autre, d’une classe à l’autre. Jusqu’à sept prix différents sont comptabilisés en classe économique et quatre en classe affaires.
Un changement de tactique
Après avoir pratiqué une politique des petits prix lors de son lancement en avril 2002, pour attirer la clientèle, la compagnie avait annoncé en septembre 2002 qu’elle relèverait ses tarifs.
Un an plus tard, dotée d’un nouveau plan financier et en pleine restructuration, Swiss change son fusil d’épaule pour lutter contre les compagnies à bas coûts, ou «low cost carriers» (LCC) qui «nous prennent des parts de marché quotidiennement en Europe», a déclaré Bill Meaney, directeur commercial.
«En Angleterre, les LCC occupent déjà près de 40% des vols européens et, entre Genève et Londres, 20% des vols sont assurés par les LCC», ajoute Bill Meaney.
Récupérer les voyageurs «business»
Le directeur admet que Swiss, comme les autres compagnies traditionnelles, a sous-estimé les compagnies à bas côuts.
«Les compagnies ont toujours dit qu’elles ne craignaient rien, que les LCC correspondaient à un autre marché, que leurs passagers n’étaient pas nos passagers. Aujourd’hui nous savons que c’était une erreur», a-t-il déclaré à swissinfo.
Swiss espère aussi récupérer des passagers qui ont abandonné la classe business. «Si les nouveaux tarifs leur donne plus de souplesse, pour un prix quelque peu plus bas, les voyageurs reviennnent vers la classe affaires, selon nos recherches», assure Bill Meaney.
Et si cela ne marche pas? «La classe affaires pourrait disparaître, de même que la première classe a déjà été supprimée, en Europe.»
Une tendance globale
Pour réussir en baissant les tarifs, Swiss vise une diminution de 20% des coûts, notamment grâce aux diminutions de personnel, à la réservation sur Internet et à la disparition du service gratuit à bord en classe économique.
A la place, boissons, sandwiches et petites collations à la carte seront proposées contre paiement. Swiss prévoit de proposer des plats chauds en hiver.
Durant le premier mois de ce nouveau service, soit jusqu’à fin septembre, les en-cas et les boissons seront offerts.
Le service à bord des avions est en plein bouleversement dans le monde entier. En Europe, la fin de la gratuité est la tendance dominante.
Si les repas n’ont jamais été payants à bord des avions, l’alcool a en revanche longtemps été monnayé. Swissair ne l’avait offert gratuitement qu’à partir de la fin des années 80.
Depuis les attentats du 11 septembre, les Américains ont instauré un changement radical et ont supprimé tout service pour les vols jusqu’à quatre heures.
Pas de service du tout
Chez Swiss, ce sera le cas pour les vols jusqu’à 70 minutes. Il faudra faire ses emplettes avant le départ si l’on veut se sustenter à bord.
Mais Swiss veut garder son étiquette de Premium Airline. En classe «business», qui se veut «haut de gamme», le service restera identique à ce qu’il est aujourd’hui. Le programme de fidélisation Frequent Flyer reste valable pour tous les voyageurs.
D’une manière globale, les coûts pour le trafic européen resteront plus élevés que ceux des LCC. Le personnel sera plus nombreux que sur les vols de ces compagnies.
100 millions escomptés
«Surtout, contrairement aux LCC, nous ne choisissons pas des aéroports éloignés des villes», a vanté Martin Isler, directeur de la stratégie et du réseau.
«Nous offrons en outre plusieurs vols par jour, a poursuivi le responsable, de même que l’accès à un réseau de destinations dont ne disposent pas les compagnies à bas coûts».
Le changement doit générer de nouvelles recettes de l’ordre de 40 millions de francs en 2004, à ajouter à une réduction des coûts de l’ordre de 60 à 70 millions, soit un effet total de 100 millions espéré en 2004.
Nouvelle charge de travail pour le personnel
Le syndicat du personnel de cabine accepte le changement avec quelque réticence: «C’est un changement total dans la façon de travailler et cela avec moins d’employés», a déclaré à swissinfo Urs Eicher, président de Kapers.
«Si Swiss veut rester une Premium Airline, elle ne doit pas perdre de vue la charge de travail de son personnel à bord», met en garde le syndicaliste.
Il est pour pour l’heure difficile de dire combien d’employés de cabine seront concernés, car la restructuration en cours prévoit de toute façon le licenciement de 935 emplois en cabine, sur l’ensemble du réseau.
«En moyenne, sur les long-courriers, les effectifs seront réduits jusqu’à 20% de ce qu’ils sont actuellement et, en Europe, jusqu’à 25-30%», estime Kurt Eicher.
Rien de nouveau sur une alliance
Spécialiste d’aviation, le journaliste Sepp Moser juge la stratégie de Swiss dangereuse: «Imaginez un traiteur haut de gamme qui aurait en même temps un rayon type supermarché, critique-t-il. Cela tue la marque!»
Selon Sepp Moser, il est en outre déjà prévu de supprimer la classe d’affaires sur les avions à 50 places, les Saab 2000 ou les Embraer.
Les responsables de la compagnie présents jeudi à Zurich n’ont pas voulu s’exprimer sur les derniers développements en cours à propos d’une adhésion de Swiss à une alliance.
«Notre nouveau concept européen n’a rien à voir avec ces discussions, s’est borné à dire Bill Meaney. Swiss se devait de régler ce problème toute seule.»
swissinfo, Ariane Gigon Bormann, Zurich
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