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Überlingen: la Suisse fait son «mea culpa»

De g. à dr, Jean Overney, Alexander von Ziegler et Moritz Leuenberger, à l'heure des explications et des excuses. Keystone

Après la publication du rapport d’enquête allemand sur la catastrophe aérienne d’Überlingen, le gouvernement suisse et la société Skyguide admettent leurs fautes et présentent leurs excuses.

Le rapport est sévère pour les contrôleurs aériens suisses, mais attribue également une responsabilité aux pilotes russes.

Dans une lettre au président russe Vladimir Poutine, le président de la Confédération Joseph Deiss présente les excuses du gouvernement et «réitère l’expression de ses vifs regrets». Il promet que la Suisse établira les responsabilités et en tirera les conséquences, «y compris pénales».

«Cet accident a marqué les relations entre la Suisse et la Russie. Le Conseil fédéral (gouvernement) veut tout mettre en oeuvre pour qu’il ne porte pas préjudice à l’amitié entre les deux peuples», poursuit la lettre.

La publication de ce rapport a ravivé le souvenir de la catastrophe, note Moritz Leuenberger, qui a aussi remercié les Allemands pour le travail fourni immédiatement après le crash et par la suite.

Concernant le dédommagement des familles des victimes, le ministre des transports assure que la Suisse fait «tout pour qu’elles soient indemnisées complètement et généreusement».

Pas encore réglé



Jusqu’ici, un accord extrajudiciaire a été trouvé avec douze familles russes et la famille d’un pilote de l’avion de DHL dans le cadre du fonds commun créé en 2003 par la Suisse, l’Allemagne et la société de contrôle aérien Skyguide.

Le Conseil fédéral espère qu’avec la publication du rapport du Bureau allemand d’enquête sur les accidents aériens (BFU), les négociations avec les autres familles aboutiront sans tarder à une solution satisfaisante.

Alexander von Ziegler, l’avocat en charge du fonds commun, précise que le montant des indemnités ne sera pas rendu public. Un certain nombre de familles veulent tenter leur chance devant des tribunaux étrangers, dans l’espoir d’obtenir des indemnisations plus importantes.

Les compagnies aériennes impliquées ont aussi été sollicités pour participer au fonds, sans succès jusqu’ici, explique Alexander von Ziegler. Le rapport du BFU pourrait toutefois constituer une «bonne base» pour la suite des négociations avec elles.

Sécurité renforcée



Moritz Leuenberger rappelle en outre que des mesures ont été prises en Suisse après l’accident pour améliorer la sécurité du trafic aérien. Sa gestion est en train d’être réorganisée à tous les niveaux.

Pour sa part, le directeur du Bureau d’enquête sur les accidents d’aviation (BEAA) Jean Overney relève la «bonne collaboration» avec les enquêteurs allemands. Pour ce qui est des causes de la catastrophe, le BEAA diverge toutefois du BFU sur un point.

Bien qu’ils ne contestent pas le rôle de Skyguide dans l’accident, les experts suisses estiment aussi que celui-ci aurait pu être évité si l’équipage russe n’était pas descendu en-dessous du seuil indiqué par l’aiguilleur du ciel.

Le BEAA souhaite que cet élément soit mentionné dans le rapport du BFU pour que les tribunaux chargés de se prononcer sur les responsabilités en aient connaissance.

Les excuses de Skyguide



Skyguide, de son côté assume la pleine responsabilité de ses erreurs dans la catastrophe. «Dans la nuit du 1er juillet 2002, nous n’avons pas rempli notre tâche», admet le président du conseil d’administration de la société Franz Kellerhals.

«Nous acceptons la responsabilité que nous attribue le rapport d’enquête et nous demandons aux familles des victimes de nous pardonner», ajoute Alain Rossier. C’est la première fois que le directeur de Skyguide demande officiellement pardon.

La société de contrôle aérien a mis en oeuvre les dix recommandations en matière de sécurité qui lui ont été faites par le BFU. Certaines mesures ont été introduites juste après l’accident, sur l’initiative de Skyguide, d’autres sont encore en cours d’application.

Ainsi, deux contrôleurs aériens surveillent désormais les secteurs de survol pendant la nuit autour de Kloten. Et un troisième homme est responsable des approches sur les deux aéroports régionaux de Friedrichshafen (D) et St-Gall/Altenrein.

Le soir du crash en effet, un avion se dirigeant vers la piste de Friedrichshafen avait longuement retenu l’attention de l’unique contrôleur en activité dans la tour de contrôle zurichoise.

La leçon a servi

Le conseil d’administration assure qu’il maintient sa confiance au directeur de Skyguide. «Cette crise a montré que la direction est solide et qu’elle a su, dès l’entrée en fonction de M. Rossier en mars 2001, prendre les bonnes mesures», explique le président du conseil.

De son côté, Alain Rossier affirme que la leçon a servi. «Nous avons maintenant l’expérience nécessaire pour que ce genre de drame n’arrive plus», assure le directeur de Skyguide.

Des propos qui semblent convenir à Konstantine Pribyktov, correspondant de l’agence de presse Itar-Tass à Genève, contacté par swissinfo.

Le journaliste russe salue les excuses présentées par Skyguide, mais juge la lettre de Joseph Deiss à Vladimir Poutine nettement plus importante.

«Le fait que ces excuses soient présentées après la publication du rapport d’enquête donne une impression d’excuses forcées», regrette toutefois Konstantine Pribyktov.

swissinfo et les agences

– Le 1er juillet 2002 à 23h35, au-dessus d’Ueberlingen (D), près du lac de Constance, un Tupolev 154 de la compagnie aérienne Bashkirian Airlines entre en collision avec un Boeing 757 de DHL Express.

– A bord de l’avion russe se trouvaient 12 membres d’équipage et 57 passagers dont 45 enfants et adolescents. L’avion-cargo était occupé par deux pilotes. Ces 71 personnes ont péri dans la catastrophe.

– Très vite, la société de contrôle aérien suisse Skyguide, en charge du secteur où s’est produit l’accident, est incriminée.

– Le Bureau allemand d’enquête sur les accidents aériens (BFU) indique que, la nuit de l’accident, chez Skyguide, le système de traitement des données radar était en révision, que la ligne de téléphone principale était déconnectée en raison de travaux sur le réseau, et que le système d’alarme en cas de risque de collision ne fonctionnait que par intermittence, en raison de travaux de maintenance.

– L’analyse des enregistrements vocaux montre en outre que les instructions données par Skyguide au pilote du Tupolev contredisent celles fournies par son système d’alarme en cas de risque de collision (TCAS).

– Le 27 juin 2003, la Suisse, l’Allemagne et Skyguide créent un fonds d’indemnisation en faveur des proches des victimes. La Suisse et l’Allemagne y contribuent à raison de 13,5 millions de francs chacune.

– Le 26 février 2004, un ingénieur russe de 48 ans ayant perdu ses deux enfants et sa femme dans la catastrophe est arrêté à Zurich. Il est soupçonné d’avoir poignardé à mort quelques jours auparavant le contrôleur aérien qui était de service le soir du drame. Il livre des aveux partiels.

– Ce mercredi 19 mai 2004 paraît le rapport des enquêteurs allemands. Parallèlement, le gouvernement suisse et Skyguide donnent une conférence de presse, admettent leurs responsabilités et présentent leurs excuses.

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