Un trou… dans l’exportation de l’Emmental
Exception faite de l'Emmental dont l'exportation a chuté depuis le début de l'année, les fromages suisses sont toujours plus appréciés à l'étranger.
Le numéro un des fromages nationaux est victime de la libéralisation du secteur agricole et de la concurrence étrangère.
L’Emmental a-t-il désormais moins de goût à l’étranger? On pourrait le croire au vu des statistiques présentées ces derniers jours par l’Organisation du fromage suisse (KOS). Celle-ci regroupe les principales fromageries suisses.
Les ventes d’Emmental avaient déjà subi une légère baisse en 2005. Durant la première moitié de cette année, les exportations de ce produit ont chuté de 14,5%.
Cette forte baisse contraste avec l’évolution du marché étranger: les ventes des autres fromages suisses ont en fait augmenté de plus de 10% durant la même période.
Un symbole connu à l’étranger
Cette donnée n’est pas passée inaperçue. C’est que le fromage à trous est important pour le monde agricole suisse. L’Emmental est nettement en tête du classement de la production et de l’exportation des fromages helvétiques. Avec 200 millions de francs, il absorbe près de la moitié des ventes des produits laitiers suisses à l’étranger.
L’Emmental est aussi le produit agricole suisse le plus vendu dans le monde. Ses trous typiques sont, depuis des décennies, un des symboles rouges à croix blanche les plus connus à l’étranger.
«La baisse des exportations n’est pas due à un désintérêt de la part des consommateurs mais à un déficit de production. Actuellement nous ne parvenons plus à satisfaire la demande», explique Matthias Kunz, président du KOS.
Excès et restructurations
‘La crise’ de l’Emmental a débuté à la fin des années 90 quand la Confédération subventionnait encore généreusement les exportations mais aussi les surplus de production.
Dans le cadre du processus graduel de libéralisation du secteur agricole, dès 1999 les autorités ont d’abord réduit puis totalement supprimé les subventions. La perte de l’aide fédérale et la baisse des prix, justement due aux énormes quantités accumulées, ont mis les producteurs en difficulté.
«En 1999, 520 fromageries produisaient de l’Emmental, aujourd’hui il n’en reste que 200 dans toute la Suisse. Ces changements structurels ont permis d’éliminer les surplus de marchandise et actuellement il n’y a même plus de réserves dans les entrepôts », note Arthur Fasel, directeur d’Emmental Suisse, l’organisation qui chapeaute presque tous les producteurs de ce fromage traditionnel.
«La production est stable depuis quelques années et les prix ont recommencé à monter. A l’avenir, les producteurs devraient avoir de meilleures marges de garantie », estime M. Fasel.
Un label qui n’est plus protégé
L’augmentation du prix de l’Emmental risque cependant d’avantager la concurrence étrangère. Depuis de nombreuses années, la France et l’Allemagne produisent davantage d’Emmental que la Suisse.
Ainsi, Lidl, le géant allemand du commerce au détail a annoncé qu’il renoncerait au produit original suisse, désormais trop cher, lui préférant les « copies » fabriquées dans d’autres pays européens.
«Il s’agit de produits de qualité inférieure étant donné que les pays voisins ne respectent pas les règles de production en vigueur en Suisse. Chez nous, par exemple, le fromage est fabriqué à base de lait frais, les vaches se nourrissent exclusivement d’herbe fraîche ou de foin mais pas de fourrages conservés dans les silos », précise Arthuer Fasel.
«Toutefois il existe sûrement encore, dans le marché étranger, des places que nous pourrions occuper avec nos produits.»
Ce genre de places encore libres est convoité par les succulents Vacherin ou Tête-de-Moine. Contrairement à ces spécialités, l’Emmental n’a pas obtenu le label DOC (Dénomination d’origine contrôlée) qui préserve le produit original des imitations.
Négociations intenses
La demande de la dénomination d’origine contrôlée a été déposée en 2000 seulement. Elle a toutefois été entravée par les oppositions des producteurs français et allemands. Les autorités suisses devraient attribuer ce précieux label dans les mois à venir. Mais ce retard risque de coûter cher.
«En Suisse, nous nous sommes intéressés trop tard aux labels de qualité, laissant ainsi la concurrence étrangère gagner du terrain. Il nous faudra probablement plusieurs années et des négociations intenses avant que l’Emmental suisse DOC soit reconnu et protégé dans les autres pays européens», explique Matthias Kunz.
Et le président du KOS de conclure : «Récemment la Commission européenne s’est prononcée sur un cas similaire, celui du fromage grec ‘feta’ auquel elle a reconnu le droit à cette dénomination. Nous espérons donc que le même principe soit étendu aux produits agricoles imités dans d’autres pays, comme l’Emmental justement.»
swissinfo, Armando Mombelli
(Traduction de l’italien, Gemma d’Urso)
L’Emmental tire son nom de la Vallée de l’Emme dans le Canton Berne. Aujourd’hui, il est produit dans d’autres régions de Suisse, sans compter d’autres pays européens surtout France et Allemagne).
Depuis quelques décennies, l’Emmental ‘dicte’ la classification de la production des fromages suisses. Données de 2005 : Emmental 32’181 tonnes, Gruyère 27’530, Appenzeller 9’188, Tilsiter 4’141, Vacherin 2’226, Tête de Moine 1’791, Sbrinz 1’564
En 2005. il a été produit 167’706 tonnes de fromage en Suisse.
56’433 tonnes, soit 33,6% de la production, a été exporté.
Les importations ont été égales à 31’508 tonnes.
Toujours l’année passée, les Suisses ont consommé presque 20 kg de fromage par personne.
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