Une embellie de l’emploi ne fait pas le printemps
En recul pour le 3e mois consécutif, le taux de chômage est repassé en avril sous la barre des 4%. Par ailleurs, le climat de consommation s’améliore.
Pour autant, lorsqu’on leur parle de reprise, les analystes restent prudents dans leurs prévisions.
Après février et mars, le mois d’avril voit une nouvelle amélioration de la situation sur le marché de l’emploi en Suisse. Selon les chiffres du Secrétariat d’Etat à l’économie (seco), le taux de chômage passe de 4,1% en mars à 3,9%.
La Suisse latine reste la plus touchée, avec un taux de 5%, en recul de 0,1 point. En Suisse alémanique, la diminution est de 0,2 points et le taux global de 3,5%.
Par cantons, Genève est encore le canton où les chômeurs sont les plus nombreux (6,9%), devant Vaud (5,4%), Zurich (4,7%), Bâle-Ville et le Jura à (4,6% chacun).
Par ailleurs, on note un sensible recul du chômage partiel. Les chiffres donnés ici par le seco sont ceux du mois de mars.
Ils montrent que, par rapport au même mois de l’an dernier, 606 entreprises (au lieu de 945) ont eu recours à des mesuresde chômage partiel, qui ont concerné 5532 personnes (contre 11’785).
La confiance revient lentement
Autre signe positif, l’indice du climat à la consommation enregistre lui aussi une hausse en avril, pour le 4e mois consécutif. Les neuf points qu’il gagne ne lui permettent toutefois pas de sortir des chiffres rouges, dans lesquels il stagne depuis juillet 2001. Il s’inscrit désormais à –13 points.
Ce baromètre est calculé à partir de trois indices partiels. On interroge quelque 1100 ménages sur la manière dont ils apprécient la situation économique générale et leur propre situation budgétaire, passée et future.
«L’amélioration de la conjoncture des derniers mois, consécutive au boom des exportations suisses, a fourni un fond favorable à l’enthousiasme des consommateurs», explique Roland Duss, économiste à la banque Ferrier Lullin & Cie.
En revanche, les ménages restent toujours aussi pessimistes à l’examen de leur situation budgétaire des douze derniers mois, estimant même qu’elle s’est «un peu détériorée».
Et pour l’avenir, les Suisses restent toujours peu enclins à effectuer des achats importants, comme une voiture ou des meubles. Ils persistent également à vouloir épargner.
Redémarrage saisonnier
Quant aux prévisions de croissance globale de l’économie suisse pour l’année en cours, le seco vient de maintenir la sienne à 1,8%. De son côté, le KOF, l’Institut de recherches conjoncturelles de l’Ecole polytechnique fédérale de Zurich, table sur 1,6 à 1,9% dans les prochains mois.
Ces trois signes encourageants suffisent-ils à affirmer que la reprise est à la porte, et surtout qu’elle va s’inscrire dans la durée? Les réponses des experts sont nuancées.
Ainsi Willy Roth, porte-parole du KOF, rappelle à swissinfo que la diminution du chômage en avril est avant tout due à des facteurs saisonniers. Au printemps, en effet, certaines activités redémarrent, notamment dans la construction et dans la restauration.
La porte-parole du seco confirme. «Dans les régions alpines, le redémarrage des chantiers de construction fait plus que compenser la baisse d’activités due à la fin de la saison d’hiver. Seuls les Grisons n’en profitent pas», explique Antje Bertschi à swissinfo.
La reprise viendra de l’étranger
Pour Stéphane Garelli, la reprise en Suisse sera avant tout stimulée par la conjoncture internationale. Le potentiel de croissance se trouve en effet dans les secteurs tournés vers l’exportation.
«Les chiffres sont bons aux Etats-Unis et plus encore en Asie. Et l’on sent même des frémissements en France et en Allemagne», explique à swissinfo le professeur à l’IMD, («International Institute for Management Development»), de Lausanne.
«De plus, poursuit Stéphane Garelli, l’euro semble redescendre vers des niveaux plus raisonnables face au dollar. Par conséquent, le franc suisse devient un peu moins cher.»
Moins optimiste, Willy Roth rappelle que «la reprise dans l’Union européenne tarde à redémarrer à cause de la situation géopolitique, des incertitudes au Moyen-Orient et du prix du pétrole».
L’emploi devrait suivre
Si reprise il y a en Suisse, pour l’instant en tous cas, elle ne se traduit pas par la création de nouveaux emplois.
Le phénomène n’inquiète pas le directeur du «Center of corporate responsability and sustainability» de l’Université de Zurich. Selon Peter Buomberger, il est même parfaitement normal.
«Les effets ne devraient se faire sentir qu’après six mois à une année», dit le professeur, qui compte bien voir le chômage redescendre au-dessous de 2,5% d’ici deux ans.
Point de vue contesté par le chef économiste à l’Union syndicale suisse. Pour Serge Gaillard, «une reprise sans création d’emplois n’est pas une reprise».
Et de conclure: «Sans nouveaux emplois, la croissance demeure fragile, et c’est ce qui se passe actuellement en Suisse».
swissinfo et les agences
A fin avril, 155’061 personnes étaient inscrites au chômage en Suisse.
C’est 5788 de moins qu’à fin mars.
Le nombre de places vacantes annoncées aux offices du travail a diminué de 302 unités pour s’établir à 11’211.
– Avec son taux de chômage de 4,1% en mars et 3,9% en avril 2004, la Suisse reste bien lotie par rapport à ses voisins.
– En mars 2004 en effet, le taux de chômage de la zone euro était de 8,8% et celui de l’Union européenne de 9%.
– Selon Eurostat, l’Office statistique des Communautés européennes, ces chiffres globaux sont restés inchangés depuis une année.
– Dans le détail, les taux les plus bas sont ceux du Luxembourg (4,1%), de l’Irlande et de l’Autriche (4,5%), de Chypre et des Pays-Bas (4,7%).
– Les pays les plus fortement touchés par le chômage sont la Pologne (19%), la Slovaquie (16,5%), la Lituanie (11,5%) et l’Espagne (11,1%).
– Toujours en mars 2004, l’Italie avait un taux de chômage de 8,5%, l’Allemagne de 9,3% et la France de 9,4%.
– Pour comparaison, le taux de chômage sur la même période était de 5,7% aux Etats-Unis et de 4,7% au Japon.
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