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Une administratrice à UBS: l’arbre qui cache la forêt

Dernière assemblée générale sans femme dans le conseil d'UBS. Keystone Archive

La juriste romande Gabrielle Kaufmann-Kohler a récemment été élue au sein du conseil d'administration du géant bancaire par l'assemblée des actionnaires.

Le nombre d’administratrices de sociétés ou de femmes-cadres augmente. Au rythme actuel, la parité hommes-femmes sera atteinte en… 2076.

«Je suis fière d’avoir été choisie par une institution qui est un des fleurons de notre économie. Je suis fière aussi d’être la première femme au conseil d’administration d’UBS après la fusion.»

Pour Gabrielle Kaufmann-Kohler, 54 ans, spécialiste en droit international et en arbitrage, son élection apporte une certaine diversité à UBS «en tant que juriste, puisque je suis la seule, en tant que romande et en tant que femme».

Le 6 avril, c’était Nestlé qui élisait «sa» 2ème femme, indienne de surcroît, Naina Lal Kidwai, qui a rejoint Carolina Müller-Möhl au conseil.

Il y a encore Monika Ribar Baumann au conseil de la banque Julius Bär. Ou Inga Kristine Beale à la direction du réassureur Converium depuis janvier. Et Jasmin Staiblin à celle d’ABB Suisse depuis mars.

La diversité au service de la gouvernance

La liste des administratrices ou chefs d’entreprise – non exhaustive ici – reste courte, mais s’allonge lentement. La nécessité de se convertir en entreprise globale pousse les sociétés à améliorer leur gouvernance et donc à accroître leur diversité.

Pas question pourtant de nommer des femmes-alibi, tant les responsabilités des administrateurs sont devenues lourdes. C’est l’opinion de Dominique Freymond, consultant en gouvernance d’entreprise.

«Si Mme Kaufmann-Kohler a été nommée à UBS, c’est que c’est le bon choix en termes de compétence et de complémentarité», déclare à swissinfo cet expert genevois.

Des atouts spécifiques

Quels sont les atouts féminins? Réponse de Dominique Freymond: «Elles sont plus courageuses dans leurs prises de position. Et puis elles ont une perspective plus globale, sans se laisser fasciner par des jouets comme l’informatique, qui font oublier l’essentiel. Enfin, elles font plus confiance à leur intuition.»

Et les femmes seraient profitables. Une étude Catalyst menée de 1996 à 2000 dans 353 entreprises américaines a montré que celles qui comptent plus de femmes à la direction ont enregistré un rendement de 35% supérieur sur celles qui en comptent moins.

Le rythme de la tortue

Malgré cela, le nombre de dirigeantes reste marginal en Suisse comme ailleurs. Selon une étude du fonds d’investissement Ethos, 6% des administrateurs sont des administratrices. Dans les 26 sociétés cotées au SMI, la part atteint 8%.

Encore selon Catalyst, le taux de femmes dans les conseils américains a augmenté de 0,5% par an en dix ans. A ce rythme, la parité hommes-femmes sera atteinte en… 2076.

«C’est un peu attristant qu’on considère qu’il n’est pas ‘normal’ que des femmes accèdent à des postes à responsabilité», commente Mme Kaufmann.

Les choses changent peu à peu, mais pas partout, estime Dominique Freymond. «Dans la grande distribution, les produits de beauté ou de luxe, il est essentiel d’avoir des femmes à la direction pour pouvoir mieux comprendre les besoins du marché. Ailleurs, comme l’informatique, c’est plus difficile.»

Les quotas insatisfaisants

Comment accélérer les choses? L’introduction de quotas ne fait pas l’unanimité. Ils ont donné certains résultats en Norvège, où les conseils d’administration comptent 22% de femmes. Mais ce pays a dû reporter à plus tard l’objectif des 40%… par manque de candidates.

Pour sa part, Gabrielle Kaufmann-Kohler estime que les quotas peuvent être contre-productifs. «Je crois plus aux quotas ‘flexibles’, c’est-à-dire qu’à compétences égales, on donne la préférence à la femme.»

Reste à élargir le réservoir de candidates. Le problème n’est pas seulement une question de politique familiale, car le niveau socio-économique des femmes cadres ou administratrices leur donne les moyens de palier le manque de structures d’accueil des enfants.

Un problème de recrutement

C’est une histoire d’éducation, estime Monique Siegel, experte en management. «C’est au jardin d’enfants qu’il faut donner l’idée aux filles qu’elles pourraient devenir administratrices d’une grande entreprise», a-t-elle déclaré récemment à swissinfo.

Pour Gabrielle Kaufmann, la mentalité et la psychologie sont déterminantes: «Il y a aussi l’appréhension des femmes elles-mêmes, qui manquent de confiance en leurs propres capacités. Si vous ne croyez pas en vous, vous ne pouvez pas attendre des autres qu’ils croient en vous.»

Dominique Freymond, préconise d’«élargir le réservoir des femmes qualifiées en leur donnant une formation adéquate et en améliorant le recrutement». Autrement dit, chercher des administrateurs (-trices) en fonction des besoins de l’entreprise et non plus parmi ses partenaires de golf ou ses camarades d’armée…

Dominique Freymond place beaucoup d’espoir dans «la pression du grand public, des médias et des sociétés qui représentent des fonds ou des investisseurs qui souhaitent plus de femmes.» Une saine pression qui devrait même encore s’accentuer, souhaite le consultant.

swissinfo, Isabelle Eichenberger

En juin 1998, après une période d’acquisition et la fusion entre l’Union de banques suisses et la Société de banque suisse (SBS), UBS a pris une dimension globale.
En 2005, elle a enregistré un bénéfice net de 9,844 milliards de francs.
A fin 2005 le numéro un bancaire suisse employait 69’569 personnes, dont 26’028 en Suisse.

– Les femmes représentent 36% des diplômes universitaires chez les 25-64 ans et 45% chez les 25-34 ans.

– 59% des femmes de 15 ans ou plus exercent une activité professionnelle.

– 6% des administrateurs suisses sont des administratrices, 8% dans les 26 sociétés cotées au SMI.

– La Chambre du peuple a accepté en automne une initiative parlementaire demandant d’accroître la part féminine dans les conseils des entreprises dont l’Etat est actionnaire.

– La proportion des parlementaires femmes est de 25% en Suisse.

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