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Thomas Jordan, ennemi juré de l’inflation

Thomas Jordan, nouveau président de la BNS Reuters

Le gouvernement a nommé Thomas Jordan à la présidence de la Banque nationale suisse (BNS). Expérimenté, discret, il assumait déjà ce rôle ad interim depuis le départ au début de l'année de Philipp Hildebrand, tombé pour une affaire de transactions de devises douteuses.

Mercredi, le Conseil fédéral a également appelé à la direction de la BNS le chef de l’Administration fédérale des finances, Fritz Zurbrügg. Ce dernier vient compléter le triumvirat à la tête de la banque centrale, également composé de Jean-Pierre Danthine. Ce dernier sera vice-président de l’institut.

Le Conseil de banque, organe de surveillance de l’institution, sera quant à lui dirigé par Jean Studer, qui quittera pour l’occasion le siège qu’il occupe actuellement au gouvernement du canton de Neuchâtel.

Le nouveau président du directoire de la BNS est âgé de 48 ans. Il est connu pour son côté tranquille, mais également comme un ennemi juré de l’inflation et un connaisseur critique de l’union monétaire européenne.

Sous beaucoup d’aspects, Thomas Jordan diffère de Philipp Hildebrand. L’homme est plutôt professoral, posé jusqu’à être lent, soucieux des détails et méticuleux. Par rapport à son prédécesseur, il agit «plutôt de manière agréablement sobre et discrète, mais très déterminée», décrivait il y a quelques semaines le quotidien Basler Zeitung.

Au-delà du style différent, l’objectif des deux hommes reste le même: la défense du cours plancher de 1,20 franc pour un euro, instauré en septembre 2011. C’est ce que Thomas Jordan avait déjà affirmé aux journalistes en janvier quelques jours seulement après que le gouvernement l’eut nommé président ad interim. Il a répété mercredi qu’aucun changement de cap n’était à prévoir.

Pour mémoire, le gouvernement l’avait nommé à ce poste le 9 janvier, suite au retrait forcé de Philipp Hildebrand. Ce dernier était tombé à cause de transactions de devises effectuées par son épouse très peu de temps avant des décisions de politique monétaire de la BNS, ce qui avait alimenté un soupçon de délit d’initié.

Cette affaire avait également éclaboussé l’actuel président du Conseil de banque, Hansueli Raggenbass, qui avait renoncé à se représenter.

Blanc comme neige

Le scandale a également contraint la BNS à passer à la loupe les transactions personnelles de ses membres et à durcir ses règlements internes (voir ci-contre). Le 7 mars dernier, le Conseil de banque faisait savoir que ces vérifications avaient démontré que Thomas Jordan n’avait rien à se reprocher. La voie était dès lors libre vers sa nomination définitive.

Au grand soulagement de l’économie suisse, inquiète à cause de la force du franc. Les milieux industriels avaient manifesté jusque là une certaine impatiente face à la lenteur de la procédure du gouvernement.

Pour l’économie, le retrait de Philipp Hildebrand n’arrivait pas au bon moment, d’autant plus qu’elle considérait que celui-ci avait mené une politique monétaire crédible et couronnée de succès.

La fin de la vacance à la présidence supprime donc un facteur d’incertitude. Par ailleurs, ce n’est qu’en qualité de président définitivement nommé que Thomas Jordan peut participer aux rencontres internationales. Une présence d’autant plus importante lorsqu’il s’agit du sauvetage de l’euro ou d’une plus forte réglementation des marchés financiers.

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Une politique «pas liée à une personne»

La place financière suisse est plutôt favorable à une monnaie forte et stable et à une inflation faible. Les milieux industriels préfèrent en revanche un franc un peu plus faible et quelques pourcents d’inflation à une diminution de leur activité.

Le prédécesseur de Thomas Jordan avait très clairement mis la priorité sur le taux de change. Mais se maintenir au-dessus de la barre de 1,20 franc pour 1 euro comporte aussi des risques élevés d’inflation.

Lorsque Thomas Jordan avait repris la présidence de la BNS ad interim, en janvier, il avait déclaré à la Neue Zürcher Zeitung que la politique monétaire de la Banque nationale n’était pas «liée à une personne» mais bien plus «déterminée par le mandat que le Parlement a donné à la Banque nationale».

La BNS tire les conséquences de l’affaire Hildebrand. Elle a annoncé mercredi 18 avril un durcissement des règles pour les opérations financières passées à titre privé par ses collaborateurs.

Déjà prise en début d’année, la mesure concernant l’obligation de soumettre à autorisation toute opération sur devises supérieure à 20’000 francs a été intégrée définitivement.

Le délai minimal de conservation des placements a également été prolongé.

Les transactions liées à des produits dérivés ou structurés, dont la valeur est déterminée essentiellement par l’évolution des cours de change et des taux d’intérêt, sont en général interdites.

Des restrictions supplémentaires sont prévues pour certaines catégories d’employés ayant accès à des informations privilégiées.

La Banque nationale avait déjà mis sous toit en mars un nouveau règlement sur les opérations en nom propre des membres de la direction. Le texte entrera en vigueur le 1er mai.

La BNS a en outre mis sur pied un service de surveillance autonome (« compliance »), qui permettra aux employés d’annoncer des irrégularités et des infractions.

Source: ATS

Né en 1963, Thomas J. Jordan étudie l’économie publique et d’entreprise à l’université de Berne.

En 1993, il achève ses études avec un doctorat portant sur les avantages et les inconvénients de l’union monétaire européenne.

Après avoir publié sa thèse d’habilitation à Harvard, il est nommé privat-docent de l’université de Berne en 1998, puis professeur honoraire en 2003.

Parallèlement, il entre à la Banque nationale suisse en 1997 comme conseiller scientifique. En 1999, il devient vice-directeur et assume des responsabilités auprès de l’unité d’organisation (UO) «Etudes économiques». En 2002, il devient chef de l’UO Recherche.

En 2004, le gouvernement le nomme membre suppléant de la Direction générale, une fonction liée à celle de responsable des marchés financiers. Il gravit encore des échelons en devenant membre du directoire en 2007 et vice-président de la BNS en 2010.

Thomas Jordan est marié et père de deux fils.

Source: BNS

(Traduction de l’allemand: Olivier Pauchard)

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