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Une mobilisation sur fond de tensions sociales

Les premiers altermondialistes étaient déjà là le 24 mai à Lausanne. Keystone

En Suisse comme en France, les altermondialistes préparent une copieuse «semaine de résistance» au G8.

Mais les grèves françaises, les tensions sociales en Suisse et les risques de débordements violents menacent l’ampleur de ces manifestations.

«Nous appelons nos militants à participer à la grande manifestation du 1er juin à Genève. Nous n’avons pas procédé à un gros travail de mobilisation», souligne Jean-Philippe Jeannerat.

Le porte-parole du Parti socialiste suisse précise qu’une telle opération nécessite au moins trois mois de travail. «Nous avons été accaparés par les votations du 18 mai et nous sommes pris maintenant par les élections fédérales de cet automne», justifie-t-il.

Les grands syndicats suisses tels que l’Union syndicale suisse (USS) ou le Syndicat industrie et bâtiment (SIB) ont adopté un même profil. Ils soutiennent la cause, sans jeter leurs forces dans la bataille.

Un agenda déjà chargé

Les syndicats suisses ont en effet d’autres soucis en tête, à commencer par le relèvement de l’âge de la retraite envisagé par Pascal Couchepin, le ministre suisse en charge des questions sociales.

En France, une réforme similaire voulue par le gouvernement Raffarin a déjà provoqué une série de grèves et de manifestations.

«Ces conflits sociaux risquent de détourner une partie des militants des manifestations anti-G8», estime la Française Françoise Vanni qui participe à l’organisation du «Sommet pour un autre monde», le contre-sommet du G8.

«Mais, poursuit la directrice de l’ONG Agir ici, ce bras de fer qui agite la France peut aussi inciter les syndicats à se faire entendre lors du G8, au risque de brouiller notre message.»

Un mouvement émergent

De fait, la gauche traditionnelle commence tout juste à s’intéresser au mouvement altermondialiste dont les origines sont ailleurs. C’est en tous cas l’avis de Jean Rossiaud.

«Depuis les années 70, nous assistons à l’émergence de nouveaux mouvements sociaux comme les féministes, les écologistes, les tiers-mondistes, les organisations de défense des droits humains», souligne le sociologue genevois.

«Depuis la chute du mur de Berlin et l’affirmation croissante des politiques néo-libérales, poursuit Jean Rossiaud, ces mouvements thématiques se sont mis à dialoguer entre eux. Durant les années 90, les trotskistes et les anarchistes se sont joints au mouvement.»

«De ces convergences naissent, aujourd’hui, un certain nombre de thèmes et de propositions communes», conclut le sociologue.

La «semaine de résistance» concoctée par les altermondialistes à l’occasion du sommet d’Evian permettra donc de faire le point sur ces propositions.

Une tactique contestée

Cela dit, la question des moyens utilisés pour faire figurer ces revendications dans l’agenda des gouvernements réunis à Evian reste entière.

Les altermondialistes ont prévu, entre autres, deux grandes manifestations. La première aura lieu à Lausanne le 29 mai et la seconde le 1er juin à Genève.

Les organisateurs ont également annoncé des actions de blocage prévues en marge de ces défilés.

«Il est illusoire de vouloir entraver la tenue du sommet d’Evian. Le maintien de cette option démontre l’immaturité du mouvement en Suisse», juge Alberto Velasco, membre d’Attac Genève.

«C’est de l’or en barre pour les autorités. Elles peuvent ainsi justifier le gigantesque dispositif militaro-policier mis en place tout autour du lac Léman», poursuit ce député socialiste.

Un effet démobilisateur

«Vu les risques de dérapages violents, nous n’appelons pas à manifester», précise Bastienne Joerchel, de la Communauté de travail des organisations d’entraide qui regroupe les principales ONG tiers-mondistes de Suisse.

Pour sa part, Jean Rossiaud souligne la mise au point effectuée par le Forum social lémanique. Cette branche locale du forum mondial de Porto Alegre a en effet appelé les éventuels casseurs à ne pas participer aux manifestations anti-G8 et à renoncer à leurs actions.

En outre – et c’est une première chez les altermondialistes suisses – un service d’ordre fort de 150 personnes veillera à la bonne marche, coté suisse, de la manifestation du 1er juin.

Des casseurs marginalisés

«Pendant des années, les altermondialistes ont pensé que les casseurs étaient des «camarades» qui se trompaient», remarque Jean Rossiaud

«Aujourd’hui, poursuit le sociologue, les altermondialistes sont suffisamment reconnus par les médias. Cette alliance objective entre les casseurs et les autres composantes du mouvement n’est plus nécessaire.»

Son collègue Uli Windisch, lui, avertit : «Si des actions violentes continuent d’émailler ces manifestations, elles vont finir par braquer de nouvelles couches de la population. Cela renforcera, à terme, les partis les plus à droite de l’échiquier politique suisse».

swissinfo, Frédéric Burnand, Genève

Dates clés:

1998 : première manifestation anti-G8 à Birmimgham, première manifestation anti-OMC à Genève et création d’ATTAC en France.

1999 : première manifestation contre le WEF à Davos. Blocage partiel d’une conférence ministérielle de l’OMC à Seattle.

2000 : lancement, à Genève, du Forum social mondial dont la première édition se tiendra l’année suivante à Porto Alegre.

2001 : manifestations monstres à Gênes, lors du G8 et mort du 1er manifestant altermondialiste.

2002 : premier Forum social européen à Florence.

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